Discipline et rigueur. Deux mots que les Aigles doivent appliquer sous peine de fin de saison très prématurée
«Qui mange une noix de coco fait confiance à son anus», disait un philosophe africain. Ge/Servette, lui, s’en référera plutôt à un sage léventin. On a nommé John Gobbi, capitaine du LHC et ancien taulier des Aigles. Voici ce qu’il écrivait dans les colonnes de la Tribune de Genève en 2010 alors que son équipe était au bord du précipice (menée 3-1) en quart de finale contre Fribourg: «Si vous voulez manger un éléphant, le seul moyen d’y parvenir, c’est de le dévorer pièce par pièce.» Cette métaphore, tout africaine qu’elle puisse paraître, est en réalité née lors d’une causerie d’avant-match du premier entraîneur de John Gobbi, un certain Larry Huras.
C’est donc avec cet état d’esprit que les Aigles étaient revenus, lentement mais sûrement, à la vie. Jusqu’à échouer au bout du bout des play-off, en finale, contre Berne. Sept ans plus tard, la situation est bien plus désespérée. Les raisons de croire, ne serait-ce qu’à un seul succès dans cette série contre Zoug, sont aussi faibles que le jeu de puissance des Aigles. Mais que faire dans le vestiaire? Que dire? Jeudi soir à Zoug, les joueurs se sont enfermés. Pour se dire des choses. Sans personne. Pas de coach, pas d’assistant coach, pas de physiothérapeute, pas de médecin, pas de chef matériel, pas de journaliste, pas de président, pas de conseiller du président, pas de vice-président, pas de conseiller du vice-président, pas de fils de membre du conseil d’administration, pas de conseiller du fils de membre du conseil d’administration.
Se mettre à table
Non, les coupables se sont jugés eux-mêmes. C’est sain. Il en ressort une question essentielle, presque existentielle: cette équipe a-t-elle encore faim? Car pour manger un éléphant, fût-ce pièce après pièce, encore faut-il avoir l’envie de se mettre à table et de savoir s’y tenir correctement. «Nous connaissons la voie à suivre pour gagner, dit Chris McSorley. Il s’agit de ne pas nous battre nous-mêmes. Et pour cela, restons en dehors du banc des pénalités.»
Mais comment croire que ces hockeyeurs dissipés se transformeront du jour au lendemain en premiers de classe? «Car nous n’avons pas vu le vrai visage de notre équipe, se persuade Chris McSorley. Jusqu’à samedi soir, il ne faut penser à rien d’autre qu’au prochain match. Surtout ne pas regarder au-delà.» Tiers après tiers. Shift après shift. Pièce après pièce…
Inutile donc, pour l’instant, de pointer les responsabilités des uns et des autres. A commencer par celles, indéniables, de l’entraîneur. A distance, Harold Kreis a visiblement mieux préparé son coup. Faut-il attribuer la force du power play zougois à la tactique mise en place par son entraîneur ou à la faiblesse de la défense des Aigles lors de ces phases de jeu cruciales? C’est sans doute un peu des deux. Reste un constat: depuis trois matches, David McIntyre et Cie se gavent en supériorité numérique sans que Chris McSorley ne trouve d’antidote. Eviter les punitions, c’est bien. Mais savoir tuer les pénalités, c’est mieux.
N’y a-t-il pas moyen de freiner la circulation du puck adverse? N’y a-t-il pas moyen d’éviter que systématiquement un homme se pose sous le nez de Robert Mayer pour le masquer sans que personne ne trouve à y redire? N’y a-t-il pas moyen que les Aigles ne se précipitent pas à chaque fois à deux, quand ce n’est pas à trois, sur le porteur du puck, libérant ainsi des espaces béants?
Trouver les moyens
Il y a sûrement moyen. Cela passe par une vraie discipline. Tant sur le plan de l’engagement physique que sur le plan mental. Les Aigles sont en mission. Pour éviter l’humiliation d’une élimination en quatre matches secs. Après un hiver pénible, marqué par les blessures et l’ennui, une fin de saison bien négociée, avec les arrivées de Francis Paré et de Goran Bezina, avait fait naître de réels espoirs. Trop sans doute. Car Zoug, il ne faudrait pas se tromper, est un poids lourd du championnat. Un éléphant?
Mayer en bon capitaine
Sa performance jeudi soir n’est pas passée inaperçue. Un «soft goal» (le 1-0 de Timo Helbling), un but gag (mauvaise relance après une sortie loin de son but sur le 2-0 signé David McIntyre), un «big save» inutile (le 3-0 reçu à 3 contre 5 lorsqu’il réalise un arrêt «miracle» mais derrière sa ligne de but) et pour conclure un rouleau (tir mou au ras de la glace de McIntyre alors que ce dernier était au sol!). Mais surtout ne jetez pas la pierre au dernier rempart des Aigles.
C’est un cri du cœur et de la raison lancé par son entraîneur, Sébastien Beaulieu. «Il n’est pas question de nier les erreurs, non. Il s’agit juste de remettre les choses dans leur contexte. Robert a vécu une soirée contrastée qui a mal tourné. Et c’est ce dernier aspect, négatif, que les gens vont retenir, c’est normal. Mais jusqu’à ce premier but reçu, il était parti pour faire un très grand match. C’est lui qui a tenu l’équipe pendant 19 minutes et 29 secondes. Ensuite, il y a cette erreur sur la relance. Sa sortie, la première du match, était judicieuse. C’est ensuite un mauvais choix qui a eu de lourdes conséquences. Il y avait d’autres options que la passe à un coéquipier qui ne s’y attendait pas, d’ailleurs. Il aurait même pu se coucher, protéger le puck, mais avec le risque de le couvrir et d’écoper de deux minutes de pénalité.»
Alors bien sûr, la tentation est grande de lui faire porter le chapeau. D’aucuns imaginaient même le sortir du jeu pour titulariser Christophe Bays. «J’ai beaucoup aimé l’attitude de Christophe lorsqu’il a remplacé Robert, dit Sébastien Beaulieu. Mais, et ce n’est pas pour lui enlever le moindre mérite, ce n’est pas le même match quand l’adversaire a quatre buts d’avance.» Chris McSorley confirme: «Robert sera dans les buts. Il n’a jamais été question qu’il en soit autrement. Je dirai même que je compte sur lui pour être le capitaine de notre bateau samedi soir.»
Power-play
Acte IV Samedi soir aux Vernets à 20 h 15 (TSR2/Teleclub).
Ge/Servette Du côté des Aigles, Tim Kast et Romain Chuard sont blessés. Tim Traber et Daniel Vukovic sont suspendus. Jim Slater et Travis Ehrhardt seront surnuméraires.
Zoug Harold Kreis devra sans doute se passer de Josh Holden, blessé (poignet fracturé?). Marchon et Markkanen sont surnuméraires. Retour de Robin Grossmann qui a purgé son match de suspension (charge avec le genou contre Romain Loeffel lors de l’acte II).
Daniel Vukovic Le Genevois l’a échappé belle. Déjà suspendu un match suite à son double coup de canne sur Sven Senteler, le défenseur genevois a été puni de deux matches supplémentaires. Il sera donc absent ce soir et éventuellement mardi. C’est Zoug qui avait fait appel de la sanction initiale, la jugeant peu en adéquation avec la gravité du geste. Il est vrai que Vukovic aurait pu prendre 7 matches sans qu’il n’y ait quoi que ce soit à redire. Ouf.