Malgré de nombreux joueurs grippés, les Servettiens se sont offert le scalp du champion pour égaliser dans la série
Alors que la fièvre s’est emparée hier soir des Vernets, même les microbes se sont montrés impressionnés par la force de caractère des Servettiens. Tout champion qu’il est, aussi fort soit-il, le Zurich de Marc Crawford a dû s’avouer vaincu.
Si le premier acte avait pourtant redonné un gros appétit aux Lions (5-2) après un quart de finale poussif face aux Biennois, il n’avait pas coupé les ailes d’un Aigle royal, tout simplement impérial lors d’un premier tiers de folie…
«C’est une victoire au courage, savoure Chris McSorley, si fier de ses joueurs. Car beaucoup d’entre eux n’auraient jamais dû jouer ce soir…»
En effet, avant que MM. Vinnerborg et Wehrli ne donnent le coup d’envoi de cette deuxième partie explosive, dans le camp des Servettiens, on n’en menait pas large du tout.
«Dans le vestiaire, il y a deux camps qui se sont formés, rigole Noah Rod. Les malades d’un côté et les autres à l’extrémité, avec Rubin qui nous fuit comme la peste!» Après Louis Matte (mardi), Jonathan Mercier et Timothy Kast (mercredi), c’était hier au tour de Taylor Pyatt et Aurélien «Jimmy» Omer (l’aiguiseur de patins) de rester au lit, grippés. Mais le virus avait aussi contaminé Goran Bezina, Noah Rod, Cody Almond, Jeremy Wick, Arnaud Jacquemet et Gauthier Descloux. Pris de crampes à l’estomac, ils ont souvent été contraints d’effectuer des allers-retours aux toilettes. Or on est en play-off, pas question de renoncer. Un hockeyeur, surtout à Genève, n’est décidément pas fait comme les autres. Ils ont serré les dents et sont repartis au combat, le feu aux fesses!
Après les blessures de Matthew Lombardi, de Kevin Romy et de Chris Rivera, la suspension de Robert Mayer, celle de Jeremy Wick, rien n’aura vraiment été épargné à ces incroyables Servettiens, tous ces héros.
Montré du doigt avant d’être renvoyé au coin à Zurich, Robert Mayer a su d’emblée relever la tête. Cela lui était déjà arrivé à Lugano lors du premier match des quarts de finale. Le portier des Aigles, qui avait «oublié ce grain de sable», avait hier des serres de rapace pour faire face à l’adversité. A l’image de tous ses camarades, il s’est vendu comme pour mieux se racheter, même si Marc Crawford et les Zurichois ont tout essayé pour qu’il craque encore une fois. «Vous pouvez être certain que les consignes du coach du Hallenstadion vont être de le provoquer et de le déstabiliser», estimait Gianluca Mona dans Le Matin . Mais ils n’ont pas eu le temps: les Genevois ont pris d’emblée le champion à la gorge inscrivant quatre buts en seize minutes, avec, à la baguette, un Romain Loeffel intenable et un Matt D’Agostini taille patron, la lame fatale. Sans oublier Bezina et Rod, jouant comme des malades!
Cette fois-ci, dans un nouveau remake de l’arroseur arrosé, c’est l’autre gardien, celui des Lions, Lukas Flüeler, qui a sombré corps et âme. Son remplaçant, Urban Leimbacher, tout aussi fébrile, a encore fait pire avant de quitter dégoûté la cage.
Si tout a été parfait durant deux tiers pour ces Servettiens en état de grâce, comme samedi au bord de la Limmat, la fin a failli finir en queue de poisson, avec des Genevois qui n’avaient plus de jambe…
Comme son homologue lors de l’acte No 1, c’est furieux que Marc Crawford a quitté les Vernets, demandant à l’Ontarien quel traitement il avait pu administrer à ses joueurs. C’est désormais 1 à 1 dans la série, la suite c’est samedi.
