29 mars 2016

GE Servette a été éliminé en six matches par Lugano. La décision est tombée sur un penalty de Philippe Furrer, en prolongation.

 

Chris McSorley est un homme qui a besoin de toujours tout contrôler. Et il le fait avec une maestria indéniable. Habile joueur de poker, l’entraîneur ontarien a l’habitude de ne rien laisser au hasard. Lorsqu’il s’agit de hockey sur glace, l’envie d’emprise prend là aussi – et surtout – le dessus. Comme personne, l’entraîneur des Vernets sait influer sur le match par des choix tactiques si souvent gagnants. Alors, avoir toutes ses «billes» misées sur un coup de dés – un penalty –, le Canadien n’en a pas l’habitude. «Ce soir, les dieux du hockey n’étaient pas Genevois», regrettait-il. 

 

Le voir sur son banc au moment du tir au but décisif de Philippe Furrer avait quelque chose de presque surréaliste. Il était là, au milieu de ses joueurs, désemparé, à attendre que «les dieux du hockey» décident du destin de son équipe. Ses espoirs de ne pas être éliminé se trouvant un peu dans les jambières de Robert Mayer et beaucoup au bout de la crosse de Philippe Furrer. Finalement, c’est le défenseur qui s’est mué en «dieu du hockey» avec une feinte digne d’un attaquant rompu à l’exercice. Particulier pour un joueur de 30 ans habitué à marquer un but à chaque pleine lune. Les bonnes années.

 

«J’ai été surpris»

 

Au moment où toute la Resega retenait son souffle, Chris McSorley a donc assisté, impuissant, à l’élimination de son équipe. Ce n’est certes pas sa première déception en play-off – il a vécu l’expérience pour la douzième fois hier –, mais c’est peut-être la plus spéciale. «Je n’ai rien à reprocher aux arbitres sur l’action du penalty, a-t-il tenu à préciser. Ce match, finalement, se joue à très peu de chose. Comme toute la série, d’ailleurs.»

 

Au bout du compte, Lugano a mérité de passer l’épaule. Après avoir allumé Robert Mayer tant et plus, ils ont finalement trouvé une brèche. «J’avoue franchement avoir été surpris par ce qu’il a essayé – et réussi – Furrer sur ce penalty», a concédé Robert Mayer.

 

S’ils sont en vacances, les Aigles ont tout de même formulé quelques griefs aux arbitres. Pour la forme. «Je suis profondément déçu de voir que deux accrochages clairs n’ont pas été sanctionnés à des Luganais, au cours de la prolongation. Les arbitres n’ont pas eu le courage de siffler en notre faveur.» Les deux scènes peuvent légitimement agacer les visiteurs. Mais les Luganais ont su se montrer agressifs durant cette période additionnelle (19 tirs à 4), forçant les hommes de loi à prendre des décisions difficiles. «Nous avons longtemps géré le tempo, a poursuivi le coach genevois. Mais, depuis la 50e et durant la prolongation, nous avons perdu le contrôle.» Et ce, jusqu’à cette fameuse 74e minute où Chris McSorley a perdu la mainmise sur tout. Définitivement.

 

Romy, figure tragique des Genevois (par Frédéric Lovis)

 

C’est suite à une faute commise par son meilleur joueur de champ en play-off que GE Servette s’est fait éliminer par le HC Lugano.

 

Jusqu’à cette 74e minute de jeu, Kevin Romy avait été fidèle à lui-même. En marquant le 2-1 au terme d’une action individuelle de grande classe ayant réduit Linus Klasen, puis Elvis Merzlikins, au rôle de spectateurs, le Neuchâtelois avait permis à GE Servette de mener une première fois à la marque (30e).

