13 mars 2017

Eliminé par Zoug en quatre matches secs en quart de finale des play-off, le club genevois plonge dans une crise sans précédent. Chris McSorley pourrait bien en faire les frais

 

Ils devaient manger l’éléphant pièce par pièce. Menés 3-0 dans leur quart de finale des play-off, les Aigles n’avaient plus de droit à l’erreur. Incapables de relever ce défi de taille, ils n’ont pas pesé bien lourd. On dira — pour rester poli — qu’ils se sont pris un bon gros coup de trompe dans la figure avec une élimination au premier tour des séries finales sur le score sans appel de 4-0. Un épilogue douloureux qui ne surprend guère tant la saison de Genève-Servette fut compliquée sur les plans sportif et administratif.

 

Dans la douleur d’une élimination, la tentation est toujours grande de trouver un ou des boucs émissaires. Pour les uns, c’est Robert Mayer, le «clown» et ses sorties foireuses. Pour d’autres, c’est la défense, limitée techniquement. Il y a ceux qui disent que ce sont les attaquants suisses qui n’ont pas été au niveau. Mais il y a surtout ceux qui n’hésitent plus à pointer du doigt un certain Chris McSorley.

 

Avant cette saison (la 16e de l’entraîneur canadien), le club restait pourtant sur trois demi-finales consécutives. Une régularité digne des plus grosses écuries. Et encore, le tout-puissant SC Berne, champion en titre, n’était-il pas passé par la case des play-out au printemps 2015? Malgré tout, un homme s’est mis en tête de révolutionner le club. On veut bien sûr parler du président, Hugh Quennec. Au mois de juin, l’homme qui était encore poursuivi par le bruit des casseroles de sa mauvaise cuisine servie à la tête du Servette FC a pris son propre club de court en annonçant le renforcement du secteur administratif et sportif. L’idée de Hugh Quennec: permettre au club de franchir un palier supplémentaire.

 

L’arrivée de Canadiens (Mike Gillis, vice-président, et Peter Gall, membre du CA) à la direction ainsi qu’à la direction sportive avec Lorne Henning (conseiller de Chris McSorley) fait grincer bien des dents. Cette restructuration est très étroitement liée à la réalisation de la nouvelle patinoire du Trèfle Blanc. Juste avant le coup d’envoi de la saison, Christophe Stucki, jusque-là directeur administratif, claque la porte. L’inquiétude autour du club grimpe. Plusieurs postes sont doublés. Le train de vie du club explose. Qui paie tous ces voyages effectués par «l’armée canadienne?» C’est le club, par le biais d’un compte provisionné par les investisseurs de la future nouvelle patinoire, dit Hugh Quennec sur les antennes de la RTS.

 

A la mi-septembre, ce fameux groupe d’une dizaine d’investisseurs est présenté aux autorités. Parmi eux se trouvent deux des plus grosses fortunes d’Allemagne (les groupes SAP et BMW). De quoi aller vite et bien de l’avant, se dit-on. Confiant, toujours, Hugh Quennec se risque même à déclarer que d’ici à la fin de cette saison, il sera en mesure de communiquer la date du premier match au Trèfle Blanc. La saison est terminée, et l’examen du dossier déposé auprès des autorités (Ville, Canton et Communes) — une formalité nous disait-on — n’est toujours pas terminé.

 

Hugh Quennec a beau déclarer que Chris McSorley demeure l’homme de la situation. Il a beau donner le change face aux caméras ou sous le regard des partenaires, il ne peut plus nier que le club est au bord de l’implosion après cette élimination. Selon plusieurs témoignages recueillis samedi soir, il ne semble plus du tout utopique d’imaginer que Chris McSorley puisse être démis de ses fonctions. Depuis plusieurs semaines, Hugh Quennec y songerait. Il aurait même en tête le nom de son successeur, un certain Hans Kossmann, ancien assistant de… Chris McSorley, et grand ami du président. C’est peut-être bien une révolution qui est en train de se tramer en coulisse. La guerre larvée qui oppose les deux ex-meilleurs amis, deux hommes qui s’étaient unis pour sauver le club après le départ du groupe américain Anschutz, ne peut plus être passée sous silence. Dans cet affrontement, tous les coups sont visiblement permis. Il apparaît aujourd’hui que Chris McSorley a été mis sous tutelle sur le plan technique. Jusqu’à, chose longtemps inimaginable, ne plus être libre de tous ses choix (alignement de Slater, engagement de Mike Santorelli, de Travis Ehrhardt)! Selon les témoignages de plusieurs joueurs, le triumvirat Quennec-Gillis-Henning aurait parfois agi dans le dos de l’entraîneur, prônant le noir là où Chris McSorley avait préconisé le blanc.

 

Fragilisé, secoué, l’homme qui a réinstallé le hockey à Genève ne souhaite pas jeter l’éponge. «J’ai l’envie profonde de continuer mon travail à la tête de cette équipe», nous dit-il. Et son président? S’il lui venait vraiment l’envie de prendre le pouvoir intégralement, avec sans doute à nouveau la volonté de franchir un palier, Hugh Quennec devrait y mettre le prix. Celui des indemnités (on parle de trois millions minimum) dues à un coach au bénéfice d’un contrat en or. Mais aussi celui de l’impopularité.

 

Osera-t-il manger son coach, d’un seul coup?

 

L’essentiel

 

Echec sportif Sorti en quart de finale des play-off, Ge/Servette n’a pas atteint ses objectifs. Il fait moins bien que lors des trois saisons précédentes (demi-finales).

 

Turbulences Avec l’arrivée de Canadiens en juin, le club a fait sa révolution. Avec pour conséquence un climat tendu en coulisse.

 

Changement A Genève depuis l’été 2001, Chris McSorley n’est plus intouchable. C’est une véritable révolution.