20 septembre 2018

Mais qui est le nouveau président de Ge/Servette? Portrait d’un avocat genevois qui espère retrouver du plaisir cette saison

 

L’an dernier, il était encore dans les tribunes, à hocher la tête et se lamenter sur le piètre spectacle offert par son équipe préférée. Combien de fois a-t-il pesté, promettant que c’était la dernière fois, qu’on ne le reprendrait pas de sitôt? «Ma compagne, Sophie, me disait: «Mais arrête d’y aller si c’est pour t’énerver pareillement!» Laurent Strawson n’a pas réussi à bouder très longtemps son plaisir: le voilà désormais président du comité d’administration de ce Ge/Servette qu’il soutient depuis plus de quarante ans. «Là, je suis assez optimiste pour cette nouvelle saison. Mais il reste encore passablement de travail.» On l’a vu mardi à Viège, en Coupe de Suisse…

 

Celui qui a succédé ce printemps à François Bellanger espère surtout qu’avec le retour aux affaires de Chris McSorley, le bon peuple des Vernets va vite retrouver des émotions. Pour cela, il entend insuffler un peu d’air frais aux Vernets.

 

Dans un magasin de fleurs

 

Laurent Strawson est un avocat de la place de 56 ans. D’origine anglaise, il a cependant toujours vécu à Genève. «J’ai un parcours assez classique, avec une scolarité dans une école internationale privée. J’ai ensuite poursuivi mes études de droit avec un passage furtif en sciences économiques», confie celui qui était davantage foot ou tennis que hockey sur glace avant d’entrer dans ce magasin de fleurs de Florissant, où un supporter des Aigles l’a contaminé.

 

«Il m’a emmené à un match et je n’ai pas pu faire autrement que d’y retourner.» Cupidon l’a touché en plein cœur dans les années 80, quand Ge/Servette était en première ligue et qu’il n’attirait que 800 spectateurs dans la patinoire. À l’époque, Laurent Strawson ne savait pas patiner. Aujourd’hui non plus, d’ailleurs. «Et c’est mon plus grand regret», sourit ce passionné qui a même été vice-président entre 1998 et 2007, lorsqu’un certain Chris McSorley a débarqué à Genève (en 2001).

 

Comme un vieux couple

 

Autant dire qu’avec le temps, les deux hommes ont appris à s’apprécier. Et à se dire leurs quatre vérités. Il y a eu, forcément, des hauts et des bas dans leur relation. «Je reconnais que, parfois, le fan que je suis toujours resté a pensé que Chris, après quinze ou seize ans derrière le banc, se reposait peut-être sur ses lauriers. Sans concurrence, dans un contexte compliqué où il était copropriétaire avec Quennec, sa situation était devenue bancale. Moi, comme beaucoup d’autres dans les gradins, je pensais qu’on avait besoin de sang neuf. Mais on a vite compris que Chris, avec tout ce qu’il représente à Genève, était incontournable, surtout par sa capacité à intégrer les jeunes, l’un des objectifs de la fondation.»

 

Le retour de «Jésus Chris» s’est donc imposé comme une évidence. «Quand on lui a annoncé qu’il reprenait l’équipe, il était dans un tel état d’excitation qu’il a eu des larmes, sourit son boss. Je pense que prendre du recul lui a fait du bien, même si on l’a traité comme un moins que rien, déplore Strawson. Mais c’est quelqu’un d’intelligent, il a su se remettre en question. Aujourd’hui, il a toute notre confiance, même si c’est désormais un coach comme un autre.» Autrement dit, si l’entraîneur et directeur sportif des Grenat a signé un contrat jusqu’en 2023, rien n’empêche Laurent Strawson et le CA de s’en séparer avant. «Il a des comptes à régler comme n’importe quel salarié», précise cet avocat spécialisé dans le droit commercial, immobilier, bancaire et de la construction.

 

C’est sans trop hésiter que ce proche de la Fondation 1890 a accepté la présidence. «La qualité de l’actionnaire et le fait que je connaisse bien Didier Fischer ont fait que les choses se sont ficelées tout simplement, sans exigences et sans condition, renchérit Strawson. Ge/Servette va fonctionner comme n’importe quelle autre société anonyme. On va s’impliquer quotidiennement dans la vie du club et en étant attentif au budget. Il n’y aura pas un centime dépensé sans notre accord.»

 

S’il va devoir aussi serrer des mains dans les zones VIP ou parler à des partenaires, Laurent Strawson, contrairement à Hugh Quennec, ne va pas s’installer dans les bureaux du club. «Même si je ne suis pas contre le fait d’aller parfois féliciter les joueurs dans le vestiaire, je n’ai aucun intérêt dans le club, si ce n’est qu’il se porte bien. Mon rôle est de redorer l’image, c’est tout.»

 

Nouvelle patinoire

 

Il veut aussi faire en sorte que le projet de la nouvelle patinoire se concrétise au plus vite. «Mais pour pouvoir parler de fiançailles et de mariage avec des investisseurs que je ne connais pas, on veut autre chose que des lettres d’intention. J’aurai confiance le jour où on aura un vrai contrat d’engagement financier sur la table. Il y a de l’argent qui doit être remboursé…» S’il se lamente des lenteurs concernant le site du Trèfle-Blanc, le président se réjouit que cette saison commence enfin…

 

Carte de visite

 

Nom Strawson.

Prénom Laurent.

Né le 28 octobre 1962 à Genève.

Profession Avocat spécialisé dans le droit commercial, de l’immobilier, bancaire et de la construction.

Études de droit, avec «un passage furtif» en sciences économiques.

Trajectoire de dirigeant Au comité de Ge/Servette de 1997 à 2006, sous la présidence de Marco Torriani. Il y défend notamment, dans sa fonction d’avocat, les intérêts du club. Après avoir mis entre parenthèses le hockey durant quelques années (il est demeuré supporter du club), il devient président du comité d’administration de Ge/Servette le 23 mars dernier. 

 

«Une qualification en demi-finales»

 

Laurent Strawson en est convaincu: «Même avec le départ de Romain Loeffel à Lugano, les Grenat tiennent bien la route.» Le président est persuadé que les autres défenseurs, à commencer par «un Tömmernes exceptionnel», sauront élever leur niveau. Pour le Genevois, content du recrutement, les adversaires des Aigles vont à nouveau craindre de défier la bande à McSorley. «Notre but est de faire mieux que l’an passé, septième ou un peu plus haut, avec une qualification en demi-finales», résume l’administrateur. Pour la fondation, qui décide de la stratégie du club, l’objectif est clair: «Nous avons une vision sur trois ans avec des priorités, explique Strawson. Celles de redorer une image écornée, de récupérer des abonnements qui ont chuté, des sponsors qui nous ont quittés et de faire le maximum sportivement tout en intégrant sur la glace des jeunes tels que Guillaume Maillard, Neil Kyparissis, Enzo Guebey, ainsi que les deux Lettons, tous champions de Suisse au printemps avec les juniors Élite.»