15 mars 2018

Depuis 1993, seules sept équipes ont renversé une série après avoir été menées 2-0. Les Aigles font face à un défi compliqué

 

Genève-Servette n’a plus le droit à l’erreur. Les Grenat doivent remporter quatre de leurs cinq prochains matches pour espérer sortir vainqueurs de ce quart de finale. La mission serait périlleuse contre n’importe quelle équipe du championnat. Elle devient presque insurmontable face à cette armada bernoise. Le danger peut venir de partout. Avec Arcobello, Haas, Ebbett ou Bodenmann, entre autres, le SCB s’appuie sur une force de frappe sans limites.

 

L’histoire ne parle d’ailleurs pas en faveur du GSHC. Depuis 1993, et l’apparition des séries de play-off au meilleur des sept matches, seules sept équipes sont parvenues à revenir après avoir perdu les deux premiers matches. Les chances de réussite des Genevois dépassent à peine les 10%. Sur le papier du moins.

 

Sortir de cette dramaturgie

 

Par définition, les play-off échappent à toute rationalité, à toute logique. Les émotions, la pression, l’intensité physique y sont décuplées par cette douce folie qui saisit le hockey suisse. «Genève doit parvenir à sortir de cette dramaturgie pour avoir une chance de rebondir, avance Paul Savary, ancien attaquant du GSHC, aujourd’hui membre de la deuxième équipe. Pour le groupe dans son ensemble, il faut mettre de côté l’histoire de cette série, oublier que Berne mène 2-0. Sur un match, l’équipe a les armes pour battre les Ours.»

 

À domicile, les patineurs de la capitale se devront de gagner. Jeudi soir, sur le coup de 20 h, l’impressionnant mur noir et jaune de supporters paraîtra plus grand encore qu’à l’accoutumée. Le public bernois, formidable source de motivation, peut également gronder lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu. «En play-off, il suffit d’un rien pour que tout bascule, souligne Gianluca Mona, portier des Aigles de 2006 à 2009. Tout peut se jouer sur un rebond favorable, un but de raccroc ou un exploit personnel. Genève doit tenir bon, insinuer le doute dans les esprits bernois.»

 

Après le naufrage collectif de samedi, les Grenat ont eu le mérite de relever la tête dans l’acte II. Ce sursaut d’orgueil a permis aux Aigles de résister au double champion en titre durant 50 minutes. Insuffisant pourtant pour éviter une défaite aussi rageante qu’inéluctable.

 

Entraînement facultatif

 

Mercredi aux Vernets, l’entraînement était facultatif pour les titulaires. La grande majorité des joueurs ont pourtant enfilé leurs patins, après une séance vidéo. «Jeudi, tout le monde devra en faire un peu plus, se projetait Louis Matte, entraîneur assistant du GSHC. Il faudra étouffer Berne, réduire les espaces au maximum, les empêcher de développer leur jeu. À nous de trouver les solutions. Il y a un gros travail mental à faire pour aller chercher cette première victoire.»

 

Tous les regards se tournent à nouveau vers Robert Mayer. Est-il encore l’homme de la situation? «Absolument, tranche Gianluca Mona. Il a tenu son équipe dans le match pendant deux tiers mardi. Il n’a plus le choix désormais et se doit de sortir quatre matches à plus de 95% d’arrêts. Je suis persuadé qu’il a l’expérience et la capacité pour le faire.» Pour renverser cette série, le GSHC devra livrer une prestation collective sans faille. Mais le meilleur des récitals ne suffira pourtant pas si le ton n’est pas donné par son gardien.

 

«Craig Woodcroft a toute notre confiance»

 

Téméraire coup de poker, décision forcée par les forfaits ou accès de panique? Les cinq changements de Craig Woodcroft pour l’acte II n’ont pas fini d’animer les débats. «L’entraîneur a cherché la meilleure solution possible pour l’équipe», a argumenté Louis Matte. Le repositionnement de Romain Loeffel en attaque a pourtant cristallisé les critiques. «Ces décisions n’avaient pas pour but de déstabiliser Berne, a poursuivi l’entraîneur assistant du GSHC. Loeffel a déjà évolué sur l’aile droite lors de la demi-finale face à Lugano en 2016 (ndlr: durant l’acte remporté 2-1 à la Resega). C’est un joueur à vocation offensive par nature. Il s’est bien défendu mardi.»

 

Toujours est-il que Genève se retrouve mené 2-0 dans cette série face au CP Berne. Le coup de sac de Craig Woodcroft n’a pas eu l’effet escompté. De quoi asseoir le technicien canadien sur un siège éjectable? Pierre-Alain Regali, directeur général du club, coupe court à la discussion. «Il fallait tenter quelque chose, forcer la décision en amenant des choix tactiques différents. Évidemment, nous maintenons toute notre confiance en Craig Woodcroft.»

 

Changer de coach au milieu d’une série, Olivier Keller n’y croit pas une seconde. «Cela ne servirait à rien du tout. On ne prend pas une telle décision pendant les play-off. Le bilan doit se faire à la fin de la saison.»

 

L’ancien défenseur grenat pointe malgré tout du doigt la gestion du groupe menée par le Canadien: «Les joueurs sentent si l’entraîneur n’a pas de solution, s’il commence à paniquer.» Pour Keller, cette cassure s’explique en partie par la présence de Woodcroft aux JO, en tant que 3e assistant du Team Canada. «Je ne comprends pas que les dirigeants l’aient laissé partir. En tant qu’entraîneur, tu ne peux être absent vingt jours juste avant les play-off pour t’occuper d’une autre équipe à l’autre bout du monde. On n’aborde pas les séries du jour au lendemain. C’est un événement qui se prépare minutieusement. Il est important de créer une cohésion, une osmose dans le groupe. Ce n’est visiblement pas le cas.»