Le manager et coach de Ge/Servette se confie sous le sapin. Il parle de lui, de son club et de la Spengler
Et si son souhait se réalisait une deuxième fois? «Mon plus beau cadeau serait de piquer à nouveau la Coupe à mon ami Arno Del Curto!» C’est ce qu’a demandé Chris McSorley, le 25 décembre, à Santa Claus. Très généreux, le Père Noël des Grisons a, lui, déjà exaucé une partie de son vœu, hier après-midi, lors du match d’ouverture de la Coupe Spengler. La suite? Demain!
Mais à Davos, le coach des Vernets a surtout reçu, de son épouse Eva, «une nouvelle Tudor». L’Ontarien adore les montres. «Quand tu travailles à côté de Rolex, c’est comme si tu mettais un enfant devant un magasin de bonbons!» Obsédé par la victoire et le pouvoir, celui que certains surnomment «Jésus Chris», Dr Jekyll ou Mister Hide a fait des métaphores tout un art. «Si je devais me définir dans un dico, je dirais que je suis comme un canard, très lisse en surface et que dessous, ça patauge comme pas possible!»
Apprécié à Genève, détesté par d’autres une fois passé la Versoix, le propriétaire manager et coach des Vernets ne laisse personne indifférent. «On m’a fait passer pour quelqu’un de méchant, un vilain, difficile et exigeant, mais je ne supporte pas la médiocrité. Je me regarde tous les jours dans le miroir pour prendre les meilleures décisions pour Ge/Servette. Je ne peux pas me satisfaire de participer aux play-off. Je me remets en question chaque été pour rester dans le coup.»
Pas comme les autres
Comme le maestro Del Curto, ce n’est pas vraiment un mentor comme les autres. A l’instar du druide de la Vaillant Arena, l’entraîneur a du cœur. «Un de nos supporters, handicapé, Eric Grassien, attend toujours les joueurs dans le parking le jour des matches. J’ai constaté que sa chaise était complètement détruite. Et comme il n’avait pas les moyens d’en acheter une autre, avec le club et Christophe Stucki, nous avons fait en sorte de lui la remplacer.» Il était une foi(s) Chris McSorley…
Tout a commencé à Cayuga, village de 900 habitants, à quelques kilomètres des chutes du Niagara et d’Hamilton. C’est dans une ferme de l’Ontario que le petit Christopher Wilfrid y a vu le jour, le 22 mars 1962. Fils d’Anne-Marie et de William, il était le quatrième gamin au milieu de sept garçons et trois filles. «J’étais un enfant très difficile pour mes parents, avoue le papa de Chloé et de Aidan. Avec mes frangins, dont Marty (ndlr: qui a été plus tard le fidèle coéquipier d’un certain Wayne Gretzky en NHL, aux Edmonton Oilers et aux Los Angeles Kings ), nous cachions des patins et des cannes dans une botte de foin. Dès que mon père avait le dos tourné on allait jouer sur l’étang proche de la ferme. Comme on avait tendance à tomber dans les trous, on avait les pieds gelés et notre maman nous embaumait derrière de poivre sous les plantes pour nous réchauffer. Mon père et ma mère ont été très rigoureux dans l’éducation et comme j’étais déjà ultracompétitif, cela m’a créé quelques petits problèmes. Je continue d’écrire des lettres d’excuses à mes premiers professeurs, par rapport à mon comportement. Quant à mes frères et sœurs, ils ont une tête aussi dure que la mienne. Du coup lorsqu’on se revoit au Canada, je me rappelle pourquoi je suis si bien à Genève…»
C’est un accident de voiture (en 1979), alors qu’il se trouvait au volant de sa Chevy Bel-Air, qui l’a probablement empêché de devenir un grand joueur de hockey. Ses 3es, 4es et 5es vertèbres dorsales ont été brisées après qu’il eut percuté un camion-citerne transportant du lait. «Je suis quelqu’un de très chanceux dans ma vie parce que tout au long de ma carrière, j’ai eu de bons cailloux au bon endroit pour traverser la rivière, raconte le Canadien. Il y a vingt-cinq ans, je travaillais dans une fabrique d’acier et j’ai décidé, un jour, de donner ma démission, de prendre le risque de gagner beaucoup moins dans le hockey. Mes employeurs se moquaient de moi, persuadés que je reviendrais. Cela a été une grosse source de motivation. J’ai eu une totale confiance en mon destin, ce qui m’a ensuite amené à Genève, via London Knights et le groupe Anschutz.» En 1989, après une carrière d’arbitre (il était promis à une belle carrière dans l’Ontario) et un essai peu concluant aux Philadelphia Fyers, il amorce sa carrière d’entraîneur aux Winston Salem Thunderbirds (en Caroline du Nord) avant de rebondir à Las Vegas (entre 1995-98, où il rencontre sa femme) puis en Angleterre et en 1999 aux Vernets. «Je dois vous avouer aujourd’hui que ma plus grande chance lorsque je suis arrivé est que je ne parlais pas un mot de français. Je n’ai pas pu me confronter à toute la culture négative qu’il y avait autour du hockey à Genève.» Chris McSorley reconnaît aussi qu’il a eu la main heureuse en engageant de bonnes personnes aux bons postes. «J’ai recruté Hans Kossmann, qui connaissait parfaitement le hockey suisse, et Philippe Bozon, qui a amené le leadership dont l’équipe avait besoin pour monter en LNA.»
