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Goran McKim, ven 12/12/2014 - 16:02

1905.ch réécrit l’histoire.

 

Nous somme dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602. Le Duc de Savoie a minutieusement préparé son coup et Genève s’apprête à tomber en mains savoyardes. Il faut dire qu’il avait sacrément bien préparé son affaire le bougre, repérant les lieux depuis de nombreuses semaines et formant une armée d’élite. Le plan était simple et sans accroc (Si on rattrape les gazières, on les éclate à coup de marteau… #ToiAussiEcouteIAM) et les Genevois, surpris en pleine nuit, n’eurent pas le temps de préparer la riposte. La porte de Neuve tomba, les Savoyards envahirent Genève et cette bécasse de Mère Royaume ne trouva rien de mieux que de s’ébouillanter le visage en tombant la tête la première dans sa marmite alors qu’elle apprêtait à la lancer sur un assaillant. Le drapeau savoyard est hissé au sommet de la ville et sera remplacé en 1860, date à laquelle la Savoie est annexée à la France, par le drapeau tricolore qui flotte encore aujourd'hui. La France célèbre chaque année sa victoire en mangeant des échelles en pain d’épice tout en sifflant une chanson pompeusement appelée "Et une, et deux, et trois échelles ».

 

Ce n’est que 349 ans après cette victoire, soit en 1951, que Genève voit sa première équipe de hockey se créer. Contrairement à la petite Suisse voisine, le hockey n’est pas un sport majeur en France et tout a donc du retard. Obligée de composer avec ses voisines pour trouver le financement nécessaire, Genève s’associe avec Ambilly, Cranves-Sales et Vétraz-Monthoux pour créer le fameux GACV HC, qui jouera dans la toute nouvelle Le Coq Sportif Arena située à Etrembières.

 

Bien aidé par les fortunes du coin, le GACV monte progressivement les échelons jusqu’à atteindre la 1ère Série (ancêtre de la Ligue Magnus) en 1964. Rapidement, l’équipe devient l’un des moteurs du championnat et remporte la bagatelle de 7 titres d’affilée entre 1971 et 1977. Le public se masse en nombre « Au Coq » (surnom de la patinoire) et le club attire les regards de curieux à travers tout la France, mais aussi du côté de la Suisse qui, dans sa logique d’expansion, se verrait bien rapatrier le GACV HC.

 

Malheureusement, le succès du club attire aussi un certain nombre de personnes mal intentionnées. Le Coq Sportif et son administrateur délégué décident, en 1981, de revendre le club à un prétendu riche investisseur congolais, qui se dit passionnée de hockey depuis sa tendre enfance. Promesse de construction d’une nouvelle patinoire, d’investissements en masse pour de nouveaux joueurs, construction d’une Etrembièes Ice Hockey Academy, tout y passe. Sauf que le GAVC HC ne verra jamais le moindre centime de la fortune de M. Bambounnec, qui sera emprisonné quelques mois plus tard pour gestion déloyale, faux dans les titres et abus de confiance. Le GAVC HC est relégué en Division 2 et doit changer de nom pour éviter le dépôt de bilan. C’est ainsi que nait, à l’aube de la saison 1982-1983, le tout nouveau HSUHC – Haute Savoie United Hockey Club. Les entreprises de la région s’associent pour faire en sorte que l’équipe remonte rapidement en Divison 1.

 

Après avoir battu les Français Volants de Paris lors du dernier match de la saison 1983-1984, le HSUHC accède à la Division 1, mais la FFSG (Fédération Français des Sports de Glace) lui refuse l’accession en raison de sa patinoire désuète. Après un été de négociations, le HSUHC obtient finalement le droit de monter, mais à condition de jouer ses matchs à domicile à Annecy, dans une patinoire ne pouvant contenir que 853 spectateurs.

