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Dougal-Lennart Sanderson, dim 21/12/2014 - 19:57

Le monstre du Loch Ness. Le Yéti. Bigfoot. Dieu. Le cerveau d'Alain Birbaum. Autant d'entités dont l'existence ne fait aucun doute pour ceux qui se basent sur les rumeurs persistantes. Devant le manque flagrant de preuves concrètes, la personne de raison se voit cependant obligée de pencher pour leur inexistance. Ajoutons une nouvelle entrée à la liste.

 

Qui aime le mois de novembre, ce merveilleux mois où le jour n'en finit plus de décliner et lors duquel, sous nos latitudes, le brouillard vient se mêler au couvercle pour faire déprimer même les plus joyeux lurons ? Pour l'amateur de hockey genevois, c'est encore pire. En effet, c'est au moment où l'on tourne la page « Octobre » du calendrier que surgit de sa tanière une créature terrible. J'ai bien sûr nommé… (musique de film d'horreur) … le tristement célèbre Trou de Novembre™.

 

À ce moment, les joueurs grenat, paralysés par cette vision effroyable, perdent leurs moyens et les résultats de l'équipe plongent dramatiquement. Tout juste peut-on espérer limiter les dégâts pour que la situation soit rattrapable par la suite. Mais cette vision cauchemardesque a-t-elle une raison d'être ? Faut-il croire ce que disent les journaux ? Pour le savoir, ne reculant devant aucun sacrifice pour toi, cher lecteur, j'ai dégainé ma plus belle calculette, chaussé mes lunettes scotchées au milieu et démarré Excel.

 

Résultat ? Vous vous en doutiez vraisemblablement après avoir lu le titre et l'intro, mais non, rien ne permet de conclure à une malédiction du mois de novembre. Au contraire, avec 53,93 % des points possibles remportés en novembre depuis la remontée en LNA, la performance est même légèrement supérieure à notre moyenne globale (53,61%).

 

Mais alors quel est notre plus mauvais mois sur le plan comptable ? Assez paradoxalement, il s'agit de celui dont l'arrivée nous soulage, car c'en est alors officiellement fini de novembre. En décembre, Genève-Servette n'a remporté que 49,6 % des points possibles. Encore plus inquiétant pour notre santé mentale, le deuxième moins bon moins est celui qui précède directement novembre, avec 49,65 %. Ce sont les deux seuls mois pour lesquels moins de la moitié des points disponibles ont été engrangés.

 

Du coup, si novembre est statistiquement meilleur que les mois qui l'entourent, comment expliquer que cette croyance en un trou de novembre soit si bien enracinée ? Peut-être le fait que beaucoup monde voit son moral ne pas être au mieux, faisant paraître les défaites plus lourdes qu'elles ne sont. Mais il y a une possibilité un peu plus solide, basé sur le fonctionnement de notre cerveau.

 

Parmi ses points faibles, ce merveilleux organe est notoirement mauvais pour estimer les probabilités. Alors quand il s'agit de deviner si un événement se produit fréquemment, il cherche plutôt à savoir s'il arrive facilement à se souvenir d'une telle occurrence. À la base, ce n'est pas bête. Sauf que notre mémoire a aussi un point faible, qui est de retenir beaucoup plus facilement les événements spectaculaires. Si vous avez suivi (si si), vous en aurez conclu qu'on a tendance à surestimer la probabilité qu'un événement spectaculaire se reproduise.

 

Et comme vous êtes prodigieusement intelligents (sans quoi vous ne liriez pas 1905.ch), vous avez compris de quoi je veux parler. Le mois de novembre ne fut notre plus mauvais de la saison qu'à deux reprises. Et la première fois, en 2005, fut particulièrement traumatisante. Fin octobre, les Aigles pointaient à la 6e place et tout allait bien. Ils battaient encore Zoug le 4 novembre. La victoire suivante ne surviendrait pas avant un mois, creusant un véritable trou, cette fois, qu'il n'arriveront pas à combler pour échapper aux playouts.

 

L'autre mauvais mois de novembre aura lieu la saison suivante, et la légende était née. Même novembre 2007, le meilleur mois de la saison et l'un des meilleurs du club en LNA, ne parviendra pas à chasser cette vilaine légende des esprits genevois.