26 juin 2017

Sur la porte du bureau de Craig Woodcroft figure encore le panneau de Chris McSorley. Il faudra peut-être utiliser la manière forte pour l’arracher tant cela fait longtemps que le nom de l’ancien maître des lieux est affiché. Mais c’est bel et bien Craig Woodcroft qui nous accueille. La poignée de main est ferme. Le regard droit dans les yeux. «Bienvenue.»

 

Pendant une heure, le nouvel entraîneur des Vernets a accepté, sans détour, d’expliquer qui il est et pourquoi il a accepté ce job qui pourrait ressembler à un terrain miné, tant la succession qu’il a à prendre est ardue.

 

Dans la pièce exiguë, les noms des nouveaux arrivants ont déjà été imprimés sur le tableau magnétique. Il y a même certaines surprises. «On lance des noms au hasard, se justifie-t-il en souriant. Vous n’avez rien vu, d’accord?» glisse-t-il dans un clin d’œil. Promis, on n’a rien vu. Le ton est décontracté et chaleureux. Hormis ce «détail», l’homme ne semble rien avoir à cacher. Anglophone, il a promis de s’exprimer rapidement en français. «Je l’ai parlé durant toute ma scolarité, rigole-t-il. Il n’y a pas de raison que cela ne revienne pas.»

 

Craig Woodcroft, nous voici dans votre bureau avec le contingent de votre future équipe affiché. Franchement, vous connaissiez combien
de noms avant de venir ici?

 

Pour être honnête avec vous, je connaissais surtout le championnat de Suisse par sa réputation. J’ai coaché contre certains de ces joueurs, surtout au niveau international. Mais la LNA est un championnat sur lequel j’ai un œil attentif depuis longtemps. J’ai une très bonne idée de l’endroit où je mets les pieds.

 

Au sens propre, vous mettez les pieds dans une patinoire des Vernets un peu vétuste. Loin des standards de la KHL et de l’Allemagne, non?

 

J’y trouve un certain charme. Du caractère, même. Je mentirais si je vous disais que c’est l’enceinte la plus moderne dans laquelle j’ai entraîné. (Rires.)

 

Comme la question va vous être posée un bon millier de fois, autant y aller tout de suite. Succéder à Chris McSorley, vous voyez cela de quel œil?

 

Je suis honoré d’avoir la chance d’occuper cette fonction d’entraîneur de GE Servette. C’est un club qui s’est bâti une solide réputation grâce à tout ce qui a été mis en place par Chris McSorley. Il est l’architecte du GE Servette que je reprends. C’est un sacré costume à endosser, car il est iconique, ici. J’en suis conscient, mais je me rends aussi compte du privilège que j’ai. Tout entraîneur serait heureux d’avoir ma chance. Ce n’est pas quelque chose qui doit effrayer mais que je respecte beaucoup.

 

Avez-vous peur des comparaisons?

 

Non. Je reste moi-même. En tant que coach et en tant que personne. J’ai eu du succès par le passé et je compte aller de l’avant et ajouter quelque chose à ce qui existe déjà.

 

À quoi ressemble une équipe coachée par Craig Woodcroft?

 

Pour moi, il y a deux façons de voir un match. Soit tu dictes le jeu, soit l’adversaire te le dicte. Je préfère être l’agresseur. Il faut donc s’attendre à une équipe qui joue résolument vers l’avant et qui a beaucoup de possessions du puck. Je dois forcément m’adapter à l’équipe à ma disposition, puisque le contingent est bouclé. Mais ce n’est pas inhabituel.

 

À 47 ans, vous n’avez été qu’un an coach principal. Ose-t-on parler d’inexpérience?

 

Plus que l’expérience, j’accorde une très grande importance au leadership. Je suis dans le business depuis suffisamment longtemps pour savoir comment fonctionne la dynamique d’une équipe. Tout au long de ma carrière, j’ai eu l’occasion d’accumuler un vécu sur la manière de gérer un groupe au contact d’excellents entraîneurs. Mais je suis là pour imposer mon style de jeu.

 

Vous serez assisté par deux techniciens. C’est singulier en Suisse. C’était votre volonté?

 

C’est la direction dans laquelle l’organisation a décidé d’aller. Mais je suis totalement en accord avec cette vision. L’apport de Louis (ndlr: Matte), qui est là depuis si longtemps, me sera précieux en termes d’informations pour m’acclimater. Jason (ndlr: O’Leary) vient de gagner un titre en LNB . Ce serait idiot de ne pas profiter de ces ressources.

 

À choix, n’auriez-vous pas préféré que l’argent soit investi dans un joueur de plus?

 

Les bénéfices d’avoir deux aides sont inestimables. Un joueur mieux entouré produit plus sur la glace et se développe davantage. Selon moi, un bon leadership personnalisé amène plus qu’un joueur de plus.

 

Pourquoi avoir choisi de quitter la KHL?

 

Nous nous étions entendus pour un plan sur trois ans avec le Dinamo Minsk. L’an dernier, le but était de nous qualifier pour les play-off. Ce que nous avons fait. Mais depuis, j’ai eu l’impression que l’organisation s’est progressivement éloignée du plan de base et nous avons donc pris des chemins différents.

 

Vos deux frères sont assistants en NHL. Avez-vous le même plan de carrière?

 

(Silence.) Nous sommes une famille de hockey. Ce n’est pas commun d’avoir trois frères à ce niveau, en effet. Mais je ne fais pas ce genre de plans. Si je devais m’imaginer dans cinq ans, je me verrais ici avec des titres à fêter et nous reparlerons de cette discussion. (Rires.) Je ne considère pas GE Servette comme une étape entre deux clubs, j’ai des projets de vie ici, avec ma famille, contrairement à ce que j’ai vécu en KHL.