28 février 2015

Juraj Simek traînait son spleen aux Vernets. A Lugano, il rêve de titre. Mais les Grenat sont sur son chemin dès ce soir au Tessin

 

Patinoire de la Resega, hier matin. Les joueurs quittent la glace les uns après les autres. L’entraîneur Patrick Fischer interroge la petite poignée de journalistes présents: «Quelqu’un a-t-il besoin de me parler?» En fait, c’est Juraj Simek qui focalise l’attention. Normal. Qui est mieux placé que lui pour évoquer le quart de finale des play-off face à Ge/Servette, une équipe pour laquelle il a joué pendant presque quatre saisons? Quatre saisons, une de trop. Car l’attaquant helvético-slovaque aurait bien aimé quitter les bords du Léman plus tôt, les premiers contacts avec Lugano remontant au mois d’octobre dernier.

 

«Des contacts, on en a encore eu en novembre, mais sans succès. Toujours à cause de McSorley. Alors on a décidé de laisser tomber parce que ça n’avait aucun sens d’insister», devait déclarer Simek au micro de la Télévision suisse italienne peu après son arrivée à Lugano, au début de février. Après une pige de 15 matches au TPS Turku en Finlande, le transfert en direction de Lugano s’est enfin concrétisé. En six rencontres, Juraj Simek a déjà inscrit sept points (trois buts et quatre assists) pour le HCL alors qu’il n’en avait totalisé que treize en 33 matches avec les Aigles.

 

Juraj Simek, avez-vous le sentiment de renaître au hockey depuis votre arrivée à Lugano?

 

J’avais besoin d’un nouveau départ, c’est vrai. En pouvant d’abord partir pour la Finlande et ensuite rejoindre Lugano, les choses ont enfin tourné en ma faveur. J’ai beaucoup progressé à Genève, mais à 27 ans, il était temps d’étoffer mon jeu et de m’améliorer dans d’autres domaines.

 

La situation était-elle devenue intenable à Genève?

 

Oui, c’était impossible de continuer comme ça. Je n’avais plus autant de temps de glace et j’avais peu à peu perdu confiance en mes moyens. Quand tu as constamment peur de commettre une erreur, ce n’est pas bon. J’ai vécu trois premières saisons fantastiques à Genève, mais là je stagnais. C’était le moment de partir.

 

Existe-t-il un contentieux entre vous et Chris McSorley ou bien s’agit-il simplement de «hockey business»?

 

Personnellement, je n’ai rien contre McSorley, qui est d’ailleurs une personne différente en dehors de la patinoire. Il se trouve qu’il est à la fois coach, manager général et propriétaire et qu’il traite les joueurs à sa façon. Mais il a fait du bon boulot à Genève, où il a amené le club de la Ligue B à la Ligue A avant de l’y établir durablement. Ce qui se passe dans le vestiaire ou sur la glace ne doit pas en sortir. Pour le reste, ce n’est, en effet, que du «hockey business».

 

Cette série contre le GSHC est-elle l’occasion d’une revanche personnelle contre McSorley?

 

Non. Ce qui s’est passé est maintenant oublié. J’ai vécu des moments formidables à Genève et cela restera une très bonne expérience. Mais je joue désormais pour une autre équipe. Je ne vais pas me mettre à penser à mes anciens coéquipiers ou à McSorley, mais plutôt me concentrer sur mon jeu.

 

De revanche, il en sera par contre question pour le HC Lugano après le quart de finale perdu la saison passée?

 

C’est sûr. Lugano a beaucoup appris de la série de la saison passée et possède une meilleure équipe. En fait, je devrais dire «nous» avons une meilleure équipe… Nous venons de gagner trois matches (ndlr: deux contre Berne et un face aux ZSC Lions en jouant comme en play-off. Si nous parvenons à reproduire cette qualité de jeu, cela va être difficile pour Genève.

 

Pourquoi Ge/Servette avait-il été supérieur en play-off l’an passé?

 

Parce que nous avions réussi à imposer notre jeu très physique. Mais Lugano est mieux préparé à ce genre de défi. Et on l’a déjà prouvé.

 

Personne ne connaît mieux que vous les secrets du vestiaire de Ge/Servette. Patrick Fischer vous a-t-il demandé des tuyaux?

 

Oui, je lui en ai donné quelques-uns. Et, bien sûr, je lui ferai part de tout ce que je sais. Mais j’ignore si cela va servir à quelque chose…

 

Et si c’était la bonne année pour Lugano pour devenir champion?

 

Oui, ce serait fantastique. Je ressens une énergie incroyable dans le vestiaire. Avec les joueurs qu’on a et une équipe aussi complète, on a de bonnes chances d’aller loin.

