9 mars 2016

Les Servettiens mènent désormais 3 à 0 dans la série, sa 7e victoire d’affilée face à Gottéron. La suite (la fin?) c’est demain

 

Des kyrielles de sifflets, une grosse bronca, quel accueil! «Il a mérité cette réception», sourit Chris McSorley. Comme on pouvait s’y attendre, Julien S. (nom connu de la rédaction, de la Ligue suisse de hockey et de Fribourg Gottéron) a eu droit à une «ovation» très spéciale. A chaque fois qu’il a touché le puck, il été hué et conspué par des fans grenat qui ne lui ont pas pardonné sa vilaine charge sur Daniel Rubin samedi. Le top scorer des Fribourgeois, qui aurait mérité une grosse sanction, a passé une soirée cauchemardesque aux Vernets, peut-être bien la pire de sa carrière.

 

Le capitaine des Dragons, qui a attendu la septième minute avant d’oser se lancer dans la fosse, n’a été, comme ce fut déjà le cas trois jours plus tôt à Saint-Léonard après sa charge, que l’ombre de lui-même. Gerd Zenhäusern aurait peut-être pu lui éviter cette humiliation en le privant de ce déplacement. Garçon sensible, il ne s’est jamais remis de cet incident, il n’était pas apte au travail. Mais ceci est une autre histoire… Après les trois premiers actes de ce quart de finale entre Ge/Servette et Fribourg Gottéron, c’est 3-0 dans la série pour des Aigles, plus forts, qui restent désormais sur sept succès consécutifs face aux Dragons. Cette fois-ci, il n’y a plus de lézard, les Genevois, qui évoluaient sans Rubin, touché à la pommette, ni Wick (blessé à un pied) sont sur orbite.

 

«Ici, c’est Genève»

 

«C’est le match de la mort pour nous, confiait Tristan Vauclair samedi après l’acte II. On doit absolument revenir à 2-1 dans la série, sinon, à 3-0, Genève, avec un gardien aussi fort que Mayer, si solide défensivement et avec des attaquants capables de faire la différence à tout moment, cela risque bien d’être compliqué.»

 

Les Fribourgeois, qui n’ont jamais été en mesure de prendre les devants, ont vite compris que ce Genève-Servette-là serait difficile à battre. D’autant plus qu’ils allaient leur offrir deux situations spéciales, là où Noah Rod et Matt D’Agostini excellent. Deux à zéro après le premier tiers, le locataire a poursuivi le travail après avoir dominé la fin de rencontre.

 

Comme l’expliquait le capitaine Goran Bezina dans le clip des play-off, «quand on entre sur la glace, on ne fait plus qu’un, nous sentons la fierté d’être servettien. Chaque centimètre, chaque seconde est une bataille, dès que nos patins touchent la glace, nous allons nous donner corps et âme, car ici, c’est Genève…»

 

A l’image d’un Chris Rivera revanchard qui s’est jeté comme une bête sur D’Agostini puis Bezina, le visiteur a fait valoir toute sa frustration. On attendait un sursaut d’orgueil des Dragons, l’esprit Gottéron avec un engagement total, mais il n’y avait même pas d’instinct de survie.

 

Première pour Traber

 

«Je dois relever le comportement exemplaire de mes joueurs dans un contexte difficile, notait Louis Matte, l’adjoint de McSorley. On a su parfaitement maîtriser nos nerfs malgré les provocations. Notre quatrième ligne a même inscrit un but important qui a donné un signal positif.» Ce but c’est Tim Traber qui l’a inscrit: son premier point de la saison! «On a envie de finir le plus vite possible!» s’exclame Eliot Antonietti. Avant que Kevin Romy ne répète que «tant qu’on n’a pas quatre victoires au compteur, la série n’est pas terminée.» Il est vrai qu’on a déjà vu des retournements de situations, mais là, ce Genève-Servette-là semble sur orbite… 

 

Rod marque: il a fait parler la poudre (par Benjamin Berger)

 

Dépité mais heureux. C’est avec un sentiment mitigé que Noah Rod regagnait les vestiaires de la BCF Arena, samedi soir. Heureux, car Ge/Servette venait de réaliser un incroyable come-back pour mener 2-0 dans la série contre les Dragons. Dépité, car ce satané puck ne voulait toujours pas rentrer. «Ça fait ch…, j’ai beau essayer mais ça ne veut pas», glissait-il avant de s’engouffrer dans le car des Grenat.

