La rivalité entre Ge/Servette et LHC est sortie du cadre du sport mardi soir à Lausanne après le traquenard tendu aux Aigles
Hugh Quennec n’a pas fait le déplacement à Malley, mardi soir. Pas besoin de venir se jeter dans la gueule d’une meute de loups bien décidés à clamer haut et fort leur rejet du Canadien. Le président de Genève-Servette avait forcément senti venir le coup. La bronca populaire orchestrée par la Section Ouest, le principal groupe de supporters du LHC, a fait long feu. Qui parle de ces feuilles A4 sur lesquelles figure le message «Dégage Quennec»? Pas grand monde à vrai dire. La faute à une agression indigne perpétrée non loin de Malley. Hier, on ne parlait que de ce bus caillassé. Comment en est-on arrivé à cette extrémité?
Il faut sans doute revenir à la génèse du malaise. Vendredi, le conseil d’administration du Lausanne Hockey Club avait convoqué la presse pour faire part de son inquiétude quant à l’avenir du club. Ce sont les divergences profondes avec l’actionnariat qui ont nourri les discussions menées par Patrick De Preux, président du LHC, et son directeur Sacha Weibel. En filigrane, le nom de Hugh Quennec émerge. Il serait actionnaire majoritaire du LHC en plus de ses participations connues à Ge/Servette. Horreur, malheur, les frères ennemis seraient unis par des liens non pas de sang mais d’argent. Pour les supporters lausannois qui ont fait de la passion une marque déposée, la pilule est difficile à avaler, quand bien même elle est parfaitement en règle avec les textes de la Ligue nationale.
La curée des présidents
Ce week-end, c’était la curée. Les présidents de clubs y vont de leurs commentaires effarouchés et indignés à propos d’une situation qu’ils feignent de découvrir. Idem à la Ligue nationale, où le drolatique Ueli Schwarz, le directeur de l’institution, pousse des hauts cris dans la presse dominicale. On parle sanctions, retraits de points, retraits de licence, relégation… C’était sans doute allez un peu vite en besogne.
Hier, ce même Ueli Schwarz, accompagné du président de la Ligue, Florian Kohler, a rencontré Hugh Quennec et ses conseils. Une séance très cordiale, selon l’ex-omniprésident du monde grenat. Les points ont été mis sur les i, apprend-on dans un communiqué. Hugh Quennec précise qu’il a toujours agi en pleine transparence et en toute conformité avec les textes de la Ligue nationale. Au point que l’on peut prédire qu’aucune sanction sportive ne sera prononcée.
L’instance faîtière du hockey suisse (dont les textes et les règlements sont élaborés par les dirigeants des clubs eux-mêmes, faut-il le rappeler!) ne dispose d’aucune base légale pour punir Ge/Servette et Lausanne HC. C’est sans doute ce qui ressortira de la fameuse «enquête» ouverte par la Ligue. Il faudra attendre le printemps et un changement des règles du jeu pour corriger le tir et éviter qu’une telle situation malsaine ne se reproduise. C’est ainsi que «M. Quennec a pris la décision de prendre rapidement les mesures pour préparer cette éventuelle modification réglementaire et il s’est d’ailleurs engagé auprès de la Ligue à la tenir informée de ses démarches dans ce sens dès le début de l’année prochaine», selon le communiqué envoyé hier après-midi.
Rustre et primaire
L’affaire Quennec n’en est plus une. En revanche, le caillassage du bus des Aigles restera un effet collatéral extrêmement dommageable. La supposée double vie du président genevois ne saurait excuser les graves incidents de mardi soir. C’est désormais la police qui est entrée en jeu après le dépôt, par Ge/Servette, d’une plainte contre X. Elle tentera dans les jours qui viennent de débusquer les quelques énergumènes qui ont profité de ce climat délétère pour laisser libre cours à leur nature «primaire et rustre», selon les mots utilisés par le LHC dans un communiqué. Le club dénonce ensuite une action «violente et irresponsable».
