14 mars 2016

Ge/Servette a éliminé un faible Gottéron. L’os qui l’attend dès jeudi sera plus coriace. Coaches et joueurs en sont conscients

 

Tiens, tiens, comme on se retrouve… «Mais, co-mm-ent vastuuuuu?» C’est avec un phrasé mé- lodieux et saccadé que la Panthère luganaise a fait part de son plaisir de retrouver l’Aigle genevois. Expansive et joueuse comme jamais, la bête noire ne nourrit aucun complexe face à sa bête noire. Elle a beau rester sur deux revers, à hauteur des quarts de finale, le contexte a changé. Et cette demie, pourrait bien être «ex-cep-tionnelle...».

 

Depuis jeudi soir, Ge/Servette connaissait l’identité de son adversaire pour les demi-finales des play-off. Les trois autres quarts ayant été liquidés en quatre matches secs. Il n’y a finalement que Fribourg qui aura bénéficié d’un jour sans des Grenat pour grappiller un point de l’honneur. De quoi faire en sorte que l’on n’emploie pas le terme «déculottée» au moment de qualifier la performance globale de Gottéron. 

 

Le succès de tout un club

 

Quatre à un. C’est sec. Ça claque comme un claque sur la joue. C’est surtout peu glorieux tant les Aigles n’ont pas été, loin s’en faut, royaux. Trop souvent, donc, les Dragons ont été aussi invisibles qu’Elliott, le dragon de Walt Disney. C’est en faisant dans la demi-mesure que Ge/Servette rejoint pour la troisième fois consécutive le stade des demi-finales. Un constat sportif extrêmement réjouissant qui est le fruit d’un travail colossal. Que cela plaise ou non, la méthode GSHC paie. Que ce soit dans les bureaux ou sur la glace, Chris McSorley, Christophe Stucki et Hugh Quennec ont instauré une culture de la gagne. Donner le meilleur de soi-même. Tout le temps. Transformer le médiocre en bon. Et le bon en excellent. «Ici, on ne fait pas les choses à moitié- moitié», nous dira un fan chambreur… 

 

La Panthère a changé

 

Chacun est donc conscient que l’obstacle suivant sera beaucoup plus coriace. Lugano a changé, dit-on. Patrick Fischer a payé pour ses deux échecs en quarts de finale contre Ge/Servette et pour un dé- but de saison catastrophique. Incapable de gérer le talent et l’ego de ses vedettes, il a été viré et remplacé par Doug Shedden. Patrick Fischer n’est pas resté longtemps désœuvré puisque la Fédération suisse, en «reconnaissance» de son passage glorieux à la tête de Lugano, l’a nommé entraîneur de l’équipe de Suisse. Allez comprendre…

 

re… Ce sont les Tessinois qui rigolent avec leur nouveau chef d’orchestre. Doug Shedden, c’est un peu le pendant de Chris McSorley (les deux hommes sont proches et s’apprécient). Un Canadien bouillant, qui n’hésite pas à virer au rouge vif lorsque cela ne tourne pas rond. Il a tenu la bande pendant six saisons à Zoug. En avril 2014, les dirigeants du club de Suisse centrale l’avaient écarté. Principal reproche adressé à l’Ontarien de 54 ans? Son incapacité à passer le cap des demi-finales malgré des moyens financiers conséquents et un contexte (nouvelle patinoire superbe) favorable. En 2010, il s’était cassé les dents sur Ge/Servette… C’est donc avec Lugano qu’il espère franchir le mur. Pour cela, il a fallu balayer un premier adversaire qu’il connaissait bien. C’est Zoug, le club qui l’a rejeté, qu’il a pris un malin plaisir à maltraiter. 4-0, retraversez le Gothard, il n’y a plus rien à voir.

 

La performance des Panthères a marqué les esprits. Cela faisait depuis 2006 que Lugano n’avait plus atteint les demi-finales. Mais c’est surtout la manière qui a impressionné. Car l’adversaire pouvait nourrir de vraies ambitions. Avec Frederik Petterson, Linus Klasen, Maxime Lapierre et Tony Martensen, Lugano possède un quatuor d’étrangers d’exception sur le plan offensif. Avec Damien Brunner et Gregory Hoffmann, ce sont deux des plus talentueux attaquants suisses qui complètent ce que l’on peut sans excès qualifier d’armada offensive.

