4 mars 2016

Les Aigles ont parfaitement entamé ce quart de finale contre Gottéron. Mais attention à la réaction du Dragon

 

Chaque année à la même époque, c’est la même histoire. C’est avec plein d’espoirs que les hockeyeurs entrent dans les play-off avec des rêves d’ascension. A chaque fois, ils se disent prêts à livrer de grosses batailles, à gravir cette montagne qui mène au titre national. A Genève, après deux demi-finales perdues contre Zurich, on se dit que cette fois, c’est la bonne. Que le rapace ne va cette fois-ci pas battre de l’aile et s’envoler, avec un coup de main du destin qui accompagne souvent les grandes équipes, vers les sommets. Des paroles aux actes…

 

C’est plutôt bien parti pour des Aigles plus gros, plus forts, plus déterminés, qui ont d’emblée pris leur envol vers les étoiles. Un succès logique, important, quand on sait que durant les cinq dernières années, 70% des formations qui se sont imposées lors du premier match des quarts de finale se sont qualifiées. «Mais attention, tempère Chris McSorley, j’ai trouvé Fribourg très bon. Tout a bien marché pour nous avec des rebonds favorables, on se doit de rester vigilants…» Sa troupe doit garder les patins sur la glace. Reste que ce Ge/Servette-là, qui reste désormais sur cinq victoires consécutives face aux Dragons, est bien décidé à ne rien laisser aux Lézards, qui – autre statistique – n’ont jamais battu les Genevois à ce stade de la compétition!

 

Et pourtant, la veille, Chris Rivera avait annoncé la couleur. C’était pour lui «un grand honneur» de revenir à la maison, là où il a effectué toutes ses classes. Mais dans son for intérieur, l’ex-junior des Grenat aurait tellement voulu se trouver dans l’équipe d’en face, pour jouer le hockey qu’il apprécie tant. S’il avouait mercredi que lui et ses «23 frères» de Gottéron viendraient fort pour frapper dans les coins, l’ex-Genevois a dû être déçu. Benjamin Plüss a bien essayé de «leur rentrer dedans», mais en voulant charger Wick, c’est lui qui s’est blessé! Question engagement, intensité, ce n’était pas vraiment (encore) un match de play-off. Pour le climat délétère, il faudra repasser. Peut-être demain à Saint-Léonard. Pour l’heure, force est de constater que ce quart de finale n’a pas encore véritablement commencé…

 

Comme le relevait un jour Gianluca Mona, ancien gardien des deux formations, «il suffit d’un bon check grenat d’entrée et vous ne voyez plus les Fribourgeois! Gottéron n’aime pas affronter ce genre d’équipe physique avec des joueurs qui frappent là où ça fait mal.» Le Tessinois avait raison. Mais il n’y a pas uniquement dans ce domaine que les Genevois ont dominé le débat. Supérieurs durant toute la saison dans les situations spéciales, souvent décisives en play-off, c’est en supériorité numérique puis avec un homme de moins sur la glace que les Genevois ont fait hier la différence. Piqué au vif lors des deux dernières rencontres en étant renvoyé en tribunes, Matt D’Agostini a su répondre sur la glace en ouvrant le bal après un premier essai (sur le poteau) d’un Noah Rod tout aussi bien affûté. Après une seconde réussite de Timothy Kast, les Grenat ont pu également s’appuyer sur un grand Robert Mayer avant que Lombardi (en feu) n’enfonce le cou. Le gardien des Vernets, qu’on attendait au contour, n’a pas manqué son virage. Les Fribourgeois ont bien tenté de le déstabiliser, de mettre du trafic devant lui pour qu’il sorte de ses gonds, mais sa garde rapprochée (Loeffel, Antonietti et Bezina ont été énormes) a su rendre son aigle royal. Lors des play-off, un portier est aussi capital qu’un premier check réussi. Il permet à ses joueurs d’aller de l’avant, de prendre confiance et de marquer leur territoire. Un derby ne se joue pas dit-on, il se gagne avec ferveur, fierté et passion. Genève-Servette, qui avait à cœur de réussir son départ, avait tout cela hier soir. «Plus que onze!» a-t-on lâché dans les tribunes. La suite, c’est samedi à Fribourg… 

 

Tim Kast la menace (par Grégoire Surdez)

 

Les play-off sont un incroyable révélateur de talent et de courage, dit-on. Au soir de ce premier match, maîtrisé de bout en bout, deux Aigles méritent une mention particulière: Arnaud Jacquemet et Tim Kast. Chacun à leur manière, ils incarnent le joueur d’équipe par excellence. Le premier aborde ces play-off en étant marqué dans sa chair. Victime d’un tir samedi à Lausanne, il a été sévèrement secoué et marqué au visage. Le secret médical faisant plus que jamais office de religion pendant les séries finales, on ne saura pas la gravité exacte de la blessure d’Arnaud Jacquemet. Mais à le voir patiner presque comme si de rien n’était, il mériterait déjà l’Oscar du courage. Protégé par une grille, il n’a rien laissé transparaître. Mieux encore, attaquant de métier, il s’est une nouvelle fois mué en défenseur sobre et efficace pour pallier la blessure de Jonathan Mercier. Tout pour les autres, rien pour ma gueule, fût-elle cassée… Jacquemet, un joueur précieux. Et même plus encore.

 

Dans un autre registre, Tim Kast a une nouvelle fois démontré qu’il avait tout compris. Avec ses mains en or, sa vision du jeu hors du commun, il pourrait revendiquer davantage qu’un rôle défensif au sein de la quatrième triplette offensive. «C’est un élément essentiel de notre succès, dit de lui Chris McSorley. Son seul défaut? Peut-être que son habileté technique pourrait parfois le pousser à trop en faire.»

 

Hier soir, Tim Kast n’en a pas rajouté. «Le coach me fait confiance dans les situations spéciales et c’est déjà une belle satisfaction. J’essaie donc à chaque fois de tout donner et d’être décisif. Contre Fribourg, tout me réussit puisque j’ai inscrit là mon troisième game winning goal!» C’est avec un homme de moins que les Aigles ont classé l’affaire dans le deuxième tiers. Une récupération de Kast en zone défensive, un contre mené par Daniel Rubin, une passe géniale et l’affaire est dans le sac. «Nous avons été solides, sourit Tim la menace. Nous avons été parfaits dans la gestion des émotions. Il faudra l’être à nouveau samedi. Surtout, ne rien faire pour réveiller notre adversaire.»