C’est la bonne nouvelle de la rentrée: le Canadien est remis de sa commotion. Il sera aligné ce soir contre La Chaux-de-Fonds
C’est un mal sournois. Invisible. Impalpable. Il survient sous les feux des projecteurs et plonge souvent la victime dans des abysses d’incertitudes, de douleurs aiguës. La commotion cérébrale fait partie du métier de hockeyeur, diront la plupart des acteurs du milieu. Il y a souvent une part de malchance quand le sort s’acharne sur l’un ou l’autre de ces gladiateurs modernes.
Comme tous les clubs, Genève-Servette connaît son lot de joueurs touchés au gré des charges viriles mais souvent correctes. Mais lors des derniers play-off, c’est une véritable ribambelle de cerveaux ébranlés qui a alimenté la chronique. Lors du dernier match contre Zurich, en demi-finale, cinq patineurs grenat étaient aux abonnés absents. Matthew Lombardi, Chris Rivera, Alexandre Picard, Noah Rod et Taylor Pyatt étaient tous atteints à des degrés divers. Il est vite apparu que pour les deux premiers, la saison était terminée depuis longtemps.
«Pour moi, c’était le 28 février, à l’occasion du premier match des séries finales, se souvient Matthew Lombardi. C’était lors d’une action de la deuxième période. Une charge très lourde que je n’ai pas revue. Je ne sais même pas qui en a été l’auteur. Je me blesse lorsque ma tête heurte le plexiglas. Mais sur le coup, je ne prends pas compte de la gravité de la chose. Je termine même le match.»
Un mal sournois
C’est un mal sournois, on l’a dit. Il fauche souvent l’infortuné le lendemain ou le surlendemain. Maux de tête, nausées, vertiges; la lumière est insupportable, le moindre bruit s’apparente à un uppercut au menton. «C’est une blessure pénible car il est impossible de savoir quand ça ira mieux, raconte l’attaquant canadien de 33 ans. Il n’est jamais possible de fixer une date de retour. Il faut juste être patient. Mais au quotidien, la situation n’est pas simple non plus. Tu es transformé par la commotion et pour les proches, il est parfois difficile de comprendre. Je suis père. Et pendant plusieurs semaines, je ne pouvais plus assumer ce rôle comme je le faisais d’ordinaire.»
La frustration sportive et familiale comme une sorte de double peine. «J’ai la chance d’avoir pu compter sur mon club et sur ma famille pour m’aider à traverser trois mois très difficiles, témoigne le No 10 des Aigles. Ma femme a été extraordinaire. C’est la troisième fois que je subis une commotion et elle sait quelles peuvent en être les conséquences. Son aide a été très précieuse.»
Pendant les play-off, une sorte de secret-défense est instauré par les clubs. Impossible, ou presque, de connaître l’état de santé réel des joueurs. A propos de Matthew Lombardi, les rumeurs alarmistes se faufilent dans les couloirs des Vernets. Il est question de fin de carrière. Comme ce fut le cas pour Brian Pothier, brillant défenseur américain ébranlé pour le compte lors de la saison 2011-2012. Son dernier maillot, floqué du numéro 2, aura été grenat. Quid du No 10?
Rassuré par les médecins
«Je n’ai jamais envisagé ce scénario du pire, explique Matthew Lombardi. Les médecins, les neurologues que j’ai consultés m’ont rassuré assez rapidement. Je devais juste être patient. Quand tu as une commotion, il est aussi très important de rester positif moralement. Cela peut aider dans le processus de guérison. D’ailleurs, je veux maintenant penser à autre chose et retrouver le plaisir simple de jouer. Je parle une fois de ces blessures et après je passe à autre chose.»
Sur la glace, il virevolte. Comme à ses plus belles heures en grenat. Comme lors de cette saison 2013-2014 durant laquelle il faisait la paire avec Kaspars Daugavins. «Oui, c’est cela, j’espère rejouer à ce niveau pour effacer définitivement la saison passée, qui n’a pas été simple. Pour le moment, tout se passe bien, c’est vrai. Chaque été, il y a une excitation lorsque la reprise approche. Et cette année, le retour sur la glace a une saveur particulière puisque cela faisait depuis le 28 février que je n’avais plus patiné avec les gars. Je ressens une belle énergie dans ce groupe.»