 

Débute alors une longue traversée du désert pour le HSUHC, le club étant uniquement sauvé de la relégation grâce aux faillites successives de ses concurrents et au manque de volonté des équipes de Division 2 de monter. Au gré de ses différentes fusions avec d’autres clubs de la région, le HSUHC deviendra successivement le HCS (Hockey Club Savoie), le ABHC (Annecy Bonneville Hockey Club) puis enfin le SJTHC (Saint-Julien Thonon Hockey Club) tout en continuant à jouer à Annecy devant des gradins de plus en plus désertiques.

 

C’est finalement janvier 2001 - année du cinquentenaire du club - que tout va changer (l’investisseur ayant voulu s’assurer que le bug de l’an 2000 ne nous tuerait pas tous avant de placer ses billes). L’entreprise Danone, que l’on ne présente plus, rachète le club pour 1€ symbolique à la Boucherie-charcuterie de Thonon et annonce ses plans. Nouvelle patinoire construite à Evian à l’été 2002, promotion en Ligue Magnus en avril 2003 et premier titre national en 2005. Les quelques supporters encore présents tentent d’organiser une manifestation contre cette reprise mais ne parviennent pas à rassembler plus de 18 personnes. Danone n’a donc aucune résistance à écarter.

 

La première étape du plan se déroule à merveille est la première pierre de la Danone Arena est posée Evian en mars 2001, soit exactement 45 jours après la prise de pouvoir de Danone, qui prouve ainsi qu’ils ne feront pas les choses à moitié. C’est aussi à ce moment que le SJTHC change officellement de nom, encore une fois, pour devenir le Danone-Annecy-Gaillard-Thonon Hockey Club, plus souvent appelé DAGTHC (à la vôtre) et change de couleurs, abandonnant son grenat et jaune historique pour laisser place à un rose pâle du plus mauvais effet.

 

Malgré son maillot ressemblant à un pyjama, l’équipe se porte mieux et obtient sa promotion en ligue Magnus en remportant le match décisif face à Boxers de Bordeaux, dans une patinoire d’Annecy comble (853 spectateurs). Un écran géant est installé dans le hall de la Migros d’Etrembières, à l’endroit même où se trouvait « Le Coq » avant sa destruction. 53 personnes y prennent place, preuve que l’engouement populaire n’est pas encore au rendez-vous.

 

La première saison dans l’élite se jouera encore à Annecy, en attendant la sortie de terre de la Danone Arena. Tous les matchs de la saison se disputent à guichets fermés et après une saison digne d’éloges, rendue possible par quelques centaines de milliers d’Euros ayant permis le recrutement de jeunes prometteurs locaux et d’anciennes gloires nord-américaines, le DAG comme on l’appelle chez nous, finit 4ème de la saison régulière et échoue aux portes de la finale contre le futur champion, Rouen.

 

Contraint de disputer les 15 premiers matchs de sa saison à l’extérieur en raison de la démolition de la patinoire d’Annecy et en attendant l’ouverture de la Danone Arena, le DAG est bon dernier au moment d’inaugurer son nouvel écrin. Le 30 novembre 2002, soit avec seulement 6 mois de retard, la Danone Arena est inaugurée en grands pompes lors d’un match d’exhibition contre les Sharks du Léman, club artificiel situé au bord d’un lac qui n’existe pas, mais multiple champion suisse en titre. Et alors que personne ne s’y attendait, Danone annonce ce jour-là les signatures de Philippe Bozon, chassé de Lugano (Suisse) et désireux d’évoluer dans son pays natal et qui fête son anniversaire ce même jour, Cristobal Huet provenant de Lugano également et ayant préféré ce défi que celui qui s’offrait à lui en NHL, ainsi que Pierrick Pivron, Eliot Berthon et Loïc Mora, qui sont officiellement des DAGistes et viennent rejoindre les Meunier, Treille(s) et autres Hecquefeuille. Le club entre alors dans une nouvelle dimension.

