27 octobre 2016

Qu’est-ce qui pousse un jeune hockeyeur à devenir arbitre, à se faire insulter? Steve Dreyfus, qui a déjà dirigé Ge/Servette et McSorley, témoigne

 

Comme ce fut le cas dernièrement à Malley, il arrive que, sous pression, un coach explose. Qu’il insulte un arbitre ou, geste à l’appui, franchisse la ligne, dérape méchamment. Avec, certains l’ont vu, un bras d’honneur d’Hans Kossmann. Il y a également des débordements qui peuvent survenir des gradins avec des excités qui ne lancent pas toujours que des jurons, mais n’importe quoi sur la glace. Dur, dur d’être arbitre: il est souvent la cible, l’homme à abattre.

 

Déjà dix ans de carrière!

 

Mais qu’est-ce qui pousse un hockeyeur à vouloir tenter le diable et passer de l’autre côté du miroir? Faut-il être inconscient ou maso pour se faire régulièrement traiter de tous les noms d’oiseaux? «On est à l’image du canard, l’eau glisse sur le plumage, explique Steve Dreyfus, 23 ans, qui vient de rejoindre la corporation des directeurs de jeu en Ligue nationale (LN) cette saison. A vrai dire, si le canard n’aime pas forcément ça, moi l’eau qui me coule dessus, ça me motive: une décision, aussi compliquée soit-elle, doit être prise et je n’ai aucun problème à être impopulaire. Et puis il ne faut pas oublier que la plupart des parties se passent très bien. Les clubs travaillent beaucoup pour que nous soyons respectés.»

 

En… dix ans (déjà) de carrière, ce Vaudois, qui a commencé «à 11 ou 12 ans», affiche plus de 800 matches à son compteur: autant dire qu’aujourd’hui, celui qui est l’un des plus jeunes juges de ligne à ce niveau est blindé. «En plus, se rassure-t-il, en LN on est bien entouré. Dès que nous arrivons à la patinoire, il y a des gens qui nous escortent jusqu’au vestiaire et qui nous attendent à la fin du match pour nous amener à notre véhicule. Il arrive qu’on soit contesté par les fans, mais c’est rare. On le sait. Tout le monde peut se tromper, nous aussi, à nous de rester humbles…» Et d’avoir confiance en soi; cet employé de banque dégage beaucoup d’assurance.

 

Gamin, avant d’aller se coucher, bien avant de se lancer dans la théorie du permis de conduire, il apprenait le règlement de hockey par cœur. Devant son miroir, il répétait les gestes. C’était sa vocation. «Je retourne parfois dans le quartier de la patinoire de Montchoisi, là où habite mon grand-père (Claude Chamot, ancien grand joueur de hockey), et je mesure le chemin parcouru. C’est ici que j’ai dirigé mon premier match.» Marié, ce passionné de sport mène désormais une double vie. Le soir, plusieurs fois par semaine, il quitte le domicile conjugal. Et se métamorphose en zèbre!

 

S’immerger dans l’ambiance, ne pas craindre d’aller contre un groupe, il a tout de suite mordu dedans. «Quand j’ai commencé, à Morges puis à Lausanne, j’étais encore un Mini-Top, petit et frêle, se souvient-il. Comme je n’avais pas beaucoup d’arguments, j’ai essayé de me distinguer autrement pour sortir du lot. Et l’arbitrage est vite devenu une passion.»

 

Un univers différent

 

Ce qu’il apprécie le plus lorsqu’il se retrouve au milieu des acteurs sur la glace et qu’il doit diriger «en toute impartialité des Bleus contre des Rouges, c’est surtout l’aspect relationnel avec les gens», précise-t-il. Mais aussi gérer des conflits, communiquer des décisions pas faciles. Et, poursuit Steve, «par amour pour le hockey, de travailler ensemble avec des collègues pour arriver à un résultat qui met tout le monde, du quartet ou du trio, au plus haut niveau».

 

S’il n’a pas été retenu pour ces 8es de finale de la Coupe de Suisse, il dirigera une rencontre de Ligue Magnus le 8 novembre à Chamonix. Participer à des Mondiaux ou des Jeux, c’est un rêve. «Pour avoir déjà eu l’occasion de diriger des matches internationaux de M20 ou M18, cela donne envie de se rapprocher du top, sourit Steve. Du coup, je compte bien me donner les moyens de mes ambitions.»

 

Tôt ou tard, il sera arbitre principal, c’est son destin, écrit dans les lignes de sa vie. «C’est mon caractère qui me poussera à faire le pas, explique le Lausannois. Mais à 23 ans, il y a une certaine légitimité à prendre encore de la bouteille en LN ou avec les juniors élite avant de recommencer le processus un peu plus bas.»

 

En attendant, Steve Dreyfus, qui travaille à 100% dans une banque, ne voit aucun inconvénient à jongler entre ses deux jobs. Au contraire. «J’adore cette sensation d’arriver au boulot le matin et de me dire que le soir je vais vivre dans un univers complètement différent, renchérit le juge de ligne. Le trajet en voiture me permet de faire la transition entre mon travail et mon match, de m’immerger peu à peu dans l’ambiance hockey. On arrive ensuite à la patinoire, il y a l’échauffement, puis le match…»

 

«Une grande famille»

 

Mais avant la partie, il y a aussi les contacts avec les joueurs. «Le hockey, c’est une grande famille, apprécie celui qui dialogue volontiers avec les acteurs à son arrivée. Entre nous, on a en principe de bonnes relations. Il est rare que nous nous retrouvions nez à nez avec un hockeyeur mécontent par une décision. Si les émotions ne prennent pas le dessus, il y a souvent un dialogue, une volonté de comprendre, après une faute sanctionnée.»

 

Et Steve Dreyfus d’assurer qu’il ne connaît aucun problème avec les coaches. «On voit souvent un entraîneur qui vient, qui discute avec nous, mais il fait son boulot de coach sans nous influencer, assure-t-il. Il y a souvent la personne et le personnage. On parle de la famille avant la rencontre mais après on met une barrière. Notre devoir est de rester droit dans nos bottes!»

 

Même quand un coach explose…