23 février 2018

Le nouveau président des Aigles parle pour la première fois. Du passé, du sauvetage et de l’avenir aussi. Rencontre

 

Depuis lundi, il est officiellement le nouveau président du Genève-Servette HC. François Bellanger, avocat de la place genevoise, a succédé de facto à Hugh Quennec le 26 janvier, au moment où la Fondation 1890, déjà propriétaire du Servette FC, évitait le naufrage financier in extremis. Il parle de la situation dont il a hérité et de l’avenir de ce club qui est en pleine restructuration. Sans oublier le projet de nouvelle patinoire. Ses maîtres mots: rigueur, transparence et modernité.

 

Qu’est-ce que cela fait d’être officiellement le nouveau président de Genève-Servette?

 

Ce n’est pas encore inscrit au Registre du commerce, mais je suis officiellement président depuis lundi, oui. C’est une grande responsabilité, un honneur, mais aussi une lourde responsabilité source d’obligation. C’est le début d’une nouvelle étape de la vie du club et dont les maîtres mots sont rigueur, transparence et modernité. Quand je parle de rigueur, c’est sur le plan financier, par le biais d’une gestion et une gouvernance irréprochables. Pour qu’en aucun cas nous ne retombions dans ce que nous venons de vivre. La transparence, c’est parce que nous sommes une institution qui appartient à une société privée, la Fondation 1890, mais aussi, d’une manière symbolique, à ceux qui nous entourent, les partenaires, les supporters. Nous allons communiquer sur le budget, les finances, le projet sportif ou encore la vie du club. La modernité, c’est une organisation qui a un regard sur l’avenir. Nous voulons viser les plus hauts standards.

 

Il s’est passé beaucoup de choses ces derniers mois…

 

Nous étions manifestement dans l’urgence. La presse, notamment la Tribune de Genève, s’est fait largement l’écho des problèmes financiers. Il était impératif de trouver une solution, parce qu’il n’était pas possible de continuer comme cela, avec le risque de se retrouver dans une situation de défaut de paiement. Un énorme travail de recherche de solutions a été fait. Et celle qui s’est imposée a été la reprise que l’on sait.

 

Cette fondation est déjà propriétaire du Servette FC et il se dit que c’est la Fondation Hans Wilsdorf qui est le plus gros donateur privé…

 

Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a des donateurs privés et que c’est grâce à eux que nous nous trouvons désormais avec une situation financière assainie et pouvons envisager l’avenir sportif avec toute la sérénité nécessaire.

 

Vos relations privilégiées avec la Fondation Hans Wilsdorf ont-elles favorisé le sauvetage du club?

 

J’ai l’honneur de présider deux entités proches de la Fondation Hans Wilsdorf: la Fondation genevoise de désendettement et la Fondation L’Abri. Il n’y a rien de plus à dire.

 

Vous êtes un avocat de la place genevoise et vous voilà président du GSHC: quelle pertinence avez-vous pour occuper ce poste?

 

Au-delà du fidèle fan que je suis, comme mes deux fils, je n’appartiens pas au monde du hockey. Cela me donne de l’indépendance. Je suis là pour poser les jalons pour le futur et organiser le bon fonctionnement de la direction du club à proprement parler. Il y a un directeur général, Pierre-Alain Regali, et c’est lui qui a pour mission de gérer le club. Sous la surveillance du conseil.

 

Quelle était l’ampleur du trou financier au moment de la reprise par la Fondation 1890?

 

Nous attendons pour la fin de la saison, en avril, d’avoir un déficit, une perte cumulée de l’ordre de 6,8 millions. Ce chiffre est une estimation. Il pourrait être inférieur s’il y a un joli parcours en play-off. Mais c’est secondaire: notre souci a été de régler ce déficit et d’assurer l’avenir du club.

 

À un moment donné, avez-vous songé à aller voir un juge pour dénoncer la situation de surendettement, comme la loi l’exige?

 

Oui, bien sûr. Je l’ai envisagé. Et cela aurait pu se passer si la solution qui a été trouvée n’avait pas vu le jour. Cela aurait signifié la fin du club. En tant qu’administrateur, vous avez toujours cela à l’esprit. Simplement avant d’aller voir le juge, on épuise toutes les possibilités. D’autant plus que pour le hockey, cela signifiait perdre la licence de jeu.

 

La licence, justement: avez-vous déjà des garanties de la ligue, qui était très attentive à ce qui se passait à Genève?

 

La ligue est rassurée aujourd’hui. La Fondation 1890 assume intégralement la situation. Même si, selon nos estimations, il y aura une période déficitaire. Vous ne pouvez pas revenir d’une perte de 6,8 millions à l’équilibre en une année. C’est impossible. Il y aura des déficits sur un, deux ou trois ans, mais ces pertes seront couvertes. Notre propriétaire actuel assumera ses engagements. Nous pouvons montrer patte blanche: le club est assaini et son avenir financier est garanti.