 

Annoncé pour 2005, le premier titre arrivera finalement plus tôt que prévu, puisque malgré les 14 défaites lors des 15 premiers matches de la saison 2002-2003, le DAG parvient à se qualifier in extremis pour les playoffs grâce à sa ribambelle de stars, écrase tout sur son passage durant les séries et parvient à soulever la Coupe Magnus pour la première fois de son histoire récente, la 8ème si on inclut les titres du GACV dans les années 1970. Le succès de Danone est total. Les 10'000 spectateurs de la Danone Arena sont en transe et le président Chirac, présent dans les tribunes, tombe sous le charme du DAG et se fait surprendre entrain d’encourager sa nouvelle équipe en playback.

 

Le DAG se permettra encore de remporter les deux titres suivants, toujours emmené par ses superstars et devant une foule toujours aussi conquise. Battus lors de la saison 2004-2005 par les Suisses de Berne en ½ finale de la toute nouvelle ligue des Champions, le DAG a aussi prouvé sa valeur au niveau européen et la France entière se prend d’affection pour ce club que l’on dit familial alors que géré par une multinationale et évoluant dans une ville ne faisant même pas partie de son nom.

 

La grave blessure de « Cristo » ainsi que la retraite du légendaire Bozon en 2006 marqueront cependant un coup d’arrêt à la belle histoire. Les premières rumeurs de retrait de Danone fleurissent, les entraîneurs se succèdent sans parvenir à retrouver les résultats escomptés et le public commence à montrer ses premiers signes de lassitude. La nomination d’un certain Hans Kossmann au poste d’entraîneur, qui vira sans ménagement Hecquefeuille et Berthon dès le premier entraînement, créa un fossé entre l’équipe et son pubic. Le DAG terminera bon dernier de la saison 2006-2007 et au terme d’une conférence de presse complètement psychédélique, Danone annonce son retrait le 15 avril 2007.

 

Le club a jusqu’au 30 août pour trouver une solution financière et débuter la saison de Ligue Magnus 2007-2008. Les choses se font finalement assez vite et le 16 mai 2007, le Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani est nommé à la présidence du club. La veille, Nicolas Sarkozy était élu Président de la République. Peu de gens croient à la coïncidence.

 

Le cheikh fit venir tous les meilleurs joueurs français au tout nouveau QEGHC, soit le Qatar-en-Genevois Hockey Club, successeur du DAG. Pierre-Edouard Bellemarre, Antoine Roussel, Christian Dubé (au bénéfice du passeport français) et le jeune Tim Bozon rejoignent le vieillissant Cristobal Huet et Eliot Berthon revient après un pige à Novozibirsk. Fort de ses millions, le cheikh qatari offre le poste d’entraîneur à Patrick Roy, qui remplace le non-regretté Kossmann. Après avoir fait ses preuves du côté des Sharks du Léman, un certain Chris McSorley est nommé directeur technique. En termes d’investissements, l’état du Qatar ne lésine pas sur les moyens, et à l’heure où nous écrivons ces lignes, le casino d’Evian est l’un des plus réputés du monde et la ville va bientôt atteindre les 5 millions d’habitants. La Qatar Airways Arena est quant à elle rénovée de fond en combles et devient l’une des plus luxueuses du monde, servant même de modèle à la rénovation de plusieurs arénas nord-américaines.

 

Face à cette dream-team, la faible opposition proposée par la Ligue Magnus ne fait pas le poids et le QEGHC remporte tous les titres entre 2008 et 2014, en en perdant en tout en pour tout que 4 matches durant cette période. Le public n’a que moyennement suivi ce changement, malgré les résultats, et un club dissident est entrain de voir le jour, monté par un petit groupe de supporters ayant pour ambition de ramener le club à ses valeurs de base.

 

Loin de ces considérations, le cheikh se rend quand même compte que cette archi-domination ést néfaste pour le hockey français et ce pays étant trop petit pour ses ambitions. Le QEGHC a donc rejoint la KHL cette saison et joue d’ailleurs un match important ce soir à 20h30 sur la glace du Metalurg Magnitogorsk. Avis aux amateurs. Quant à nous, fidèles à notre ligne de conduite, nous avons arrêté de suivre ce club et faisons partie des dissidents qui créent un club aux vraies valeurs. Le GSHC : Genève-Servette Hockey Club, qui évolue à nouveau en grenat.

 

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