Bezina et Rod ont marqué avec leurs tripes (par Benjamin Berger)
«Le meilleur remède pour tous les problèmes, c’est la patience.» La citation du dramaturge Plaute ne pouvait pas mieux résumer la situation dans laquelle se trouvaient Goran Bezina et Noah Rod hier soir. Grippés et «diminués de 50%» selon la nutritionniste du GSHC, Ella Ödman, le capitaine et son jeune compère ont ainsi puisé dans leurs dernières forces – quitte à y laisser leurs tripes – pour inscrire leurs noms au tableau des buteurs. Et il faut dire que cela faisait bien longtemps que cela ne leur était pas arrivé! Trop longtemps. Bezina n’avait en effet plus levé les bras au ciel depuis le 12 décembre lors d’une rencontre aux Vernets face à Ambri. Le No 57 des Aigles aura ainsi traversé 18 matches et quelque 1118 minutes sans marquer.
Il faut remonter encore un peu plus loin pour se remémorer une réussite du jeune Noah Rod (18 ans). La dernière fois que l’attaquant avait vu l’un de ses tirs terminer sa course au fond des filets, c’était le 4 décembre à domicile face au Lausanne HC. Le natif de La Chaux-de-Fonds aura, lui, patienté 990 minutes et disputé 16 parties pour laisser éclater sa joie.
A l’heure de l’interview, Goran Bezina n’avait plus les forces nécessaires pour se présenter devant les médias et s’est réfugié aux vestiaires. C’est donc un Noah Rod à bout de souffle qui s’est arrêté pour répondre à nos questions avant de filer au lit sans passer par la traditionnelle case qu’est le pub McSorley, où fans, joueurs et membres du staff se retrouvent généralement après les rencontres. «Je suis vidé, détruit, a lâché le No 96. J’ai vomi entre chaque tiers, cette soirée a été pour le moins compliquée…»
Au courage, Rod était toutefois un homme heureux: «Nous sommes allés chercher ce résultat avec les tripes. Au moment d’entrer sur la glace, il faut oublier les petits bobos et les problèmes de santé, sinon on va droit dans le mur. C’est aussi ça, les play-off.»
Un jeudi de rêve sur la route du titre (par Thierry Mertenat)
Un premier but gag pour détendre l’atmosphère, un deuxième pour se donner confiance et un troisième pour lancer le «Nous sommes Servettiens et nous allons gagner». Chant rassembleur, puisé dans le répertoire des soirs de victoire. Il met parfois plus de temps à se faire entendre. Hier, après dix minutes de jeu, la tribune nord, celle des supporters qui ne s’assoient jamais, avait déjà réussi à faire se lever la patinoire entière. Gradins à l’unisson, y compris les loges VIP et leurs bulles de champagne. Même de cet endroit privilégié, où l’on voit mieux le puck qu’on ne le sent, les vibrations étaient bonnes.
Bref, un jeudi de référence, dans un quartier du centre-ville en effervescence culturelle et sportive.
Après avoir passé une partie de la journée à compter les camions de pompiers faisant des rotations entre la caserne principale et le feu de la Praille, les habitants de la Jonction sont sortis vernir leurs galeries, avant de transhumer jusqu’à la patinoire. Deux publics distincts, qui partagent le même trottoir à la nuit tombante. Promiscuité amusante le long d’une rue des Bains surpeuplée: au «Vous faites quoi?» des uns répond le «Vous allez où?» des autres.
La réponse fuse dans la bouche des plus optimistes: «En finale du championnat suisse de hockey sur glace!» Ils traversent en vainqueurs le pont Wilsdorf sur le coup de 22 h 30. Le troisième tiers a été un peu crispant. Le quatrième qui commence se joue sur les terrasses de la rue de l’Ecole-de-Médecine. Elles ont deux saisons d’avance sur l’été. Ambiance de fan zone. Au jugé, entre 1000 et 2000 personnes. Du travail pour les chuchoteurs.
Aux abords des Vernets, les gens ne sont pas pressés non plus de rentrer chez eux. Derrière son bar, Marion remplit les verres consignés. «Je n’ai pas besoin de demander le résultat. Ce soir, on a gagné: c’est sur tous les visages.»