24 novembre 2014

Alex Picard, qui n’avait jamais joué à Malley, permet à Ge/Servette de sortir de la grisaille pour plonger Lausanne en plein brouillard

 

Il y avait, samedi, entre Genève et Lausanne, une épaisse nappe de brouillard au bord du lac, une brume de mystère entre deux clubs en quête de sérénité, de certitudes aussi, au-delà des doutes.

 

Le club de Malley, qui restait sur sept défaites consécutives (y compris en Coupe aux Vernets), qui ne marque plus en power play (onze parties que ça dure), comptait sur la venue de son adversaire préféré, qui lui convenait si bien, pour redresser la tête.

 

Mais s’ils demeuraient sur trois victoires consécutives en championnat contre les Grenat, les Vaudois, atrophiés, étaient trop atteints moralement pour s’extraire de cette situation inextricable. Battus la veille in extremis à Fribourg, les hommes d’Ehlers ne gagnent plus depuis le 25 octobre: le mentor danois, qui ne fait plus l’unanimité dans le vestiaire, serait en danger. Il faut dire que Lausanne HC glisse méchamment vers la barre. Avec des étrangers décevants (Louhivaara suspendu, Hytönen blessé, Bang et Pesonen muets depuis onze et douze matches), des attaquants si discrets, la confiance avait choisi son camp. «Ils jouent avec des cannes blanches!» s’énervent les supporters dans les gradins de Malley. LHC est en crise.

 

Juste une petite frayeur

 

C’est le visiteur, conscient qu’il avait un bon coup à jouer, qui a pris le match par le bon bout, pour ne plus jamais craquer. Tout juste une petite frayeur au deuxième tiers lorsque l’excellent Michael Flückiger a lâché un puck bouillant devant Conz (1-2, 33e). Sinon, Kevin Romy, Matt d’Agostini et les Genevois ont survolé les débats. Alors que la nervosité avait aussi plombé l’atmosphère dans les rues lausannoises où les fans se sont «expliqués» avant le match, Alex Picard, comme un Roger Federer retrouvé, a rendu à ce derby une bonne ration d’émotions, envoyant, sévices compris, d’emblée du lourd. C’était le bon moment pour inverser la tendance et il n’a fallu que 56 secondes aux Servettiens pour prendre les Lions à la gorge, gagnés par l’apathie.

 

Picard allume le feu

 

Le Québécois, qui n’avait encore jamais eu l’occasion de patiner à Malley, n’a pas manqué l’aubaine, pour, lui aussi, se relancer. En montant deux fois au filet. «L’an passé j’étais malade ou surnuméraire, cette année aussi; cela fait plaisir de marquer avec une telle ambiance. Cela a mis tout le monde en confiance», a lâché le héros genevois qui attendait de lever les bras proches des étoiles depuis treize rencontres, plus précisément le 27 septembre contre Zurich. «Cela fait du bien, d’autant plus que j’avais joué sur un patin durant quasi huit parties (il souffrait d’une boursite à un pied)», renchérit l’attaquant, qui sait mieux que quiconque mettre le feu à un derby.

 

«Quand il y a de la pression, on voit souvent le meilleur visage de Genève-Servette», ajoute un Picard hilare, conscient que sa formation ne tourne pas encore à plein régime. Appliqués, disciplinés, les Aigles auraient même pu (dû) saler la note s’ils n’avaient pas manqué autant d’occasions, dont deux penalties. Et surtout ces deux minutes passées avec deux joueurs supplémentaires sur la glace sans inquiéter vraiment Caminada (de la 39e à la 41e). «Il est sûr qu’à 5 contre 3, on devait au moins marquer une fois, admet Picard; il va falloir qu’on travaille cet exercice à l’entraînement…» Ce power play est misérable…

 

Au tour de Fribourg!

 

Il suffit parfois d’une bonne claque pour un petit déclic. La gifle prise mardi à Zoug a certainement remis des idées en place. «On a réussi à revenir fort, c’était important, car on devait se méfier de ces équipes classées derrière nous, reconnaît d’ailleurs Eliot Antonietti. A nous d’en faire de même ce mardi à Fribourg pour s’éloigner définitivement de la barre.» Du côté de la Sarine et de la BCF Arena, on patine encore dans le brouillard, mais, dit-on, attention: avec Gerd Zenhäusern à la barre, il n’est pas loin de se dissiper. Mais avec de la pression…

 

Flückiger a (r)assuré

 

Il avait été averti jeudi soir à 23 heures par son entraîneur Serge Pelletier qu’il allait jouer, dès le lendemain, trois parties à Genève. Arrivé le matin même, Michael Flückiger n’a fait la connaissance de ses nouveaux coéquipiers que deux heures avant d’affronter Bienne vendredi soir. Propulsé dans la cage des Vernets, le portier d’Ambri Piotta a réussi sa mission: gagner les deux premiers de ses trois matches contre des concurrents directs pour favoriser le club léventin. Reçu six sur neuf!

 

«C’est un beau week-end pour nous, en plus on a bien joué, nous étions la meilleure équipe ce soir, alors continuons ainsi», sourit ce remplaçant de luxe conscient que Ge/Servette n’avait plus gagné à Malley aussi nettement depuis le 16 janvier 2004 (2-4), dix ans déjà!

 

«Je l’ai vu à l’œuvre à Lugano ou à Ambri, sur quelques matches, il peut être très bon, mais actuellement avec un Zurkirchen aussi exceptionnel, il doit se contenter d’un rôle de No 2. C’est donc bien pour lui qu’il soit là», remarquait l’ancien gardien Gianluca Mona.

 

«Je n’ai pas joué beaucoup de rencontres cette saison, c’est vrai, c’est donc une bonne manière pour moi de me mettre en valeur, de prouver que je suis capable d’évoluer en LNA», poursuit celui qui a remplacé au pied levé Robert Mayer et Christophe Bays, tous deux blessés.

 

«Comme on prenait beaucoup trop de buts, on a eu un meeting avec les défenseurs où on nous a demandé de resserrer tous ensemble derrière, explique Eliot Antonietti. Je pense que sur le week-end, on l’a bien aidé et lui a fait le reste.»

 

Avec un aigle sur le maillot, cela a donné des ailes à ce globe-trotter des patinoires helvétiques, champion avec Lugano en 2006, habitué à changer de tunique. «A Genève, j’ai retrouvé Kevin Romy avec lequel j’avais joué à Lugano, Arnaud Jacquemet, mon colocataire à Kloten, Christian Marti que j’ai aussi côtoyé quand j’étais un Aviateur et Roland Gerber lorsque j’étais à Langnau», se marre ce Bernois de 30 ans.

 

Demain, pour sa dernière «pige» sous le maillot grenat, il est prêt à faire connaissance avec les attaquants des Dragons. «Si on joue comme à Lausanne, aussi agressif en box-play, on peut encore s’imposer.» Cela ferait tellement plaisir à Serge Pelletier et Ambri…