Les erreurs défensives ont été fatales aux Aigles, qui tenteront de rebondir demain soir au Tessin
A longueur de saison, ils répètent cette phrase comme le moine bouddhiste enchaîne ses mantras. «Il faut faire attention aux petits détails.» Depuis le début des play-off, c’est même devenu une obsession dans la bouche des hockeyeurs. Il faut croire que la persuasion ne suffit pas dans le camp de Ge/Servette. Pour la deuxième fois en trois rencontres, les Aigles ont offert la victoire à Lugano sur un plateau d’argent. C’est Damien Brunner, réaliste en diable, qui a joué les démons de minuit en inscrivant le but décisif dans la prolongation. Voilà les Grenat menés 2-1. S’ils ne sont pas encore aux abois, la marge se réduit. Dangereusement. Et pourtant que la soirée fut belle, folle, cruelle…
Ce duel, âpre sur la glace, doux-amer en coulisse, est en train de tourner à une véritable guerre tactique. Entre des Luganais, attentistes, talentueux, opportunistes et des Genevois qui prennent conscience qu’il ne suffit pas toujours de bombarder Merzlikins pour allumer la lampe rouge, la série se joue comme aux échecs. Dans le rôle des maîtres, Chris McSorley et Doug Shedden se connaissent par cœur. Chacun avance ses pions, finement, habilement. La quantité pour les Aigles, la qualité pour les Tessinois. Pour l’instant, c’est Genève qui est en échec.
Opposition de style
Cette opposition de style débouche sur des rencontres au contenu assez similaires – avec une large domination de Genève au nombre de tirs – mais au dénouement toujours inattendu. Cet acte III aura fait passer les spectateurs et les acteurs par tous les états d’âme. Un scénario fou. Des retournements de situations qui permettent d’imaginer que les deux équipes vont encore se frotter plusieurs fois pour se frayer un chemin jusqu’en finale.
Pour Genève, le salut passera forcément par une discipline de fer et d’enfer. Hier soir, le box-play a été déficient. Et une fois de plus, Lugano aura profité d’erreurs assez grossières pour revenir de presque nulle part et faire passer un gros frisson dans les travées des Vernets. Pendant 35 minutes, les Aigles ont pourtant parfaitement maîtrisé le sujet. Il aura donc fallu attendre qu’ils mènent de deux longueurs grâce à deux tirs parfaits de Romain Loeffel pour que la stratégie de Chris McSorley s’effondre. Deux mauvaises relances en sortie de zone défensive: il n’en faut pas plus pour faire le bonheur de la première ligne tessinoise. Brunner, Martensson, Klasen, c’est fort, très fort. Donnez-leur trois centimètres carrés d’espace, ils y construiront un palais des glaces.
Ge/Servette aurait pourtant tort de baisser les yeux après ce deuxième revers à domicile. En réagissant immédiatement après leur entrée en matière désastreuse (lourde défaite 5-0 lors de l’acte I), les Aigles savent aussi qu’impossible n’est pas grenat. Pendant toute la saison, la grande force de ce groupe aura été sa capacité à rebondir.
Tout reste possible
La rédemption passera par la capacité des Aigles à apprendre de leurs erreurs et à soigner ces fameux détails. Quand on patine pendant une 1’ 30” avec deux hommes de plus, il faut que le puck se glisse dans l’espace laissé vide par Merzlikins. Quand on a face à soi Tony Martensson, Damien Brunner ou Linus Klasen, il est interdit de leur donner le puck sous peine de sanction majeure. Chris McSorley l’a dit à chaud: le talent s’achète. Le courage, lui, n’a pas de prix. A Genève de se répéter cette phrase pour achever de se convaincre que tout reste possible dans cette demi-finale haletante.
Des émotions partout aux Vernets
Des émotions partout, à fleur de peau. Aux Vernets, tout un public a vibré de bout en bout hier soir. D’abord dans la solidarité de ce tonnerre d’applaudissements qui s’envolait de Genève vers une Bruxelles meurtrie par l’horreur. Un moment solennel. Et puis après un match, sans que l’un n’occulte l’autre. Un match et des émotions, d’une autre nature c’est vrai, sans doute plus futiles, mais bien vivantes et c’est là aussi un fort message contre tous les terrorismes.
Il y a donc eu collision d’émotions, oui. Cumul devrait-on dire. Avec, quelques secondes avant le coup d’envoi, une surprise. Un tifo si immense qu’il en devenait un cri. Un étendard brandi qui a habillé toute la grande tribune des Vernets, toute la patinoire en fait. Alors quand, en plus, Chris McSorley fête ses 54 ans en même temps, c’est tout un monde qui hurle son soutien. Quand l’écran géant a souhaité un joyeux anniversaire au boss des Aigles, il y avait 2-0 pour Ge/Servette et tous les voyants étaient au vert après d’âpres luttes. C’est après que tout s’est gâté…
«Un anniversaire comme celui-là, je préférerais l’oublier», ruminait Chris McSorley dans son bureau. Que s’est-il donc passé pour que son équipe, qui devait filer vers un succès, se mettent à faire tant de cadeaux? «C’est la différence entre un gros et un petit budget, soufflait McSorley. Pour gagner, nous devons jouer plus intelligemment. Mais voilà, nous n’avons pas su maintenir sur 60 minutes notre hargne du début. Cela dit, quand on croit cette équipe au fond du trou, elle se relève. Alors nous irons gagner à Lugano.» Ultime émotion positive pour un entraîneur sans doute battu, hier soir. Mais pas abattu.