Article
Brett Regali, jeu 13/12/2018 - 14:42

Si vous parcourez le forum ou que vous avez discuté avec quelques fans de l’avenir du club, vous avez certainement entendu le terme « rebuild ».

 

Terme relativement nouveau dans le monde du hockey suisse car il s’agit à la base d’un pratique nord-américaine,je lui préfère évidemment son équivalent francophone « reconstruction ». L’utilisation d’un anglicisme à la mode ne rendant pas l’auteur d’une théorie plus brillant (mais ce sujet sera certainement traité pas votre serviteur à une autre occasion).

 

Pour les non-initiés, une reconstruction consiste à sacrifier une partie de son effectif et les résultats dans le but de préparer l’avenir. Une logique qui a tout son sens dans le système nord-américain dont les réalités sont bien différentes de la ligue helvétique.

 

En NHL, l’ordre dans lequel les équipes peuvent repêcher des joueurs (le fameux draft) est en grande partie défini par le classement en fin de saison. En gros, plus vous finissez à la cave, plus vous avez de chances de repêcher tôt. Un système de loterie évite que l’on prenne simplement le classement à l’envers pour définir l’ordre du repêchage. Le but étant d’éviter que les équipes fassent littéralement exprès de perdre afin d’avoir le premier rang (à l’image de Pittsburg en son temps pour obtenir Mario Lemieux).

 

L’autre principe de base consiste à échanger des joueurs de valeurs mais d’un âge déjà avancé aux équipes qui sont en course pour le titre. En échange, votre club récupère des choix de repêchage de ces équipes qui elles ont besoin d’un renfort immédiat dans l’espoir de décrocher le graal. 

 

Vous l’aurez compris, le but du jeu est de pouvoir repêcher haut ET beaucoup de joueurs. La science du dépistage de talent étant assez aléatoire, il vaut mieux avoir beaucoup de jeunes en stock pour limiter les risques d’erreurs (forcément inévitables). Sacrifier des joueurs plus âgés pour cette cause a son sens vu que le but n’est pas de gagner tout de suite mais dans un plan de plusieurs années, soit quand ces joueurs-là seront au crépuscule de leur carrière.

 

Ce concept est-il importable en Suisse et le cas échéant au GSHC ? Eh bien un peu, mais un peu seulement. Et ceci pour deux principales raisons : l’absence de repêchage et la possibilité d’une relégation. Le repêchage n’aurait aucun sens dans notre pays. Quel intérêt auraient Zürich ou Zoug d’investir des sommes colossales dans la formation si c’est pour voir Ambri ou Rapperswil se servir dans leur vivier après une énième saison sous la barre ?

 

La relégation, quant à elle, est souvent remise en cause par quelques personnes et parfois qualifiée de désuète. Il n’empêche qu’elle existe toujours et que les exemples récents prouvent que le risque est bien réel et à ne surtout pas négliger.

 

Alors, le GSHC s’est-il lancé dans une reconstruction à la sauce helvétique ? Et le cas échéant, est-ce un choix judicieux ? Car après la signature de deux jeunes zurichois (Karrer et Miranda) en plus des rumeurs très insistantes concernant Le Coultre, le mot reconstruction est sur toutes les lèvres.

 

Il est trop tôt pour répondre à la première question. Ce n’est pas deux signatures et demi de jeunes qui font une reconstruction. Sans une vision d’ensemble de la campagne de transferts pour la saison prochaine, il est impossible de tirer une conclusion sur la direction prise. 

 

Néanmoins, si on imagine volontiers le club construire un effectif sur plusieurs années, sacrifier complètement toute volonté de résultat immédiat parait inimaginable en termes d’image en plus du réel danger d’une relégation aux conséquences potentiellement dramatiques.

 

Plutôt qu’une réelle reconstruction, je pense qu’on assiste à un changement de cap dans la direction sportive du club. Un changement qui est probablement plus dû à une analyse pragmatique de la situation qu’à un choix délibéré, tout du moins pour l’instant.