 

Avez-vous déjà arrêté un budget pour la saison prochaine?

 

Nous y travaillons. Nous avons un budget indicatif, mais c’est trop tôt pour donner les chiffres. Nous allons réduire le budget substantiellement. Mais nous demeurerons ambitieux sportivement. À nous d’être intelligents, soit de bâtir la meilleure équipe possible en misant sur des recrutements de joueurs de talent, la conservation de nos meilleurs joueurs et la promotion de jeunes joueurs issus de notre académie genevoise.

 

Genève-Servette avait un budget de 18 millions cette saison: comment un trou de 6,8 millions s’est-il creusé?

 

Plusieurs paramètres interviennent. Nous n’avons pas eu les rentrées budgétées. Nous avons payé une fin de saison passée difficile et un début de saison très compliqué. Moins de spectateurs, c’est moins de rentrées. En même temps, il y a eu des engagements sportifs qui ont anticipé des rentrées. Et à partir du moment où l’on s’engage, on ne peut pas rompre les contrats du jour au lendemain. Moins de rentrées, hausse des dépenses, les courbes se croisent et forcément vous creusez un trou. Et puis il y a aussi eu les frais d’études engagés par le club pour le projet de la nouvelle patinoire.

 

Le responsable, c’est qui?

 

Dans le fonctionnement du conseil d’administration, il était «opérationnellement» la personne qui assurait la gestion du club. De plus, il y a un ensemble de facteurs. On ne peut pas pointer du doigt un responsable.

 

Quel est l’organigramme actuel?

 

Pierre-Alain Regali est le directeur général du club. Il a en dessous de lui une équipe et notamment pour le volet sportif Chris McSorley, qui est le directeur sportif, subordonné à Pierre-Alain Regali.

 

Et pour le conseil d’administration?

 

Le conseil tel qu’il existait a vécu. Il va y avoir des changements. Le processus est en cours. À part moi-même, il n’y aura personne de l’ancien conseil.

 

Cela veut dire qu’après Hugh Quennec, Mike Gillis et Peter Gall quittent Ge/Servette?

 

Ils quittent le club, clairement. Ainsi que M. Szolansky, le conseil historique de Hugh Quennec.

 

Qui va vous rejoindre?

 

On va avancer par étapes. La première personne à me rejoindre sera Didier Fischer, président de la Fondation 1890. Puis la composition du conseil d’administration évoluera dans le futur. Nous n’allons pas rester à deux.

 

«Les Canadiens restent présents dans le projet du Trèfle-Blanc»

 

Parlons de la nouvelle patinoire, avec le dossier porté par les «Canadiens» pour le Trèfle-Blanc: où en sommes-nous?

 

Le dossier avance de manière positive. Les investisseurs sont toujours présents, plus intéressés que jamais dans ce projet 100% privé. Le fait que Mike Gillis et Peter Gall ne soient plus dans le club ne change rien. Nous continuons à porter ce dossier du Trèfle-Blanc et les investisseurs sont là pour le développer. Le changement de zone vient d’être lancé par les autorités politiques, c’est une étape décisive.

 

On a le sentiment que les Canadiens ne sont venus à Genève que pour le projet de nouvelle patinoire…

 

À un moment, quelqu’un comme Mike Gillis pouvait apporter une expérience humaine et professionnelle personnelle très positive au GSHC vu son parcours.

 

Pourtant il a creusé un trou qui avoisine les 7 millions…

 

Il a contribué, comme d’autres, à creuser ce trou, certes. Il y a indiscutablement des choix opérés qui n’ont pas été les bons. Mike Gillis et Peter Gall demeurent présents avec à leurs côtés un groupe d’investisseurs solide. Il ne faut pas se le cacher, ils sont là pour avoir un retour sur investissement. L’intérêt, c’est qu’ils ont l’expérience pour construire une patinoire multifonction tout en apportant des fonds propres importants. La pérennité financière du projet est garantie, grâce à l’équilibre que permet le programme immobilier. C’est une opération combinée qui permet de financer un complexe avec des fonds privés, sans l’argent du contribuable, donc. Et dans l’état des finances actuel, c’est positif.

 

Hugh Quennec a-t-il cédé ses actions pour un franc symbolique?

 

Hugh Quennec a cédé ses actions sans contrepartie financière.

 

A-t-il conditionné la cession de ses actions à une participation au projet immobilier, par l’intermédiaire de la société de développement TBRE Trifolium capital SA, alors que le groupe local était prêt à lui acheter ses actions 3 millions?

 

Ce sont deux choses distinctes. La Fondation 1890 n’est pas du tout impliquée dans le projet de la nouvelle patinoire. Hugh Quennec sera un partenaire minoritaire, non opérationnel dans le projet. Parmi les investisseurs initiaux dans le projet du Trèfle-Blanc se trouve Dirk Hagge (ndlr: Fonds d’investissement allemand, qui gère notamment la fortune de la famille BMW), aux côtés de Mike Gillis et Peter Gall.