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Dougal-Lennart Sanderson, mer 23/09/2015 - 16:29

Pour la première fois de la saison, Genève-Servette va avoir affaire au nouveau système de discipline de la Ligue. Du bon côté heureusement, même si on se serait bien passés de voir Matthew Lombardi être chargé au niveau de la tête. L'occasion est donc toute trouvée pour se pencher sur l'innovation de l'intersaison.

 

En effet, on s'est enfin rendu compte en haut lieu que Reto Steinmann avait perdu toute crédibilité par ses décisions erratiques, d'autant que celles-ci étaient de plus en plus régulièrement désavouées en appel.

 

On peut pourtant toujours compter sur notre chère Ligue pour déployer des trésors de créativité afin de nous inventer une situation encore plus boiteuse. Pour s'éviter des soucis administratifs, on a décidé de conserver l'avocat zougois comme juge unique désormais fantoche, puisqu'il ne fera qu'annoncer les décisions prises par un comité constitué des deux ex-arbitres Stéphane Auger et Brent Reiber.

 

Ceux qui suivent la NHL auront sans doute grincé des dents à la nomination du premier. Celui-ci fut en effet gentiment prié de présenter sa démission de son poste d'arbitre suite à plusieurs incidents culminants avec l'affaire Burrows : ayant été berné par le joueur de Vancouver, qui ne tient pas toujours très bien sur ses patins il est vrai, Auger lui avait annoncé à l'échauffement du match suivant qu'il allait lui rendre la monnaie de sa pièce. Burrows avait alors écopé de pénalités à la chaîne lors de la troisième période.

 

Quant à son désormais collègue, on connaît bien son aptitude au « compromis ». Exemple parmi tant d'autres, cette scène des Règles du jeu où, à la suite d'une charge haute sur Bob Lachance, il explique à un Chris McSorley incrédule qu'il ne donnera rien sur ce coup mais qu'il collera dix minutes au Bernois à la prochaine incartade.

 

On accordera bien sûr au duo le bénéfice du doute et l'occasion de faire ses preuves dans ses nouvelles fonctions. Mais comme leur prédécesseur-toujours-en-place se voyait régulièrement soupçonné d'avoir ses têtes de Turcs, on peut quand même s'interroger sur la pertinence de lui désigner des successeurs-mais-pas-vraiment dotés de ce genre de pédigrée.

 

Comment faire alors pour dissiper le doute ? Pour trouver des pistes, on peut se pencher sur la mue effectuée en NHL. La ligue nord-américaine possédait naguère son Steinmann en la personne de Colin Campbell, dont les décisions étranges avaient notamment donné naissance au fameux flowchart de Down Goes Brown. La situation a été largement désamorcée avec la mise en place du Département de la Sécurité des Joueurs.

 

Tout d'abord, on a incorporé d'anciens joueurs dans le processus. L'avantage évident est d'apporter un avis plus proche du terrain et des réalités du jeu, qui complète le point de vue plus juridique. Il ne faut toutefois pas en abuser, car les joueurs ont naturellement tendance à pencher vers la tolérance envers leurs camarades. Mais justement, la prédominance d'éléments qui n'étaient pas spécialement candidats au Lady Byng (Brendan Shanahan jadis, Stéphane Quintal, Chris Pronger) trahit un autre avantage plus politique. Comme dans toutes les professions, les joueurs n'aiment pas être jugés par des gens qui ne sont pas du métier. La plupart des critiques sont ainsi désamorcées à la racine.

 

Mais l'élément capital est autre. Cette nouvelle cellule consent surtout d'énormes efforts de transparence et de pédagogie. Premièrement, chaque décision est annoncée par une vidéo qui démontre les points qui ont amené au verdict, ce qui aide à comprendre comment elle a été prise. Mais on ne s'arrête pas là : des petits films plus préventifs en quelque sorte sont régulièrement produits afin d'expliquer, illustrations à l'appui, ce qui est considéré ou non comme une charge à la tête, par exemple. Le tout peut en outre être retrouvé sur un site dédié. Sans transparence, il est inévitable que les théories du complot finissent par surgir, et aucun élément ne permet de les contrer de façon convaincante. L'opacité fait toujours penser qu'on a quelque chose à cacher.

 

Premier obstacle : la nécessité de définir une ligne de conduite, de s'y tenir et de la communiquer. Cela n'ayant jamais été fait, dans sa dernière partie en tout cas, ni pour la discipline, ni pour l'arbitrage, on ne peut s'empêcher de penser que le flou est commodément entretenu afin de ne pas avoir à reconnaître des erreurs évidentes.

 

Deuxièmement, la Ligue Nationale n'a évidemment pas les moyens de la NHL. Mais il n'y a pas forcément besoin de faire des vidéos. Communiquer systématiquement et démontrer la logique interne des décisions ferait déjà énormément pour apaiser les esprits. Même si c'est uniquement par écrit. Voire, soyons fous, avec des captures d'écran. On demande beaucoup, on sait.

 

Mais surtout, il faudra bien un jour adresser ce problème de moyens à la base plutôt que, là aussi, se cacher derrière pour justifier son inaction. À l'heure où l'on professionnalise jusqu'au petit-déjeuner des joueurs, est-il admissible que l'instance chargée de faire appliquer le règlement et de protéger l'intégrité de la compétition reste l'un des derniers bastions de l'amateurisme ?