Avec le retour de Riat, Rod et Fransson, la densité de l’effectif offre de belles perspectives à un Aigle presque royal à Berne
C’est quelque chose qui flotte dans l’air. Comme le murmure d’une mouche qu’on entendrait voler. «C’est toujours difficile et plaisant de ramener des points d’un voyage dans cette patinoire,
aime à rappeler Chris McSorley pour qui un succès à Berne a toujours une saveur particulière.» Alors ce silence, cette foule aphone… Ceux qui vociféraient lorsque Martin Plüss ou Cory Conacher accéléraient pour s’en aller, seuls, échouer face à l’impeccable Robert Mayer, furent sans doute les premiers à quitter la PostFinance-Arena la tête basse. Fâchés contre cette troupe de millionnaires incapables de s’éloigner de la barre depuis le début de la saison.
C’est Juraj Simek, dans un raid similaire, qui s’est chargé de refroidir définitivement l’assemblée. On jouait la prolongation d’un match rythmé, spectaculaire, engagé. «Un bon match pour
le public mais pas pour le coeur des entraîneurs», analysait Chris McSorley. Des frissons avaient déjà parcouru son échine et celle du public lorsque Jim Slater était resté étendu après une collision fortuite avec Matt D’Agostini.
«Comment va Jim?»
Cette action choc a eu le don de faire passer la prestation des Aigles au second plan. Au retour dans le vestiaire, peu de cris de joie, forcément. Les regards sont interrogateurs. «Comment va Jim?» Telle était la question essentielle. Une fois acquise la certitude que le pire avait sans doute été évité – il est resté conscient et a pu immédiatement bouger bras et jambes – les mines se sont réjouies.
Ge/Servette est toujours invaincu en 2016. Samedi, il a été nettement plus convaincant que lors de ses deux victoires du début du mois contre Bienne. Pendant une grosse moitié de match, il a clairement patiné un ton au-dessus d’un adversaire, il est vrai, miné par les absences. L’Aigle avance la tête haute, il regarde avec gourmandise cette deuxième place occupée par Davos, son prochain adversaire (vendredi).
Samedi soir, au-delà de la victoire arrachée pendant la prolongation, c’est surtout la prestation d’ensemble qui doit être saluée. Malgré le sursaut d’un CP Berne qui se (dé)bat avec l’énergie du désespoir, la victoire genevoise porte le sceau de l’équilibre d’un groupe qui ne cesse de s’étoffer. Avec les retours de Fransson (blessure), Riat et Rod, les entraîneurs ont désormais à leur disposition un effectif élargi au sein duquel la concurrence est visiblement bénéfique.
Le triste Tristan Scherwey
«La transition n’est pas évidente entre les juniors et la Ligue A, remarque Noah Rod. Il m’a fallu un peu de temps pour me mettre dedans. La principale différence, c’est le timing. Tu as nettement moins de temps pour réfléchir et agir ici, c’est clair.» Son coéquipier chez les M20, Damien Riat, tient le même discours. «Je n’ai pas connu de difficultés particulières », lance-t-il du haut de ses 18 ans. Sa passe lumineuse et instinctive sur le 2-0 signé Kevin Romy illustre bien la confiance qui habite la révélation de la saison. C’est lui, encore, qui lancera joliment Juraj Simek.
Les deux «gamins» ne cessent de prendre de la bouteille. Ils ont visiblement parfaitement digéré un Mondial M20 qui a été décevant au niveau du résultat. «C’était mon deuxième tournoi et
c’est une expérience exceptionnelle, un passage obligé dans la carrière d’un joueur, dit Noah Rod. On a fait de bonnes choses, notamment ce nul contre le Canada, mais ça n’a pas été comme on le voulait par ailleurs. C’est comme ça. Et on a assuré l’essentiel en maintenant l’équipe dans le groupe A.»
«Travail et sérieux», deux mots qui plaisent à Chris McSorley. Damien Riat et Noah Rod apprennent vite. Tout le contraire de Tristan Scherwey qui n’est toujours pas capable de faire la différence entre l’engagement et l’agressivité ciblée. Sa charge contre Daniel Rubin méritait une sanction majeure selon plusieurs avis partagés. Le triste Scherwey est un récidiviste
notoire. Viendra un jour ou un adversaire le fera taire. La sanction flotte dans l’air.
Slater est rentré chez lui
«C’est le pire jour de ma carrière!» Ce n’est pas Jim Slater qui le dit, c’est son coéquipier Matt D’Agostini. Samedi, peu après 22 heures, dans les couloirs de la PostFinance Arena, le Canadien fait les cent pas, le teint livide. Quelques instants plus tôt, sur la glace, c’est lui qui a malencontreusement croisé la route de Jim Slater. Le choc, hanche contre tête, est violent. Les images, épouvantables, montre une distorsion, de l’avant vers l’arrière, de la tête de l’Américain qui quittera le rink sur une civière et sous les applaudissements du public bernois, impeccable pour la circonstance.
«C’est un coup du lapin très violent, ses bras et ses jambes bougent», dit Chris McSorley, lui aussi inquiet dans un premier temps. Le coach restera de longues minutes dans l’infirmerie avec son joueur blessé et Matt D’Agostini. Jusqu’au départ pour l’hôpital. Vers 1 h du matin, les premières nouvelles arrivent et font plaisir. Il n’y a pas de fracture au niveau des vertèbres cervicales. Le joueur a pu rentrer chez lui hier en début d’aprèsmidi. Il est sonné, sa nuque est très douloureuse. Une rencontre avec le médecin du club est prévue aujourd’hui. On devrait donc en savoir plus sur les conséquences de ce choc aussi fortuit que spectaculaire.