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Federico Bochy, mer 09/10/2019 - 13:59

Les Grenat sortent de leur première semaine blanche de l’automne et semblent marquer le pas après leur magnifique début de saison. Pas de quoi s’affoler pour autant.

 

Pendant les sept premiers matchs (moins un tiers contre Bienne), tous les pucks ont tourné en faveur des Servettiens au point de les hisser en tête du classement pour la première fois depuis de nombreuses années. Mais même à ce moment-là, si chaque supporter du bout du Lac appréciait ce petit bonus, c’était aussi parce la très large majorité d’entre eux étaient bien consciente qu’il ne s’agissait-là que d’une anomalie passagère favorisée par la grande disparité de matchs joués, Genève en étant justement bénéficiaire en n’ayant manqué aucune journée, et par les profonds changements entrepris pendant l’été chez les ténors du championnat (Berne et ses gardiens, Zurich et ses entraîneurs, les deux à la fois pour Lugano, l’adaptation de Genoni à la défense de Zoug, etc.).

 

Loin de moi l’envie de minimiser l’ampleur des changements intervenus au GSHC pendant l’été puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une révolution, mais il est probablement plus simple (notamment en terme de pression) d’intégrer une ribambelle de jeunes loups affamés dans une équipe qui ne cherche « qu’à » accrocher le wagon des Playoffs que de s’adapter à l’arrivée/au départ de l’un des meilleurs gardiens du pays ou de découvrir le championnat après plusieurs titres de Champion du monde (par exemple). Je m’explique.

 

Si le directoire et le staff technique servettien ont bien annoncé haut et fort en début de saison que leur équipe pourrait être la bonne surprise de la saison, personne, même en leur sein, ne pense sérieusement que le Genève-Servette sera champion en fin de saison. L’intérêt principal de ce genre d’annonces est en réalité avant tout marketing : il est plus facile de vendre des billets d’entrées et des emplacements de sponsoring lorsqu’on peut affirmer que l’on représente l’une des huit meilleures équipes du pays, l’une de celles qui aura une visibilité maximale lors des séries de fin de saison. Et l’autre avantage de ces déclarations est aussi sportif : énoncer que l’on vise les Playoffs et un bon classement est aussi un moyen d’introduire de la confiance dans une équipe qui n’a que peu de références à ce niveau. Implicitement, l’entourage du club montre qu’il croit dur comme fer au fait que ce groupe peut être l’un des huit meilleurs de LNA et le tire ainsi vers le haut.

 

Voilà pour la théorie. En pratique, la très large majorité des suiveurs du championnat, et notamment une bonne part des habitués des Vernets, ne se fait pas d’illusion quant à la saison des Genevois, qui n’est rien d’autre qu’une année de transition déguisée. Alors quoi, me direz-vous ? Faut-il s’attendre à subir encore 30 défaites et regretter de ne pas être venus plus nombreux aux Vernets en septembre, la seule période de l’année où les Servettiens auront gagné des matchs ?

 

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Oui, la qualification pour les Playoffs est possible. Oui, dans un monde idéal, une sixième place pourrait être à leur portée (notamment si Fribourg continue à ouvrir délibérément plus de chantiers qu’il n’en termine). Mais pour cela, il va falloir que l’apprentissage du haut niveau se déroule vite et bien pour nos jeunes Aigles. Ils ont rapidement appris à gagner ? Ils vont tout aussi vite devoir apprendre à perdre.

 

Car tout sportif le sait, peu importe sa discipline de prédilection : c’est dans la défaite que l’on apprend le plus, car c’est aussi grâce à elle que l’on se remet en question. Et dans ce registre-là, la présence de Pat Emond à la bande est une chance inestimable pour les Grenat. Certes, il n’a jamais eu entre ses mains une équipe professionnelle, mais ses nombreuses années à travailler avec des juniors, par nature plus compétiteurs que des adultes, lui ont permis de se rendre compte mieux que quiconque de l’utilité des défaites pour préparer les victoires de demain.

 

Un exemple flagrant pour illustrer cette affirmation : la défaite contre Bienne aux Vernets lors de la deuxième journée de championnat. Genève maîtrisait tranquillement son sujet après deux tiers-temps, même si le score de 2-1 ne permettait pas encore de trop se réjouir, et semblait se diriger vers une victoire aisée face à des Seelandais décimés par les absences. Mais à l’instant où ce sentiment s’est insinué dans les têtes servettiennes, un trou noir de deux minutes leur a coûté le match. C’est le métier qui rentre, a-t-on coutume de dire. Trois jours plus tard, Zurich se présentait dans notre ruine. Les Aigles ont cette fois-ci réussi à rester concentrés pendant 60 minutes, ce qui leur a permis de s’offrir une solide victoire 3-0 ainsi qu’un blanchissage pour Gauthier Descloux.

