L’ex-joueur de Lugano a changé. Il n’a pas marqué un but contre son ancien club mais pour les Aigles, qui gagnent en équipe
«C’était déjà un match de play-off!» Dans les gradins, le public des Vernets a apprécié le show des Aigles, samedi soir. Comme cette huitième minute où il y a eu, pour le buteur, un tonnerre d’applaudissements. Parce que, lorsqu’il a trompé le brillant portier letton d’outre-Gothard, qu’il a logé le puck dans le dos d’Elvis Merziklins, son regard ne s’est pas tourné du côté du banc des Luganais. Juraj Simek laisse aujourd’hui ce jeu d’ego pour les enfants. Il n’y a eu aucun sentiment de revanche chez lui. Son premier réflexe a été de se jeter dans les bras de Kevin Romy et de tous ses coéquipiers servettiens. Et de saluer ses fans…
L’égoïsme, c’est fini
Depuis son retour aux Vernets, le No 14 a changé. «Pour moi, Lugano c’est de l’histoire ancienne, c’était un match comme un autre, je regarde devant moi et si je marque c’est pour aider l’équipe!» Ce n’est plus l’attaquant égoïste qui ne pensait qu’à lui avant de s’en aller jouer les divas à la Resega.
Comme ce fut déjà le cas le 19 janvier dernier face à Berne lorsqu’il a offert le quatrième but à Damien Riat, il préfère désormais la fourmi à la cigale, un service à un Grenat mieux placé plutôt que de faire trembler les filets d’une cage vide.
C’est donc lui, Juraj Simek, qui a ouvert la voie du succès à des Genevois solides et solidaires, qui sont allés chercher une victoire bien méritée. Avec une bande décimée, mais avec un cœur de vainqueur en prolongation. A l’instar de Matthew Lombardi qui, le dos en compote, a serré les dents, ou de Matt D’Agostini. Un hockeyeur n’est pas un sportif comme les autres. Faut-il rappeler qu’Arnaud Jacquemet a joué trois parties avec la nuque bloquée avant de jeter l’éponge la mort dans l’âme?
La Coupe Stanley, le déclic
Avec un Robert Mayer dans un état de grâce (comme la veille…), les Genevois ont trouvé des ressources insoupçonnées pour passer l’épaule face à de redoutables Tessinois, si impressionnants lorsque Petersson, Martensson et Klausen unissent leur talent en compagnie de Hofmann et Lapierre, tout aussi efficaces. Mais malgré les étranges décisions arbitrales de Didier Massy (l’ancien joueur… luganais), c’est une véritable équipe qui a fait la différence, samedi.
«Après notre défaite vendredi à Zoug, on a tout de suite retrouvé notre confiance, s’est réjoui Juraj Simek. Dans l’équipe, tout le monde joue l’un pour l’autre. Le hockey est un sport collectif. S’il y a des blessés ou des gars qui sont diminués, on donne encore plus. On a un beau vestiaire, on rigole beaucoup. Et même si sur le papier on semble moins bien armé que notre adversaire, en évoluant ensemble on se sent très fort. Et ce n’est pas parce que nous sommes en vert sur le Teletext que l’on va s’arrêter là…»
Se retrouvant sans club après avoir été remercié par Lugano, Juraj Simek a traversé une sale période de sa vie. Il a pris, comme l’on dit, une bonne baffe, de celles qui font réfléchir. Le fait de devenir père l’a, aussi, aidé à partager. A grandir. «C’est juste, mais si je ne suis plus le même aujourd’hui, c’est surtout grâce à un voyage que j’ai effectué en mai aux Etats-Unis, explique le No 14 du GSHC. J’ai vu la finale de la Coupe Stanley et, quand j’ai observé le jeu de Kane ou de Hossa, je me suis dit que Chris McSorley avait raison. Il fallait que je change mon jeu pour être plus utile à l’équipe. J’ai compris que ce n’est pas moi qui détenais la vérité, compris que je devais jouer dans les deux sens de la patinoire pour être plus performant. Cela paie aujourd’hui…»
Auteur du deuxième but égalisateur, celui qui a permis aux Aigles de jouer la prolongation, Kevin Romy, lui aussi ancien joueur de Lugano, a surtout savouré cette 27e victoire de la saison après la réussite de Rubin. «Tout le monde a travaillé dur et à la fin c’est un plaisir de prendre ces deux points, affirme le Neuchâtelois qui s’est lui aussi effacé pour mettre en valeur le groupe. J’ai un rôle plus défensif à tenir, où on laisse beaucoup d’énergie. Quand des leaders manquent à l’appel, d’autres haussent leur niveau de jeu et c’est cela qui fait la différence. Il y a une très bonne entente dans le vestiaire et une bonne concurrence à l’entraînement. C’est ainsi que l’on aura du succès. En play-off, les détails vont être décisifs. On n’a peut-être pas les meilleures individualités du championnat mais un groupe qui travaille en équipe. Il y a quatre lignes performantes.» Romy a connu ça, avec Lugano, où il avait été champion…
«Je suis fier de lui et de tous mes joueurs!» Chris McSorley tape sur l’épaule de Florent Douay, auteur, comme Juraj, Kevin et tous ses camarades d’un gros match, samedi. Dans l’attente de retrouver Jim Slater (qui a encore des maux de tête suite à sa commotion), Ge/Servette affrontera Lausanne vendredi aux Vernets et Gottéron à Fribourg, samedi. Avec un air de play-off…
Le rêve de Marouane
«C’était génial!» Amputé de la jambe (au-dessus du genou) à la suite d’un cancer, Marouane, 10 ans, a vécu un beau rêve, tout en couleurs: se retrouver avec les joueurs de Ge/Servette sur la patinoire des Vernets devant plus de 6000 spectateurs. Inoubliable. «J’aime beaucoup Eliot Antonietti et Goran Bezina, ce sont mes préférés. Et aussi…» En fait, le petit Genevois les aime tous, «ses» héros. Il est fou de hockey et des Aigles, «depuis toujours», dit-il. «Cette semaine, je suis allé à l’entraînement et Florent Douay m’a porté sur la glace pour que je puisse marquer des goals!» renchérit ce garçon tellement attachant et si courageux, qui avait déjà participé au dernier marathon de Genève dans une Joëlette. Depuis le mois de septembre, il a patiné chaque mercredi avec Vincent, junior en Novice Top, pour être prêt ce samedi. «On lui a confectionné une prothèse qui puisse lui permettre de mettre un patin, ce qui n’était pas évident», précise Carole Lauk, qui se bat, avec son association «Courir ensemble», depuis plus de neuf ans pour améliorer le quotidien et le cadre de vie des enfants de l’hôpital des enfants de Genève atteints de cancers. «C’était un bon match, on a gagné et le hamburger était très bon», a encore dit ce petit bonhomme qui a vraiment aimé ce rêve grenat…