 

La première réalité à laquelle le club est confronté est le vieillissement des cadres suisses. On ne va pas passer ici tous les chiffres en revue mais force est d’admettre que les joueurs suisses dominants qui ont fait notre succès sont en grande partie sur la pente descendante voir ont un pied à la retraite. Il ne s’agit pas de clouer au pilori les Romy, Simek, Rubin, Mercier, Vukovic et Bezina (entre autres), mais combien seront encore là dans 2 ans ? Et ceux qui seront restés, pour quel rendement ? Ceci, cumulé aux pertes de Loeffel l’été passé et Almond l’été prochain, correspond à un renouvellement presque total du cadre suisse dans un laps de temps relativement court. Avec maximum quatre étrangers sur la glace, le cadre suisse est la base de toute ambition et le véritable ADN d’une équipe. Un renouvellement aussi rapide de celui-ci passera par une transition qui aura forcément un impact sur les résultats.

 

Car la deuxième réalité à affronter est, elle, économique. Sans jouer aux miséreux que nous ne sommes pas, le club n’est aujourd’hui pas en mesure de régater avec les grosse organisations (toujours plus nombreuses) du championnat pour attirer les gros poissons. Cette situation ne changera probablement pas tant que nous évoluerons dans une ruine mal conçue de plus de 60 ans. Donc fatalement et malheureusement pour encore pas mal d’années.

 

Donc une fois le constat fait que le cadre suisse est à renouveler mais qu’on ne pourra pas le faire en engageant Hoffmann, Corvi et consort, il ne reste pas 36 possibilités… Et c’est certainement aussi la conclusion à laquelle est arrivée la direction du club. La signature des deux jeunes zurichois est probablement la première étape de cette politique. Et ces premières signatures sont non seulement intelligentes mais aussi réjouissantes.

 

Car si le club n’est pas le plus attirant tant financièrement qu’en terme d’infrastructure, il a d’autres arguments. Au premier rang desquels figure la possibilité pour un jeune d’avoir un temps de glace nettement plus intéressant que dans une grosse organisation avec des internationaux en 4e ligne. Argument néanmoins recevable que si vous pouvez assurer un minimum d’ambition malgré tout. Car un international U20 ne signera pas pour jouer en 2e ligne et jeu de puissance si c’est pour se prendre des roustes deux fois par semaine et terminer à 20 points de la barre. C’est pourquoi il reste toujours nécessaire d’avoir quelques routiniers du championnat dans l’effectif pour stabiliser l’équipe et soutenir le développement des espoirs.

 

Autre argument très important : le club disposera normalement d’un excellent outil de développement la saison prochaine avec Sierre comme club ferme en LNB. On sait que le saut des juniors élites à la LNA est toujours plus difficile (faut-il réformer le championnat élite ?) et un passage en LNB souvent nécessaire. Sans compter que se développer dans un club comme Sierre avec un vrai public et donc une certaine pression est sûrement plus exaltant et formateur que de jouer devant 47 spectateurs avec Zoug Academy.

 

Vous l’aurez compris, on n'assistera pas à une reconstruction totale dans le style nord-américain pour diverses raisons évoquées plus haut. Par contre un changement de cap face aux réalités de la situation du club semble se dessiner et est nécessaire. Le contexte sera évidemment différent le jour où nous pourrons évoluer dans une enceinte moderne qui engendrera des revenus plus importants. Toutefois, je ne serais pas étonné de voir une grosse évolution en faveur de la formation sous l’impulsion de la Fondation 1890. Une tendance qui, même dans un futur plus radieux en terme financier, devrait continuer et dont on ne peut que se réjouir.

 

Nul ne sait aujourd’hui quel sera l’effectif le 15 septembre prochain pour la reprise du championnat. Mais il parait acquis que celui-ci sera plus jeune et je ne serais pas étonné que certains monuments de la dernière décennie ne soient plus là. Car si nous n’avons plus la possibilité de recruter des stars pour quelques années, nous avons plus que jamais la possibilité de les créer.