Son meilleur transfert
Et de se féliciter également d’avoir ensuite réalisé son meilleur transfert: celui de Hugh Quennec. «Lorsque le groupe Antschutz s’est retiré, le hockey a vraiment failli disparaître à Genève, rappelle l’Ontarien. Mon but n’était pas de devenir le propriétaire, mais de sauver le club. Et avec notre président actuel, il me permet de travailler dans les meilleures conditions. Nous avons recréé une marque Genève-Servette reconnue à travers l’Europe. Désormais, beaucoup de clubs nous copient avec des cheersleaders, nos mascottes et nos animations. Genève est même devenue une belle destination pour des joueurs qui préfèrent venir chez nous que toucher plus d’argent ailleurs. Je reconnais que j’ai commis quelques erreurs depuis que je suis ici, mais quand tu fais du management l’important est que le positif fasse pencher la balance. Comme le jardinier, tu coupes, tu soignes et tu grandis à nouveau. Tant que tu ne gagnes pas un titre, t’es obligé de changer chaque année pour t’améliorer. Mais je ne suis pas tout seul. J’ai également la chance de pouvoir collaborer avec Louis Matte, Sébastien Beaulieu, Patrick Emond, Jimmy Omer, ils contribuent tous au succès, à l’image de Christophe Stucki au point de vue administratif. Tous ensemble, on a réussi à faire grandir la popularité du hockey à Genève et sur le bassin lémanique. Quand on a aidé LHC, la maison de Malley tombait en feu. Même si tu détestes ton voisin, tu dois tout faire pour l’aider, sinon c’est ta demeure qui perd de sa valeur. Le jour où je partirai les pieds en avant, j’aimerais avoir laissé en héritage un titre, une nouvelle patinoire.» Et une deuxième Coupe Spengler? Il veut croire au Père Noël!
Ge/Servette et Bays très chanceux
A l’instar de Sherkan , qui n’a pas manqué son envol dans la cathédrale davosienne, Genève-Servette a réussi ses débuts lors de cette 88e édition. Durant un tiers, le premier, il n’y a même pas eu de match, une seule équipe sur la glace en fait, un digne tenant du titre, déchaîné. Bien décidés à conserver leur trophée, les Genevois ont tout d’abord étouffé l’équipe de Salavat Yulaev Ufa. Trois à zéro après vingt minutes, il y avait de quoi rêver pour des Helvètes auteurs de deux bons power play (entre Kast, Taylor et Tom Pyatt) et d’un joli solo d’Inti Pestoni. «Pour mon premier match de Coupe Spengler, je ne pouvais pas rêver mieux, souriait Tim Kast. Comme treizième attaquant, j’ai moins de temps de jeu, mais je suis toujours là en situation spéciale pour concrétiser mes occasions.» Puis, rideau! Probablement que les murs du vestiaire des Russes ont dû trembler. Il a suffi, en effet, que la formation de KHL, via Slepyshev et Heikkinen, élève le ton au deuxième tiers pour que les Aigles commencent à battre de l’aile. Un gros coup de fouet. Mais comme ce fut le cas lors de leur dernière sortie, les hommes de McSorley ont tenu bon en défense, tous ensemble, en équipe. «Heureusement que nous avions pris de l’avance et que nos gardiens ont effectué de bons arrêts au bon moment», poursuivait Kast, tout heureux de savourer ce beau succès de prestige, qui permettra aux Genevois de s’offrir un jour de repos avec la famille ce samedi. Cela permettra surtout à Christophe Bays de reprendre ses esprits après une grosse contusion au visage. Déjà malchanceux en ce mois de novembre, où il a été blessé à une hanche avant de subir une commotion, l’ex-portier du Lausanne HC a été «assommé» par un tir à bout portant en plein visage d’un Russe (43e), qui l’a plongé une fois encore dans les étoiles. «Il a pris un shoot très violent sous la gorge, qui a été amorti entre la clavicule et la trachée, explique le médecin Daniel Fritschi. A vrai dire, le garçon a eu énormément de chance!» Comme Ge/Servette, finalement, après que Janick Schwendener eut fini le travail dans la cage devant des Russes poussés par des fans de… Fribourg, de Berne, tous anti Genevois. Les Aigles affronteront Jokerit Helsinki, une nouvelle équipe de KHL, ce dimanche à 15 heures.