Les dégâts matériels trahissent la gravité des faits. Une action précise, minutée, menée par des casseurs (quatre ou cinq individus selon plusieurs témoins). Mardi, donc, aux environs de 23 heures, le bus qui ramenait à Genève les joueurs et le staff technique des Aigles a reçu une volée de cailloux. La grosseur de certains projectiles peut laisser penser que les auteurs ne souhaitaient visiblement pas se contenter de ne briser que des vitres.
McSorley blessé
Le fils de Chris McSorley, présent dans le bus, a vu une pierre lui frôler le visage et terminer sa course sur le menton de son papa qui a fini sa soirée à l’hôpital pour se faire poser quatre points de suture. Comment et pourquoi ce match, classé rouge – à haut risque – par les organisateurs a-t-il été reconsidéré comme orange (risques moyens) par les forces de police lausannoise? Les individus sont-ils affiliés à l’un ou l’autre groupe de supporters? C’est aussi à ces questions que devra répondre l’enquête.
Hier, le club genevois ne souhaitait pas trop s’exprimer sur cette agression. Mais pas question non plus de rester les bras croisés. «Ce sont des actes intolérables mais qui n’ont, à notre sens, rien à voir avec le sport, dit Christophe Stucki, directeur général de Ge/Servette. Cela donne une très mauvaise image du hockey sur glace. Nous avons reçu plusieurs témoignages de sympathie d’autres clubs de Ligue nationale. Et je dois aussi relever l’attitude du Lausanne HC qui a condamné ces actes et leurs auteurs avec la plus grande fermeté. Personne n’a été blessé gravement, c’est l’essentiel.»
De quoi remettre le sport au centre des débats. Hier soir, Hugh Quennec était aux Vernets. Presque comme si de rien n’était…
GE/Servette atomise les Dragons en 16 secondes ! Un record...
Faut-il poser la question à la Ligue nationale? Est-ce bien dans l’esprit et l’éthique d’enfoncer une équipe au plus mal? Ge/Servette risque-t-il une amende, un retrait de points ou de licence pour avoir enfoncé un adversaire qui était déjà en train de se noyer? Hugh Quennec et Chris McSorley feraient bien de consulter le règlement de jeu pour s’éviter une nouvelle affaire rocambolesque.
Les Aigles n’ont eu aucune pitié pour Fribourg-Gottéron hier soir. les Grenat ont même réussi un numéro assez invraisemblable en reversant le cours du match en seize secondes. Un laps de temps durant lequel ils ont inscrit trois buts! C’est probablement un nouveau record mondial en la matière dans un championnat élite senior. En NHL, le record est de trois buts en vingt secondes et date de 1971 (Boston). Il existe cependant une trace d’un triplé en douze secondes réalisé par les Kelowna Rockets, en WHL, une ligue junior nord-américaine.
Après avoir subi l’ouverture du score contre le cours du jeu, Ge/Servette a donc sonné la révolte à moins d’une minute de la fin du premier tiers. C’est Roland Gerber qui a ouvert le bal (19’04). A peine le temps de dire «ouf» que Slater doublait la mise (19’14). A peine le temps de se pincer pour y croire et c’est Tom Pyatt qui parachevait cette trilogie historique (19’20). Seize secondes! Du jamais vu, donc. Fribourg-Gottéron fait presque peine à voir pour le coup. Grosse, très grosse colère de Benjamin Conz, abandonné par une bande de défenseurs déguisés en clowns qui ne semblent souhaiter qu’une chose: la tête de leur entraîneur Gerd Zenhaüsern. «Les divas du vestiaire», le tube de la saison 2014-2015, semble être à nouveau de mise chez les Dragons qui ont enregistré leur neuvième défaite consécutive. Après avoir tutoyé les sommets en début de saison, Fribourg connaît une chute aussi spectaculaire qu’inadmissible. Que va bien pouvoir faire le directeur sportif qui a prolongé de deux ans le contrat de son entraîneur?
Loin de ces tracas, Ge/Servette peut aborder les Fêtes tout tranquillement. Après la solide prestation de Malley, il a une fois de plus démontré que le hockey romand n’a qu’un seul leader. Ces six points récoltés en l’absence de cinq titulaires (Riat, Rod, Almond, Fransson et Kast) en disent très long sur le potentiel d’une équipe pas loin d’être irrésistible lorsqu’elle met du jus dans son jeu.