 

Tout ceci est bien joli, mais quel rapport avec la semaine écoulée ? Cela démontre simplement qu’il ne s’agit que d’une étape supplémentaire dans l’apprentissage. La défaite contre Fribourg peut notamment être imputée à l’excès d’audace des entraîneurs servettiens qui ont décidé de jouer le tout pour le tout avec un power-play à quatre attaquants sans profiter d’un passage en zone neutre en fin de pénalité pour réintroduire un ou deux défenseurs, une « erreur » qui amène indirectement le but fribourgeois, Desharnais profitant à merveille du placement aléatoire de ses adversaires, mais aussi une tentative intéressante qui pourrait porter ses fruits à l’avenir lorsqu’elle sera mieux maîtrisée.

 

En ce qui concerne la défaite à Zoug, elle a rappelé à tous l’écart qui les séparent encore des meilleures équipes du championnat. Et comme le GSHC, peu importe sous quelle forme générationnelle, ne revient jamais de la cité du kirsch avec le sourire, elle a aussi le mérite de faire moins mal que d’autres. Quant à la défaite à Rappi, elle n’était que l’illustration de l’expression « l’un de ces soirs » où il aurait été possible de jouer toute la nuit sans parvenir à marquer. Les occasions étaient pourtant présentes, les Genevois n’ayant pas livré un mauvais match, mais le puck ne voulait simplement pas rentrer. Demandez donc à Lugano ce qu’ils pensent de la dernière visite des Grenat, ils vous répondront sûrement quelque chose de similaire...

 

La défaite contre Davos est certes lourde en termes de buts concédés, mais elle ne s’est finalement décidée que sur un coup de dés, une double infériorité numérique très sévère à l’entame du troisième tiers. Toutefois, dans chacun de ces revers, il y a malgré tout du positif à retenir : on pense notamment aux premiers buts de Karrer et Miranda (et de Maurer dans une moindre mesure) et au jeu de puissance qui reste efficace (21.4% de réussite depuis le début de la saison) malgré les absences de Richard, Kast et Tömmernes.

 

Les absences, justement, parlons-en, même si c’est malheureusement une constante lorsque l’on traite du GSHC. N’oublions pas que les Grenat évoluent actuellement sans leurs deux meilleurs joueurs, deux créateurs d’exception dont l’indisponibilité pèserait dans pratiquement toutes les équipes de la Ligue. Si elle ne s’est pas trop ressentie lors des premiers matchs, chaque joueur donnant un petit peu plus pour compenser et l’euphorie ambiante y contribuant, à la longue on finit tout de même par la remarquer. Olsson fait ce qu’il peut, mais n’évolue pas du tout dans le même registre puisqu’il s’agit avant tout d’un défenseur défensif. Le retour de Völlmin devrait d’ailleurs lui être bénéfique puisqu’il pourra véritablement se concentrer sur ses atouts.

 

Devant, les blessures de Kast et de Richard (rappelons au passage que c’est la première période depuis son arrivée où il manque plus d’un match pour des raisons médicales) laissent un vide au niveau des centres qui se répercute dans tout l’alignement. Cela permet certes à certains joueurs de prendre plus de responsabilités (Bozon et Smirnovs) ou de pointer le bout de leur nez (Jesse Tanner), mais c’est aussi deux joueurs d’expérience qui manquent pour les encadrer. Pas simple donc d’évoluer sereinement dans ce contexte.

 

Vous l’aurez compris au travers de ce (long) article, il n’y a pas lieu de s’affoler malgré les quatre défaites consécutives et la semaine blanche que vient de vivre le GSHC. Tout ceci fait partie des plans pour la saison et il convient de s’intéresser plus au contenu qu’aux résultats à proprement parler. Ça tombe bien, celui-ci est plutôt positif, même s’il y a évidemment encore un certain nombre de points à améliorer. Mais comme il reste encore un peu plus de quatre mois de championnat, ça laisse tout de même passablement de marge de manœuvre.

 

Et n’oublions pas que nous vivons une saison où le CP Berne a enchaîné cinq défaites consécutives (presque) sans broncher, alors pourquoi devrait-on s’inquiéter à Genève de quatre défaites tout ce qu’il y a de plus normales et prévisibles ?