Battus par Langnau, les Aigles ont été mis devant leurs responsabilités par Chris McSorley avant une semaine à trois matches.
« Goran, Floran ! Vestiaire ! » Impeccable et efficace chef de presse de Ge/Servette, Pascal Aeberhard exécute les ordres de Chris McSorley. Le coach des Aigles a convoqué tous ses joueurs après le couac du samedi soir. Même ceux qui ont été désignés pour répondre aux journalistes de la télévision n’échapperont pas au discours musclé de l’homme-orchestre des Vernets. La RTS et Teleclub attendront leur tour pour questionner les deux rares joueurs grenat qui échappent à la critique après une défaite assez rageante.
Dans l’intimité de la « chambre », certains ont dû se sentir visés par le discours: « Ce match est une bonne piqûre pour rappeler à certaines individualités que lorsque l’on fait passer ses propres intérêts avant ceux de l’équipe, ce n’est jamais bon », souligne le coach. Samedi, les leaders supposés ont regardé la pointe de leurs patins. Une fois n’est pas coutume, c’est l’ensemble de la légion étrangère qui a piqué du nez. Visiblement émoussés après l’épopée dans les Grisons, Matthew Lombardi, Matt D’Agostini, Tom Pyatt et Johan Fransson pourront se faire pardonner ce match quelconque dès demain soir face à Berne.
Récupération difficile
Avec la blessure de Jim Slater, survenue justement contre ce même adversaire il y a huit jours, la concurrence qui devait pousser chacun des joueurs étrangers à se rendre indispensable aux yeux de Chris McSorley n’a même pas eu temps de s’installer. Samedi, dans les tribunes, Jim Slater était là. Et ça, c’est vraiment une bonne nouvelle pour tous ceux qui imaginaient l’Américain plongé dans le noir après son choc violent à la tête. On ne parle pas encore de son retour. Mais le voir debout, souriant, sans minerve autour du cou, a rassuré pas mal de monde. Sauf peut-être les quatre autres mercenaires…
Contre Langnau, c’est tout une équipe qui n’a pas su digérer le déplacement de Davos. L’entame de match est venue souligner à quel point il est difficile de se mettre en jambes lorsque l’on est rentré à 5 heures du matin, que l’on est allé se coucher à 6 heures, et que le soir même, il faut remettre ça. Une hérésie médicale, en réalité. Une facétie, une de plus, de la Ligue nationale qui prétend se soucier de la santé des joueurs et qui leur propose pourtant ce genre de menu indigeste. Louis Matte l’avait souligné la veille : « La récupération est la clé quand tu dois jouer deux matches en 24 heures. Dans ce cas, le fait de jouer d’abord à domicile est un avantage car le joueur dort chez lui et peut trouver plus facilement le sommeil dans un cadre familier. »
Floran Douay confirmera les propos de l’entraîneur assistant : « Ça devrait être interdit ce genre d’enchaînement ! Car même si on est à l’aise dans notre bus, on ne dort jamais vraiment bien et on récupère mal. »
Langnau… Un exemple ?
McSorley, lui, ne voulait pas brandir la carte de la fatigue pour justifier les errements entrevus. « Ce que j’ai dit aux joueurs pour conclure ? Le moment est venu. Ils doivent haïr la défaite et là, ils pourront jouer la tête du classement. Autrement, nous nous contenterons de rester en milieu de tableau. » Le bilan de ce week-end rocambolesque est donc mitigé sur le plan comptable.
Sur le plan du jeu, en revanche, il aura au moins permis de rappeler certaines vérités à qui veut atteindre les sommets. Robert Mayer, en premier lieu, va devoir resserrer sa garde – et surtout ses jambières – après une soirée difficile. Impeccable depuis trois mois, personne ne lui tiendra rigueur de n’avoir pas su répondre à tous les surnombres accordés par ses camarades. En revanche, son goût prononcé pour la relance doit être mieux maîtrisé sous peine de voir une force se transformer en fardeau.
Autre vérité, quand il s’écarte un tant soit peu de sa ligne de conduite, l’Aigle devient banal. Il n’en fallait pas plus pour que le coriace Langnau, qui se bat admirablement pour encore croire à une participation aux play-off, n’en profite. « On va sans doute nous parler de la fatigue de l’adversaire mais moi, je donne tout le crédit de cette victoire à mes joueurs, dit l’entraîneur emmentalois Benoît Laporte. Mon équipe ne lâche rien depuis le début de la saison, son état d’esprit est exemplaire. »
Il pourrait même servir d’exemple. C’est peut-être bien ce qui a été rappelé dans le vestiaire grenat.
Douay a passé un cap
Dans un match compliqué pour les Aigles, un homme a clairement su tirer son épingle du jeu : Floran Douay. Son travail est celui qui s’effectue dans l’ombre et il a rarement droit aux honneurs des médias et du public. Aligné dans la 4e ligne d’attaque : son job essentiel consiste à patiner fort et à envoyer du lourd dans les bandes. Le jeune Français à licence suisse possède le profil de l’emploi (de 1 m 90 pour 88 kilos) pour faire déjouer les meilleures lignes adverses. Mais il a aussi de réelles aptitudes offensives et une capacité à filer le long des bandes ou droit au but.
Samedi, c’est à ce beau bébé qu’est revenu l’honneur d’inscrire le premier but des Aigles, déclenchant la pluie de peluches qui ont été récoltées en faveur des enfants hospitalisés. On jouait la 20e minute d’un tiers initial durant lequel les Grenat ont souffert. « Evidemment, c’est un honneur d’avoir marqué ce fameux but, disait-il après la rencontre. C’est vrai que cela s’est globalement bien passé pour moi ce week-end. Je récolte sans doute là le fruit d’un gros travail effectué ces dernières semaines. »
La montée en puissance du Français coïncide avec la relégation au bout du banc de Roland Gerber. Buteur vendredi à Davos, Douay a signé un doublé et un assist contre Langnau. Son deuxième but, mêlant puissance et finesse, illustrant bien que le jeune homme possède aussi de sacrées mains. « Il a pris conscience de ses possibilités ainsi que de l’implication nécessaire pour s’imposer à ce niveau », dit de lui Louis Matte, conscient que Floran Douay a « franchi un premier cap ».