 

Hier soir aux Vernets, cette diablesse de rondelle a fini par aller enfin se loger dans le dos de Benjamin Conz. On jouait la 3e minute dans le premier tiers-temps quand Noah Rod pouvait en effet glisser le puck dans la lucarne du dernier rempart des Dragons suite à un tir, puissant et de la ligne bleue, de Romain Loeffel.

 

Reste que s’il a encore faim de rencontres avant de s’en aller lézarder au soleil cet été, le jeune homme de 19 ans pourrait suivre des tribunes le – les? – prochain(s) match (es) de ses coéquipiers. Une question brûlait toutes les lèvres hier soir: le Grenat sera-t-il de la partie lors de l’acte IV, demain? Et ce suite à une charge du Genevois dans le deuxième tiers sur le défenseur Andrea Glauser. Le No 42, blessé, a regagné son banc le visage en sang. «Je ne crois pas une seule seconde que Noah puisse être suspendu, a réagi Chris McSorley. J’ai vu sa charge de mes propres yeux et c’est une charge correcte.»

 

Le délégué à la sécurité des joueurs et la ligue ouvriront-ils une enquête? Non sanctionné sur le coup par le corps arbitral et après «l’affaire Julien Sprunger», la décision du Québécois Stéphane Auger, s’il y a enquête, pourrait faire des vagues.

 

Noah Rod est d’ailleurs passé par tous les états d’âme hier soir. Car c’est en serrant les dents que l’attaquant servettien a terminé la rencontre. Blessé après une mise en échec de Sebastian Schilt, l’Aigle a brièvement regagné les vestiaires avant de faire son retour sur le banc et de terminer le match. Meurtri, il était dans l’incapacité de s’exprimer.

 

Chris McSorley, d’un optimisme à toute épreuve, concluait le sourire aux lèvres: «Noah parle habituellement tellement que ça fera du bien dans les vestiaires. Ce n’est pas très grave s’il ne peut plus s’exprimer pendant quelque temps. Plus sérieusement, il sera jeudi sur la glace, je n’en doute pas une seule seconde.» Affaire à suivre. 

 

Un sifflement de locomotive (par Thierry Mertenat)

 

Une qualité de sifflets assez inhabituelle. Dans le rôle du détesté, le capitaine fribourgeois est parvenu, à lui seul, à chacune de ses apparitions sur la glace, à élever le niveau sonore de la patinoire des Vernets. Pas le moindre temps mort dans ce traitement, ciblant l’attaquant au casque jaune, le marquant à la culotte, comme si la tribune sud avait dépêché un arbitre supplémentaire pour ne s’occuper que de lui. Du coup, à force d’être sifflée, la grande taille de Sprunger, au rayonnement physique naturel, a fini par se rapetisser. A l’entame du troisième tiers, les épaules étaient lourdes, le patinage émoussé et le regard vaguement éteint.

 

Le public, lui, ne sentait pas la fatigue. Réveillé et énergique jusqu’à la fin de la rencontre, bien meilleur dans son rôle de sixième homme que lors de la première confrontation de jeudi dernier. Un soutien sans faille ni euphorie débordante. Le supporter du Genève-Servette est un habitué des play-off. Il sait que le chemin sera long et qu’il vaut mieux en garder sous le patin.

 

A la fin du match, les plus optimistes ne se fixent pas rendez-vous samedi déjà aux Vernets, assez persuadés que les Grenat sont partis pour remporter la série en quatre victoires consécutives.

 

Thibaud , huit ans, a réussi sa première soirée chez les adultes, assis à côté de son père, fier et heureux, dans la tribune principale. Son idole est justement Matt D’Agostini. Les jeunes fans l’adorent et n’ont d’yeux que pour lui et son patinage virevoltant. Devant et derrière les buts adverses, il est intenable, sachant l’art de se faire oublier et de surgir pour marquer. L’exact contraire de Sprunger en somme, qui se voit et s’entend de loin, à la façon d’un long sifflement de locomotive.