Entraîneur des derniers remparts de Ge/Servette, Sébastien Beaulieu a agrandi son académie pour le bien de ses portiers
Quand il a débarqué à Genève, en 2003, c’était encore un «vieux rêve» logé dans un coin de sa mémoire. Or, à force d’y penser et d’en parler, il est devenu réalité. Sébastien Beaulieu a fini par construire «sa cabane du Canada», en Suisse; tout un programme. Le centre Beaulieu Keeper Performance (BKP) est ouvert onze mois sur douze. Physique, psychisme, technique et tactique, quelle bénédiction pour tous ses gardiens. Pour eux, c’est un ange…
«Ça existe depuis septembre 2010! sourit leur bienfaiteur. Ici, c’est comme une académie de tennis, on fait ce qu’on a envie à la vitesse qu’on veut…» Cinq ans déjà que des portiers, débutants ou confirmés, défilent rue Eugène-Marziano aux Acacias pour se plier en deux et se mettre, durant une bonne heure, en cage.
«On a passé du temps ici avec Tobias Stephan, caché tous les deux à travailler sa mitaine!» se marre le maître des lieux. A l’intérieur, cela ressemble à une patinoire, mais le sol n’est pas glacé. Juste une structure synthétique de 84 m2 posée dans un local. Il y a aussi un espace fitness, une caméra vidéo pour analyser les mouvements des goalies, un écran TV et des bureaux sur une mezzanine. Et voilà le travail!
Rattrapé par sa passion
«Comme je suis assez indépendant dans ma manière de travailler, j’aime bien être tranquille et contrôler mes athlètes», explique ce Québécois de 39 ans, qui a toujours besoin de plus de temps de glace pour faire progresser ses cerbères. Au vu du «monstre succès», il a fallu agrandir sa petite entreprise, qui ne correspondait plus à ses besoins et à ceux de son staff d’entraîneurs.
Avec des contrats en France, en Allemagne, en Belgique et ailleurs en Europe, le mentor s’est entouré d’un personnel compétent. Fabien Hecquet et Mathieu Fernandez sont ses adjoints qui lui permettent de stabiliser la société. «On était trop nombreux dans un lieu devenu trop petit, du coup on a fait la version 2.0 de BKP», précise le Canadien.
Fan des Nordiques de Québec, «Séb» a toujours eu un faible pour ces Marsupilamis tout recroquevillés. Il appréciait Daniel Bouchard, «le premier gardien à jouer papillon, sur les genoux» et son équipement. Il aurait tant voulu se retrouver lui aussi devant une cage en NHL. Quand il fermait les yeux, il s’ouvrait les cieux, mais on ne l’a pas entendu: «Je n’étais pas assez grand pour réussir une carrière, regrette ce bon élève qui aurait pu devenir pharmacien si sa passion du hockey ne l’avait pas rattrapé. A la base, il était prévu que je sois quelqu’un d’intellectuel et j’ai finalement fait un métier bien différent.»
Remonter le temps
S’il avait le pouvoir, il entrerait dans une machine pour remonter le temps. «Que ce soit les pros ou moi-même, on aurait tous voulu pouvoir bénéficier de cet outil quand nous étions encore juniors, renchérit celui qui est fier aujourd’hui de voir tous ces gardiens de 15 à 20 ans, Genevois ou Vaudois, qu’il a formés et qui se retrouvent aujourd’hui en équipe nationale. On exploite le talent au maximum, poursuit-il. J’ai l’impression qu’on va manquer d’équipes professionnelles pour tous ces gardiens-là. On a le sentiment d’être des rouleaux compresseurs en créant un nombre impressionnant de bons portiers.»
Aujourd’hui, cette structure, qui accueille des élèves à partir de 7 ans, a fait des petits et des émules, à Zurich, La Chaux-de-Fonds et Fribourg. Mais BKP demeure le plus complet, le meilleur. «Il y a bien sûr un coût pour les parents, précise Sébastien Beaulieu. Cela fonctionne comme un abonnement de fitness. Mais quand je vois la demande, j’ai l’impression que les gens sont contents…» Dans ce beau lieu, les gardiens sont comme dans un rêve…
«En Suisse, il n’y a pas meilleur…»
De Gianluca Mona à Robert Mayer, en passant par Tobias Stephan. Mais aussi Cristobal Huet, Benjamin Conz, Gauthier Descloux, Christophe Bays et Léo Chuard: ils sont tous passés par BKP entre ses mains d’expert. Réactions pêle-mêle de portiers unanimes sur les qualités de Sébastien Beaulieu…
«Au début, ce centre a été créé pour rigoler et voyez le résultat aujourd’hui, sourit Mona, désormais membre du conseil d’administration de BKP. J’ai été son premier élève, son premier portier de LNA.» Et le Tessinois, qui n’était pas facile à gérer, d’avouer: «Il a fallu quelques mois pour qu’on apprenne à se connaître. Et au final, c’est devenu une belle histoire d’amour et une chance dans ma carrière de pouvoir travailler avec lui. Ce n’est pas un hasard si les gardiens viennent de partout en Europe pour profiter de sa méthode. Il possède une faculté d’adaptation phénoménale.»
International M20, Gauthier Descloux est tout aussi admiratif de son maître. «J’ai commencé à le côtoyer il y a deux ans avant d’arriver à Genève, lorsque j’évoluais encore à Sierre, explique le Fribourgeois. Ce n’est pas pour lui passer la pommade ou lui lancer des pétales de rose, mais en Suisse, il n’y a pas meilleur comme entraîneur de gardien. Si j’ai progressé, c’est parce que je travaille beaucoup. Mais aussi grâce à son acharnement sur les détails et à la structure BKP. Il recherche constamment la perfection. Egalement l’été sur la glace synthétique de son centre avec la caméra, cela nous permet de corriger certains détails mécaniques dans notre jeu.»
C’est aussi l’avis du jeune Léo Chuard (international M18) qui collabore avec Sébastien Beaulieu depuis dix ans: «Il m’a suivi dès les bambini et si je peux arrêter des pucks aujourd’hui c’est grâce à lui, assure le Genevois. Chaque fois que je vais sur la glace, je ressors toujours avec de la sueur sur le front et le sentiment de progresser. Il m’apporte beaucoup techniquement et mentalement.»
Et Robert Mayer, qui a aussi connu de bons coaches de gardiens à Montréal, reconnaît avoir élevé son niveau avec le Québécois. «Je me sens en net progrès avec lui, comme le jeu autour du filet ou quand je suis masqué. Notre travail commence à porter ses fruits.»