 

C’est peu ou prou le même défi qui était proposé à Genève ces deux dernières saisons. Comment calmer les ardeurs tessinoises? C’est en mettant un maximum d’intensité, en chatouillant les nerfs des artistes, en surclassant Patrick Fischer que les Aigles avaient fait main basse sur les deux séries. Avec un quart tout en maî- trise (les joueurs avaient pour consigne de ne jamais répondre aux provocations et de rester calmes à chaque coup de sifflet), les Aigles sont-ils prêts à donner leur pleine mesure? «Aucun souci de ce côté-là, dira Louis Matte. Nous n’avons pas joué notre meilleur hockey lors des trois derniers matches contre Fribourg. Nous avons de la marge…» 

 

Des retours attendus

 

Physiquement, les joueurs affirment être en forme. A voir virevolter le capitaine Goran Bezina, 35 ans, on les croit volontiers. Peu à peu, l’effectif se remplume. Jeudi, Damien Riat et Daniel Rubin pourraient intégrer l’alignement. Le premier, absent depuis le début des séries, arrive gentiment au bout de sa convalescence (blessure musculaire abdominale). Le second, secoué par Julien Sprunger, a été opéré de sa triple fracture de l’orbite gauche (celle qui avait reçu l’épaule de l’attaquant fribourgeois). Il étudie la possibilité de jouer avec un masque en carbone et une grille de protection. Le tout sera soumis au feu vert des médecins du club. «J’aimerais revenir, dit Daniel Rubin. Mais je ne veux pas mettre ma santé en danger. C’est cela qui primera.»

 

Avec ou sans ses deux patineurs d’impact, Ge/Servette devra quoi qu'il en soit hausser le ton. Car Lugano n’est pas Gottéron…

 

Méfiance, méfiance…

 

 Il n’y a pas eu d’effusion de joie. Juste des sourires, des embrassades, des tapes dans le dos. Dans le sacro-saint couloir du vestiaire, verrouillé à triple tour samedi soir, joueurs et coaches jubilaient avec la sérénité de ceux qui regardent l’horizon. Tout le contraire de ces vigiles qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez… Bref, passons.

 

A peine le temps de boire quelques bières que la Panthère remplace le Dragon au menu des Aigles. Un animal qui inspire, à défaut de crainte, de la mé- fiance. «On jouera contre un adversaire plus fort que Fribourg, dit Chris McSorley. Nous devons monter en puissance. C’est maintenant que nous allons faire la différence entre les hommes et les petits garçons.»

 

hommes et les petits garçons.» «Ce sera difficile, admet Goran Bezina. Ce n’est pas la même équipe que ces dernières années. Ils ont retrouvé leur caractère et ont des sacrés joueurs en attaque. Quand tu vois qu’ils gagnent 4-0 en quart contre Zoug, soit une des meilleures équipes de la saison, tu sais que tu dois faire attention.» Méfiance, méfiance, donc. 

 

Un capitaine, un vrai…

 

l y a un an, tout le monde, ou presque, l’annonçait sur le départ. On parlait de lui à Fribourg. On le disait cramé, usé, jusqu’à la corne. Lui, il disait avoir encore de belles années devant lui. Il fallait sans doute écouter les paroles d’un homme qui n’a jamais triché durant sa carrière plutôt que les médisances colportées par ses détracteurs. Douze mois plus tard, il est là. Le buste droit. Il tient bon la barre du navire Grenat avec lequel il parcourt les océans depuis treize saisons.

 

Il est là, et il regarde l’autre capitaine regagner les vestiaires comme il a traversé ses quarts, l’air absent, fantomatique.

 

A Genève, le taulier est un meneur d’hommes qui inspire le respect davantage par son comportement professionnel que par sa fiche de salaire mirobolante. Et pourtant… Il y a un peu plus de douze mois, même Chris McSorley essayait de se séparer de son défenseur dont le contrat est valable jusqu’en avril de cette année. Il avait tout tenté ou presque pour dégoûter son capitaine. Il l’avait mis en attaque (!). Il l’avait privé de power play. Il avait réduit son temps de jeu. 

 

«Gogo» ne rime pas avec ego. Bien dans sa tête et ses patins, Goran Bezina est gentiment mais sûrement revenu à son meilleur niveau dans un rôle plus défensif, en accord avec ses jambes. 

 

Véritable tour de contrôle, il a guidé les siens dans ce quart de finale maîtrisé. Tout le contraire, dans le fond, de son alter ego fribourgeois dont le seul fait d’armes restera cette charge destructrice (mais correcte) sur Daniel Rubin.

 

Goran Bezina est un capitaine, un vrai.