Même diminués par un virus, les Aigles continuent de rendre banal l’exceptionnel en s’imposant à Zurich. La suite, c’est demain aux Vernets
«Quand tout semble aller contre toi, souviens-toi que l’avion décolle contre le vent, pas avec!» Le constructeur Henry Ford aurait aussi pu être entraîneur de Ge/Servette, il aurait été fier de ces joueurs-là, tous convaincus que l’espérance mène plus loin que la crainte.
«Tout le monde savait que c’était impossible à faire. Un jour est arrivé quelqu’un qui ne le savait pas et qui l’a fait!» Winston Churchill aurait pu lui également se trouver à la place de Chris McSorley, il aurait apprécié ces guerriers qui rendent banal l’exceptionnel.
«L’effort que ces gars ont produit ce soir, c’est fort, c’est de la résilience», s’est exclamé, «sans voix», le boss des Vernets. Quelques minutes avant de célébrer son 53e anniversaire, il ne pouvait pas rêver d’un plus beau cadeau. Alors que ses hommes disputaient ce samedi leur 75e match de la saison (!), ils ont peut-être bien livré, dans l’antre du champion, leur plus beau morceau de bravoure de l’exercice.
«Je suis fier d’avoir bien réagi après mon premier match raté ici», sourit le portier Robert Mayer, qui avec 97,22% d’arrêts sur les 36 tirs reçus, a sorti le grand jeu pour se faire définitivement pardonner de son entrée manquée.
De quoi rendre furieux l’entraîneur Marc Crawford, qui en perd son latin et ses protégés, leurs patins: mais comment faire pour trouver la parade? «On doit absolument travailler notre power play», tonne le coach canadien, ex-vainqueur de la Coupe Stanley avec les Avalanche du Colorado.
Un Lion déstabilisé
Même le médecin, Jacques Ménétrey, a été aussi impressionné par les vagues de l’Atlantique à Saint-Michel en pleine éclipse, que par ses patients des Vernets. «Mais tout le monde a les batteries à plat», sourit un Goran Bezina blanc comme un linge, qui comme jeudi passé a serré les dents le jour de ses 35 ans.
Alors que Tom Pyatt est resté chez lui alité, d’autres de ses camarades ont, une fois de plus, fait face à l’adversité, alors que cinq d’entre-eux étaient toujours diminués par ce méchant virus. «J’ai encore vomi une fois ce matin, raconte Noah Rod, mais à vrai dire, une fois que tu commences à transpirer et monter dans les pulsations, ça va beaucoup mieux. Maintenant, ce soir on a eu un peu de chance, reconnaît celui qui avait égalisé grâce à un caviar de Kast dans la foulée du 1-0 de Malgin. Mais de la chance, il en faut aussi.»
Il est vrai que Roman Wick a manqué l’immanquable, seul devant Mayer (28e) alors que Ryan Shannon a trouvé la latte à sept secondes de la fin. Juste avant qu’Alex Picard, sur un service en or de D’Agostini-le-magnifique, n’enfile sa tunique de héros en prolongation. «Même avec les yeux fermés, j’aurais marqué, mais ce but chanceux on va le prendre, se marre le match winner. On appelle ceci l’énergie du désespoir. Mayer a réussi de gros arrêts, Vukovic s’est couché sur de nombreux pucks, tout le monde a bien joué. Mais c’est surtout les 3e et 4e blocs qui ont effectué un job incroyable.» Ces deux trios vitaminés – Rod, Kast, Rubin et Gerber, Jacquemet, Traber – envoient du lourd, de quoi déstabiliser le Lion qui ne supporte pas qu’on lui chatouille la crinière.
«Je ne sais pas si on leur fait peur, sourit le géant barbu Eliot Antonietti, de retour au jeu après sa blessure à l’épaule. Mais j’ai surtout l’impression qu’après avoir encaissé quatre buts jeudi lors du premier tiers, ils avaient opté pour un système plus défensif et évoluer en contre-attaque pour ne pas se faire surprendre.»
A l’image des projecteurs qui ont surchauffé avant la partie pour s’effriter sur les joueurs, c’est tout le plafond du Hallenstadion qui est finalement tombé sur la tête des hommes de Crawford après avoir dominé ce troisième acte en vain. «Durant deux tiers, il faut avouer qu’ils étaient meilleurs que nous», avoue Picard.
Rod: «Continuer à bosser»
Or, comme expliquait notre expert Olivier Keller dans notre journal samedi, «il faut que Ge/Servette profite de la baraka qui l’accompagne. Ce n’est pas de la chance mais de la réussite, qui se provoque. Et les équipes qui arrivent à se souder dans la difficulté, comme les Aigles, peuvent aller très loin en play-off…»
Les Grenat, qui ont éclipsé les Zurichois dans leur antre, sont désormais prêts à décrocher la lune. «Mais attention, prévient encore Rod, rien n’est fait du tout. On doit continuer à bosser, même si on évoluera à la maison, mardi ce sera un autre match.»
Alors que les chiffres mentent rarement, à chaque fois que les Lions de Zurich ont perdu le deuxième match d’une série alors qu’ils étaient favoris, ils ont été éliminés. Et si l’histoire se répétait?
Traber fait vraiment peur aux Lions!
Il a une gueule d’acteur, de celui qui jouerait le rôle du méchant au cinéma. Sur la glace, ils craignent tous les charges à répétition de cette terreur comme la peste. Tim Traber n’est pas un grand joueur de hockey. Mais il frappe tout ce qui bouge, à rendre fou Marc Crawford et les Zurichois. Dans cette demi-finale, c’est peut-être bien lui, ce cogneur sans états d’âme, la lame fatale de Chris McSorley. «Quand tu as pris une charge de Traber, tu réfléchis deux fois avant de revenir et d’essayer de le passer», se marre Noah Rod, qui n’est pas en reste, lui non plus, lorsqu’il s’agit de mettre en échec un adversaire.
«A part quelques joueurs, on n’aime jamais se faire frapper à 40 km/h sur une patinoire!» se marre Alex Picard, conscient que les Genevois sont redoutables à ce jeu-là, pour intimider un adversaire.
«C’est mon boulot et j’aime ça, sourit ce Canado-Suisse de 22 ans venu l’été dernier de Vancouver. J’ai du plaisir à évoluer ainsi au plus haut niveau. Ce soir, poursuit le No 21, il fallait mettre de la pression sur Zurich pour renverser la tendance. Et avec toute notre ligne, nous avons réussi à reprendre le momentum.»
Tim Traber est prêt à remettre ça demain face à des Lions qui en font déjà des cauchemars!