 

Serez-vous encore à Lugano la saison prochaine?

 

J’aimerais rester. Mais il sera temps de parler du futur après les play-off…

 

Paroles d'experts

 

Olivier Keller

 

«Si Ge/Servette veut passer en demi-finale, la série ne doit pas s’éterniser car Lugano possède plus de profondeur dans son contingent. Les Genevois, qui sont privés de leur pièce maîtresse (Romy), devront se montrer très présents physiquement pour déranger Brunner, Pettersson et compagnie, même si cela exigera une grosse débauche d’énergie. La clé est de mettre de la pression sur les Tessinois, surtout sur leur gardien et la défense. Aux Servettiens de s’inspirer de leur dernière victoire à Genève. Et d’espérer que Mayer ne se blesse pas.»Mon pronostic: Lugano - Ge/Servette 1-2

 

Flavien Conne

«J’ai le sentiment que la série sera différente de celle de l’an passé, qu’en douze mois les rôles ont passablement été inversés. Sur la longueur du championnat et surtout sur ces derniers matches, Lugano a prouvé qu’il était solide et mieux préparé, qu’il avait bien retenu la leçon. Les Tessinois, qui ont beaucoup travaillé pour équilibrer leurs lignes, sont bien armés offensivement et dans la profondeur pour accepter le combat physique des Genevois. Pour aller loin en play-off, cela dépendra aussi de la volonté des joueurs: cela exige que chacun doive faire un sacrifice pour l’autre.» Mon pronostic: Lugano - Ge/Servette 3-1

 

Ce n'est plus un ami

 

Plutôt solitaire ou égoïste, Juraj Simek n’avait pas que des amis dans le vestiaire des Vernets. On se souvient même d’un gros accrochage un matin lors de l’entraînement, où il en était venu aux mains avec un de ses coéquipiers à l’accent fleurant bon la feuille d’érable. Il l’avait serré de trop près. «C’est vrai qu’il a un caractère très spécial, sourit Daniel Rubin, qui était l’un des seuls à vraiment l’apprécier à Genève. Comme je le connais très bien pour l’avoir côtoyé en juniors à Berne, je ne prends pas au sérieux tout ce qu’il raconte. Mais je reconnais que ses blagues ne passaient pas toujours très bien dans l’équipe.»

 

S’il est toujours proche de son ex-coéquipier, Daniel Rubin ne lui a pas adressé la parole cette semaine. Ni un message, ni une amorce, pas de pari, rien du tout. «C’est un Luganais comme les autres maintenant, ce n’est plus mon ami dans les play-off, sourit l’ex-joueur du SCB. On le redeviendra, mais plus tard…»

 

La barbe naissante, Rubin et ses copains sont prêts pour un gros combat. «Lugano possède une bonne équipe, mais si, chez nous, tout le monde joue à 100% et applique le système, on a de bonnes chances dans cette série, estime le guerrier de McSorley. Pour moi, la clé pour passer contre Lugano, c’est notre jeu physique, jubile-t-il. Avec Gerber, Wick, Rod, Jacquemet, Rivera et moi, nous sommes mieux armés que les Tessinois à ce jeu-là. Mais il faudra également que tout le monde patine et se sacrifie, qu’on revienne tous en défense. Et surtout qu’on se méfie de ne pas trop leur donner de buts gratuits et trop de pénalités.»

 

A ce propos, Daniel Rubin espère que les arbitres ne tomberont dans le panneau de certains attaquants luganais qui ont tendance à en rajouter en se laissant souvent tomber…

 

Et de livrer son pronostic: «Quatre à quelque chose pour Genève.» N’en déplaise à Juraj Simek.

 

Power-play

 

L’affiche Ge/Servette se déplace à la Resega de Lugano pour l’acte I des quarts de finale des play-off. Coup d’envoi à 20 h 15 (RTS2/Teleclub). Ce premier match sera dirigé par le duo Stricker - Wehrli.

 

Les statistiques Les deux formations se sont affrontées quatre fois cette saison. Lugano a remporté les deux premiers duels (3-4 et 4-3 aux tirs au but) et Genève les deux suivants (1-3 et 4-2). C’est la deuxième fois que les deux clubs sont opposés en play-off: les Grenat s’étaient imposés 4-1 il y a douze mois au même stade de la compétition.

 

L’effectif Ge/Servette est privé de Romy, Marti, Bays et Ranger (blessés). Picard est surnuméraire. «Alex aura certainement sa chance durant une série qui risque bien d’être très longue», assure Chris McSorley. Retour au jeu de Noah Rod. Floran Douay est également dans l’alignement.