26 mars 2016

Ge/Servette a choisi de ne pas répondre aux Tessinois dans cette demi-finale. Une attitude qui semble déboussoler son adversaire

 

Quelle ambiance pourrie. Détestable. « Ce n’est rien, mon fils. Tu sais, cet homme aux cheveux gris pourrait être ton grand-père. L’autre, avec la veste bleue aussi. Son voisin de derrière, également. Oui, il a sans doute bu un peu plus que de raison. Et c’est sans doute pour cela qu’il éructe en permanence. C’est pour cela, qu’il te dévisage avec de la haine dans les yeux. Tu parles français un peu fort. Chut ! Il a oublié qu’il avait eu ton âge et qu’il aimait le hockey… Tu es arrivé au Tessin avec plein d’étoiles dans les yeux. Tu es reparti avec mille questions. Tu te souviendras de ta soirée d’anniversaire. Lugano aussi… »

 

Bienvenue à La Resega, le repaire de la Panthère. Bienvenue dans cette patinoire qui vénère Maxim Lapierre. Bienvenue en enfer. Voilà le message que les tifosi ont fait passer jeudi soir à l’occasion de l’acte IV des demi-finales des play-off. Après avoir pris l’avantage aux Vernets, contre le cours de la série, pourrait-on dire, Lugano avait l’occasion assez unique de faire le break. Il comptait donc sur ce public chauffé à blanc, rouge de rage, noir de colère, pour déplumer Ge/Servette.

 

Mainmise sur le jeu

 

Rien n’a fonctionné comme prévu. Et c’est logiquement les visiteurs qui ont remis la main sur la série en égalisant à 2-2 et en reprenant l’avantage de la glace. Plus rapides, plus courageux, plus costauds, plus organisés, les Aigles n’ont rien volé pour s’offrir un deuxième succès dans une patinoire qu’ils détestent pourtant. On l’a dit. On le répète. Depuis le début de cette série, c’est en quelque sorte Ge/Servette qui distribue les bons et les mauvais points. Avec une constante invariable : il a la mainmise sur le jeu.

 

Par choix frileux, Lugano a décidé d’attendre. Par choix plus audacieux, Ge/Servette a décidé de prendre. Prendre l’ascendant sur la glace. La statistique des tirs cadrés a été très largement en faveur des Genevois lors des quatre premiers actes (183 à 109 au total). Prendre sur soi quand la faillite personnelle entraîne la faillite du groupe, comme lors des actes I et III, quand les cadeaux se transforment en défaite rageante. Prendre des coups, enfin, c’est le jeu qui veut ça, paraît-il…

 

Jeu de mains, jeu de vilains pourrait-on dire tant Lugano semble être incapable de se maintenir du bon côté de la ligne. Emmenés par un trio infernal, les Tessinois se sont sortis du match tous seuls, comme des grands. Il y avait tout pour bien faire devant ce public bouillant. Mais c’est bien Ge/Servette qui est resté de marbre tandis que Lugano perdait la tête et les pédales.

 

Lapierre explose en vol…

 

« On sait que cette série se joue là-dessus, dit Tim Kast, sublime buteur à 4 contre 5. Si nous parvenons à garder nos nerfs et à ne pas commettre d’erreurs, nous avons démontré que nous étions capables de poursuivre notre route. Nous sommes tombés une fois dans le piège, c’est bon. On a compris que ce cirque ne rime à rien. » A ses côtés, Arnaud Jacquemet savoure et approuve les propos de son compagnon de chambre. « Je crois que Tim a été très bon car il est très bien accompagné à l’hôtel. Non, plus sérieusement, on a vu ce soir des gestes qui n’ont rien à faire sur une patinoire, c’est sûr. Mais c’est vrai que c’est les play-off et que tout augmente. »

 

Tout va plus vite, plus fort, plus loin. Trop loin sans doute. « Nous ne sommes pas des anges, reconnaît Goran Bezina, capitaine exemplaire jeudi soir. Mais j’estime que nous ne dépassons pas certaines limites. » Il faudra un jour se pencher sur le cas de Maxim Lapierre. Survolté, le Québécois a explosé en vol…

 

« Il parait que c’est les play-off, mon fils. Il paraît que c’est ainsi. Maxim Lapierre est adorable en dehors de la glace. Alors, il faudrait l’excuser… »

 

La guerre des images

 

Les play-off se jouent aussi en coulisses. Guerre des mots et guerre des images. Cette saison, c’est le Canadien Stéphane Auger qui livre son verdict après visionnement des images. Fort de cet avis «neutre», le juge unique Reto Steinmann décide du montant de la facture. Pour Noah Rod, il a estimé que le match recommandé par Stéphane Auger était trop bon marché. Bilan: quatre matches contre Noah Rod pour une charge à la tête qui n’en était pas une. Ge/Servette a fait appel auprès de la Ligue. En vain. Il a ensuite porté l’affaire devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), à Lausanne. Selon nos sources, le dossier ne sera pas traité avant lundi, jour du match VI. D’ici là, le joueur aura purgé l’entier de sa peine. A quoi bon poursuivre l’action ?

 

Hier matin, une autre mauvaise nouvelle a atterri sur le bureau de Chris McSorley. Un fax de la Ligue nationale l’informait que Floran Douay était suspendu pour un match suite à un coup de crosse au visage de Linus Klasen. Une décision logique (la faute existe) qui a stupéfait par sa rapidité. Ge/Servette aurait bien voulu pouvoir bénéficier de cette promptitude d’action. Car il avait lui aussi du « biscuit ». « Nous avions noté pas moins de huit situations litigieuses qui auraient mérité un examen par le juge », dit Louis Matte. Alors? « Hormis pour un seul cas, nous n’avons aucune image montrant des ralentis des actions commises sur nos joueurs ! C’est la première fois que cela nous arrive et ce n’est pas possible que cela soit un hasard. » Visiblement, la RTSI qui produisait les images a choisi « ses » ralentis et « ses » angles de caméra. « Nous avons écrit à la Ligue pour qu’elle prenne ses responsabilités et exige de la RTSI qu’elle fournisse l’ensemble des prises de vues comme c’est à chaque fois le cas. Ces images sont conservées dans leur serveur. Sans cela, il nous est impossible de constituer un dossier qui tienne la route. » La Ligue sera-t-elle aussi prompte à réagir dans ce cas qu’elle l’a été pour punir Floran Douay ? Il est permis d’en douter.