2 février 2017

Les Aigles ont mené deux fois au score avant de se liquéfier contre Kloten

 

C’est la magie de la Coupe! Elle permet tout. Même de sauver une saison pourrie. Moribond en championnat (10e et sans doute condamné aux play-out), Kloten démontre que sur un match, qui plus est si particulier, les vérités du championnat peuvent être bafouées. Les Zurichois ont patiné à la vie à la mort pour s’offrir la Coupe de Suisse. Un trophée qui reste donc en terre alémanique. Depuis sa restauration lors de la saison 2014-2015, Berne, Zurich, et désormais Kloten ont levé à bout de bras le joli trophée. Et ce n’est finalement que justice tant Ge/Servette s’est totalement raté, buvant la Coupe jusqu’à la lie.

 

D’emblée, Kloten est apparu plus en jambes. Bien campés en zone neutre, les Zurichois ont pris un malin plaisir à lancer des contre-attaques fulgurantes qui ont fait passer des frissons dans le dos des fans genevois et provoqué des courants d’air. Quand Vincent Praplan, Luca Cunti et Denis Hollenstein patinent vers l’avant et que les défenseurs grenat sont sur les talons, Robert Mayer se retrouve avec du boulot plein la mitaine.

 

Pas dans son match

 

Difficile de dire pourquoi Ge/Servette est si mal entré dans son match. Pas un puck n’était contrôlé proprement. Pas une passe n’était donnée dans le bon tempo. Il faut dire que la patinoire de Kloten, qu’elle s’appelle Schluefweg, Kolping Arena où désormais Swiss Arena, n’a jamais été une destination prisée des Genevois. Mais cette fois, l’ambiance n’avait rien à voir avec celle qui prévaut d’ordinaire. Une très forte délégation de supporters genevois a donné de la voix tant et plus. On n’avait plus vu pareille transhumance (six cars sont venus du bout du lac) depuis la finale de 2010 contre Berne. «Il y a même comme un parfum de Coupe Spengler qui flotte dans l’air», remarquait Christophe Stucki, l’ancien directeur de Ge/Servette, présent du côté du «kop» grenat. Sans doute voulait-il que la même réussite que celle de 2013 et 2014 accompagne «ses» Aigles.

 

Contre le cours du jeu

 

Pendant un peu plus de trente minutes, on aurait pu effectivement croire que dame chance permettrait à Ge/Servette de s’offrir, enfin, un titre dans une compétition nationale. Malgré une mise en route très poussive, les visiteurs ont mené deux fois au score. Une première fois en fin de première période en ouvrant le score complètement contre le cours du jeu sur sa première véritable occasion. Pour le coup, Nick Spaling et Nathan Gerbe ont uni leur abnégation (récupération du puck derrière le but) et leur classe (passe de Spaling et finition de Gerbe dans la lucarne de Gerber). Logiquement, et superbement aussi, Kloten n’aura mis qu’une minute pour égaliser grâce à Bobby Sanguinetti, un défenseur qui va de l’avant. S’il fallait une preuve que les Zurichois ne lâcheraient rien, elle avait été donnée de fort belle manière.

 

Ge/Servette aurait donc dû se méfier quand Juraj Simek avait une nouvelle fois donné une longueur d’avance à son équipe. Au lieu de resserrer sa garde et de profiter de ces circonstances plutôt favorables, toute l’équipe a coulé. Sur un horrible oubli défensif, tout d’abord, sur l’égalisation de Tim Rahmholt (encore un défenseur) laissé complètement seul. Il y a eu ensuite cette entame de troisième tiers indigne. Une absence sur un engagement après seulement douze secondes de jeu dans l’ultime période. Vincent Praplan, l’homme aux mains en or, avait-il vraiment besoin que tout le monde s’efface pour inventer un superbe but?

 

Tout à coup, l’esprit de la Coupe Spengler n’était plus qu’un lointain souvenir du côté genevois. L’euphorie s’invitait même du côté de Kloten. Avec deux buts inscrits en quinze secondes pour plier l’affaire. La magie de la Coupe avait choisi son camp.

 

Les héros de 1972 attendront encore…

 

A peine est-il sorti du car qu’il sentait pourtant le bon coup, l’odeur de cette Coupe qui n’avait jamais été aussi proche de Genève, de la Suisse romande. «L’ambiance était la même il y a trois ans à Davos quand on a gagné notre deuxième Spengler!» Jean-Pierre Kast, père de Timothy, voulait tellement y croire. Il avait un si bon pressentimen, comme les six cents Genevois qui avaient fait le déplacement dans la banlieue zurichoise.

 

Du rouge, du jaune, du grenat: les supporters des Aigles ont bien essayé de faire tourner la partie dans le bon sens dans une Swiss Arena qui affichait complet pour cette finale. C’était comme en 1972 à Ambri lorsque les Servettiens avaient remporté leur deuxième trophée après le premier en 1959. «Nous avions énormément lutté pour décrocher un trophée vraiment affreux», avait alors raconté Bernard Giroud, capitaine des Genevois il y a 45 ans.

 

Les Genevois s’étaient adjugé «ce machin-là» après avoir gagné 2-0 à l’aller et perdu 3-2 au retour devant plus de 11 000 spectateurs à la Valascia. En ce temps-là, dans la cage, Daniel Clerc était aussi fort que Robert Mayer, et Nathan Gerbe s’appelait Jean Cusson. Jean-Pierre Kast, qui avait été transféré à Morges quelques mois plus tôt, se souvient: «Je ne sais pas si j’ose vous raconter cette anecdote, mais bon, allez, je me lance, il y a prescription. Lors du match retour au Tessin, les joueurs sont allés fêter leur victoire au village et là ils ont pissé dans la Coupe! Et, le plus drôle, c’est ensuite, quand ils sont entrés dans le bistrot. Il y avait le président Barbey qui a versé du champagne dans la Coupe. Vous imaginez la suite. C’est Giroud qui a bu le mélange!»

 

Si l’histoire a tendance à attraper le hoquet, cette fois-ci elle a éternué deux fois en quinze secondes pour le plus grand plaisir de Vincent Praplan et des Aviateurs plus réalistes qui restaient pourtant sur treize revers en quinze sorties.

 

«Moi je ne comprends pas pourquoi on n’a pas fait jouer Francis Paré», s’exclamait ce supporter après le deuxième tiers alors que d’autres regrettaient que Goran Bezina avait atterri à Genève plutôt qu’à Kloten. «Sur l’ensemble du match, on n’a pas démérité, pestait Arnaud Jacquemet. Mais on a été tué sur des contres. Nous n’avons pas été assez intelligents derrière», regrettait le Valaisan qui a perdu une première finale. Les héros de 1972 attendront encore…
Christian Maillard