 

Jusqu’à cette 74e minute de jeu, il livrait de nouveau cette marchandise de premier choix qui avait fait dire à Chris McSorley, juste avant l’acte IV, qu’il était son meilleur homme sur la glace avec Robert Mayer. Hélas pour son équipe, le centre accrochait Philippe Furrer au moment où ce dernier s’apprêtait à se retrouver en position idéale au terme d’une contre-attaque. Quelques minutes plus tard, le défenseur s’élançait pour crucifier les Genevois pour de bon grâce à un tir au but parfaitement exécuté.

 

«Ça va vite, soupire la figure tragique de GE Servette au terme de cette demi-finale. On a une grosse occasion juste avant. Je récupère le puck en zone d’attaque. Je n’ai pas réussi à le mettre devant le but comme je le voulais. Ensuite, il y a aussi Marco Pedretti qui se fait accrocher dans le haut de la zone d’attaque de Lugano. Ça donne un 2 contre 1. J’ai essayé de rattraper Furrer. Je n’ai pas vraiment eu le choix. C’était une décision difficile à prendre. J’ai fait de mon mieux pour revenir sur lui. A la fin, je n’ai pas eu d’autre choix que de le faire tomber et ça a donné ce penalty. J’ai essayé quelque chose, ça n’a pas marché. C’est le sport. C’est dur. On doit l’accepter.»

 

Quatre lignes

 

Les treize points empilés par Kevin Romy depuis le début des play-off n’ont donc pas permis à l’Aigle de s’envoler en direction de la finale. «Une défaite en demi-finales, c’est pas mal, mais on avait le moyen d’aller en finale pour faire un truc, reprend-il. On l’a vu, on a réussi à mettre sous pression Lugano. Tout le monde aura des regrets. On a donné le maximum, ça n’a pas suffi. On n’a pas non plus été capable de gagner devant notre public en ayant l’avantage de la glace. Ça a pesé lourd dans la balance. On a perdu trois fois aux Vernets, ça nous était rarement arrivé durant la saison régulière. Durant une série de play-off, on ne peut pas se permettre de ne pas gagner à la maison.»

 

Autre regret évoqué par le No 88: «On a joué la plupart du temps à quatre lignes, contrairement à Lugano, qui a tourné à trois blocs. A la fin, c’est frustrant, car on n’en a pas profité pour faire la différence. On n’a pas été aussi lucide qu’eux pour finir le travail.»

 

Ce qu’il y a finalement d’étrange dans cette série, c’est que les deux derniers Genevois à avoir été sous le feu des projecteurs ont été les deux meilleurs de leur équipe. Hélas, c’était juste avant le baisser de rideau définitif. 

 

A quoi sert la saison régulière ? (par Emmanuel Favre)

 

Le huitième (Berne) est en finale de LNA après avoir balayé le premier et son dauphin. Le cinquième (Ajoie) se trouve à un succès du titre de LNB.

 

Le lauréat de la saison régulière du championnat de LNA (les Zurich Lions)? Il est passé à la trappe, en quatre petits matches, dès les quarts de finale.

 

Son dauphin (Davos)? Il a été balayé en cinq parties en demi-finales.

 

L’identité de l’équipe qui ne se trouve qu’à un succès du titre de champion de Suisse de LNB? Le HC Ajoie. Son classement au terme de la saison régulière: cinquième.

 

Est-ce à dire que les 50 matches livrés de septembre à février ne comptent que pour des prunes? Ou, au contraire, qu’ils permettent aux plus faibles de mettre au point des stratégies, tant sur le plan technique que mental, pour compenser leurs lacunes présumées? Une certitude: les équipes qui parviennent à créer des surprises en play-off (FR Gottéron en 2008 et 2009, Berne cette année notamment) sont des équipes qui ont dû se battre et se regrouper autour d’un projet quelques semaines avant le début de séries éliminatoires. Contrairement aux formations qui ont fait la course en tête, elles ont été confrontées au doute et ont appris à se faire mal.

 

Quant à leurs membres, ils ont souvent dû ravaler leur ego et se sacrifier pour une cause commune: se hisser en play-off.

 

Le succès, en hockey, c’est autant une question d’envie et de caractère que de talent.