Battus à Lausanne, les Aigles bouclent la saison à la 3e place. Ils défieront les Dragons pour la 3e fois en play-off
Tiens, tiens, comme on se retrouve! Genève-Fribourg. Fribourg-Genève. En play-off, c’est une ribambelle de petites histoires qui ont émaillé les deux séries ayant opposé les frères ennemis romands. Il y en a eu des petites phrases, des petits coups de bluff, des petits coups de mou, des petits coups bas, des petits coups de p…, des petits coups de blanc pour digérer une défaite amère…
En 2008 et 2010, Dragons et Aigles ont été les acteurs de séries à suspense, hargneuses, spectaculaires, à rebondissement. S’il fallait choisir un symbole pour illustrer cette rivalité que les deux camps ont hâte de retrouver dès jeudi, on ressortirait des cartons ce but merveilleux de Florian Conz.
Le fameux tir de Conz
Flash-back: le 20 mars 2010, les deux équipes étaient réunies à la patinoire de Saint-Léonard pour l’acte VI des quarts de finale. Deuxième de la saison régulière, Ge/Servette était dos au mur, mené 3-2 dans la série. Un poil de suffisance, un zeste de malchance et surtout un adversaire bien décidé à déjouer tous les pronostics avaient placé les hommes de Chris McSorley dans une position désespérée. Réunis pour les obsèques des Grenat, 7000 fans fribourgeois avaient assisté à ce que l’on qualifie de «miracle de Saint-Léonard» du côté de Genève.
Dominés, arc-boutés, à la limite du K.-O. pendant vingt minutes initiales à sens unique, les Aigles se voyaient déjà sous les cocotiers. On se souvient de deux tirs, au moins, sur les montants d’un Tobias Stephan qui se réveillait enfin après des débuts de play-off délicats. On se souvient de périodes de supériorité numériques galvaudées. 1-0, but de Bykov, un bilan miraculeux après vingt minutes de jeu. Et tout à coup, la peur de gagner s’était instillée dans le camp fribourgeois. Et tout à coup, l’Aigle avait repris du souffle.
Rivera a changé de camp
A deux partout, tout le monde s’imaginait alors partir dans une prolongation irrespirable… C’est là que Florian Conz, à bout de souffle et de force, armait ce tir presque foireux qui crucifiait Sébastien Caron. Il restait dix-huit secondes à jouer. Cruel et beau à la fois… Trois jours plus tard, les Vernets avaient tremblé comme jamais. «Je n’avais jamais ressenti de pareilles émotions, se souvient Louis Matte. Il y avait une vraie énergie qui venait des tribunes. On avait le sentiment que ce match-là, nous ne pouvions pas le perdre.» Les Aigles l’avaient gagné 5-2. Et les arrogants dirigeants fribourgeois de l’époque avaient mauvaise mine. A 3-2 dans la série, c’est tout juste s’ils n’avaient pas lancé la vente des billets pour les demi-finales… Un péché d’orgueil qui avait nourri la rage des Aigles. Comme les déclarations maladroites de «coach Pelletier» qui n’avait rien trouvé de mieux que de remercier le capitaine grenat Goran Bezina pour son assist sur un but du Fribourgeois Corsin Casutt lors du match V aux Vernets.
Cinq ans plus tard, place donc à l’acte III. Et le contexte ressemble à celui de 2010, avec des Genevois favoris. Mais cette fois, les Aigles se sont juré de ne pas sous-estimer qui que ce soit. «L’offensive fribourgeoise est redoutable, analyse Louis Matte. Cette équipe a traversé une période très difficile avant de rebondir. Elle sera donc redoutable car elle n’aura rien à perdre. Il faudra vraiment que nous puissions imposer notre jeu physique pour la gêner.»
Une nouvelle fois, il y aura des histoires, des petits coups de toutes sortes. «J’ai encore des amis dans l’équipe, dit Romain Loeffel. Mais tout cela sera mis entre parenthèses sur la glace.» A Fribourg, un homme doit avoir une faim de vengeance particulière: un certain Chris Rivera, le Genevois devenu Dragon un peu contre son gré cet automne. Samedi soir, à Berne, il n’a pas attendu pour lancer la série contre son ancien club, déclarant à un journaliste de Sport-Center «qu’il est prêt mentalement à jouer à Genève et les 23 frères derrière (ndlr: ses coéquipiers fribourgeois, donc) le seront également.»
Le 20 mars 2010, Chris Rivera avait été l’autre héros de la fameuse soirée avec un but et un assist. Il était entré dans le cœur des supporters genevois. Visiblement, il a déjà trouvé le moyen d’en ressortir… Ça promet!
Un dernier derby lémanique pourri et rugueux
Qui a dit que Ge/Servette et Lausanne se faisaient des politesses? Qui a dit que, le cas échéant, ils se feraient des courbettes pour favoriser la destinée de l’un ou l’autre? Les esprits malingres… Il fallait être là, samedi soir à Malley, pour finir de se convaincre que Lions et Aigles ne partiront pas ensemble en vacances. Ce 50e et dernier match de la saison régulière avait son importance pour les deux équipes, en quête de points. Pour Lausanne, finalement relégué à sa juste place – juste sous la barre – au vu de ses capacités intrinsèques, il s’agissait d’emmagasiner trois points de plus pour s’éviter un tour contre la relégation pénible. Ge/Servette, lui, espérait empocher la totalité de l’enjeu pour conserver sa 2e place.
Il y a donc eu un vrai match sur la glace de Malley. Il y a également eu de vrais coups donnés sans arrière-pensée. En fin de première période, Chris McSorley a été renvoyé au vestiaire par M. Kurmann… Un épisode de plus dans la série «quand Chris rencontre Danny…» Déjà privé de plusieurs joueurs avant le début du match, Ge/Servette a ensuite perdu trois combattants dans une ambiance détestable tant sur la glace que dans les tribunes. En toute impunité, d’insondables crétins n’ont rien trouvé de mieux que de rappeler à Goran Bezina qu’il possède aussi la nationalité croate. A la bêtise de ces quelques individus isolés est venue s’ajouter celle de Ralph Stalder. Peu connu pour sa méchanceté, le défenseur lausannois s’est fait l’auteur d’une charge unanimement qualifiée de «dégueulasse» à l’encontre de Floran Douay. Sous le regard de ses parents, le jeune Français de Ge/Servette a subi une double peine inadmissible: charge à la tête (coude levé, dans un mouvement de bas en haut) et charge contre la bande. C’est une forme de miracle s’il a pu quitter la glace sur ses deux jambes. Espérons que cette issue heureuse n’adoucira pas les sanctions qui ne manqueront pas d’être prises par le juge unique de la Ligue.
Peu avant cet incident, Arnaud Jacquemet avait rejoint le vestiaire, touché de plein fouet par un puck au visage. Le Valaisan saura aujourd’hui si la pommette est fracturée. A la fin du deuxième tiers, c’est enfin Eliot Antonietti qui a jeté l’éponge. «Je suis heureux que nous ayons cinq jours devant nous pour soigner les blessés», dit Chris McSorley.