Son sourire serait presque sournois. Il est en tout cas bien visible. «Le club s’est installé dans le top 4 de la ligue depuis deux saisons. Je vais tout faire pour lui permettre de consolider cette position et même de l’améliorer.» Pour Matthew Lombardi, tout recommence ce soir. Un premier shift contre La Chaux-de-Fonds, ça peut aussi susciter son lot d’émotions pour qui revient de loin…
Trois commotions
2004 Au deuxième tour des play-off de NHL, Matthew Lombardi subit son premier gros choc à la tête lorsqu’il évolue avec Calgary, futur finaliste de la Coupe Stanley (battu par Anaheim). Il récupère au bout de quelques semaines mais la saison suivante est marquée par un lock-out.
2010 Il vient de signer un joli contrat de trois ans avec les Nashville Predators (10,5 millions de dollars sur trois ans). Lors du deuxième match de la saison, le 13 octobre, face aux Blackhawks de Chicago, il est déséquilibré par un adversaire et heurte la bande avec la tête. Cette deuxième commotion est la plus sévère et le tiendra éloigné des patinoires pendant un an!
2015 Le 28 février à Lugano, il est chargé contre la bande. Il termine ce premier acte des quarts de finale des play-off malgré le choc. Sa saison s’achève. Il lui faudra trois mois avant de rechausser les patins, chez lui au Canada.
Une première pour Chuard et Fransson
Avec ou sans lui, la vie n’est pas tout à fait la même. Quand il crayonne, griffonne, se creuse les méninges pour composer ses lignes, Chris McSorley commence toujours par sortir son as de cœur. «Avec Matthew Lombardi au top de sa forme, Ge/Servette est une équipe très dangereuse, estime le boss des Vernets. Son retour à l’entraînement est une excellente nouvelle. Je crois que je suis aussi heureux que lui de le voir patiner et jouer de cette façon. Il ne ressent plus de symptômes et nous croisons les doigts pour que cela dure.» Ce soir, Lombardi devrait évoluer au centre du premier bloc, en compagnie de Cody Almond et Jeremy Wick. Qu’attendre de ce premier test contre le HC La Chaux-de-Fonds, pensionnaire de LNB?
«Déjà que Robert Mayer termine la première minute de jeu!» Chris McSorley éclate de rire dans son bureau. Comme pour conjurer le sort qui s’était abattu la saison passée sur le poste de gardien. Lors du match inaugural aux Vernets, Mayer s’était blessé gravement à une cheville lors de l’échauffement. Il avait jeté l’éponge après une vingtaine de secondes de jeu. La suite avait ressemblé à un défilé de gardiens assez invraisemblable…
Plus sérieusement donc, Chris McSorley attend de ses hommes qu’ils montrent d’emblée que le travail physique effectué cet été sous les ordres de Mathieu Degrange porte ses fruits. Il attend surtout que chacun se batte pour se positionner dans une hiérarchie pas encore définie à 100%. «Romain Chuard fera ses débuts en défense et pourra montrer de quoi il est capable, poursuit Chris McSorley. Même chose pour Johan Fransson, qui doit, entre autres, nous permettre d’améliorer encore le power play. Marco Pedretti aura aussi une première occasion de jouer et de marquer des points.» Damien Riat et Gautier Descloux seront absents (Suisse M20) ainsi que Rivera, Picard et Traber (blessés).
Ce premier galop d’essai contre La Chaux-de-Fonds est prévu à 18 h 30 aux Vernets. L’entrée sera libre et seule la tribune principale sera ouverte (dès 17 heures) au public. Des chapeaux pour effectuer des dons en faveur de l’association Genève Futur Hockey seront à disposition. Et, last but not least , une buvette se chargera d’étancher la soif des fans venus se mettre à l’abri de la canicule.