7 octobre 2016

A 28 ans, il brille avec les Aigles. Mais avant cela, personne ne lui avait donné sa chance en LNA. Portrait d’un joueur atypique et attachant

 

Il patine dans le bonheur. Mais est-ce vraiment une surprise? A y regarder de plus près, il y a comme une certaine forme de logique à voir Tim Kast briller de mille feux. Il y a même une vraie satisfaction à constater que l’intelligence et le talent peuvent permettre à un gamin de réaliser son rêve. Fût-ce sur le tard.

 

Il est comme ça, ce hockeyeur qui est toujours sorti du lot par la grâce d’une passe magique, d’un coup d’œil supersonique, d’une feinte de corps artistique. Quand il était «Pee-Wee», il ne rêvait pas de NHL. «Je savais déjà que physiquement, je ne serais jamais dans les standards de cette ligue, dit-il. Je n’ai donc jamais vraiment rêvé d’y jouer un jour. J’ai pu constater par la suite que le parcours d’un hockeyeur n’est pas linéaire.»

 

Mis sur les patins par son père, Jean-Pierre, grande figure du Ge/Servette des années 60 et 70, Tim baigne dans le hockey depuis son plus jeune âge. «J’aime ce sport, mais je ne suis pas un fou de hockey comme peuvent l’être certains de nos fans par exemple. Quand je vois plusieurs d’entre eux qui font le déplacement pour aller à Lugano ou Davos, c’est assez incroyable.»

 

Une enfance en Grenat

 

Des piccolos aux juniors Elite, l’enfance du Genevois est teintée de grenat. Un à un, il grimpe les échelons. Au printemps 2008, il fait ses débuts en LNA. Peu s’en souviennent mais il inscrira même son premier but dans l’élite en quart de finale des play-off contre Rapperswil. Ensuite? «Ensuite, ça se complique, dit-il. Pour tous les juniors, c’est compliqué de trouver une place dans un contingent de LNA. Il faut vraiment avoir un brin de chance et être au bon moment au bon endroit. Quand on est dans une organisation comme Ge/Servette et que le club ne vous propose pas de contrat, cela devient même difficile de rebondir ailleurs, en LNB par exemple. Ma chance, c’est d’avoir pu aller à Bâle, où un projet se montait de toutes pièces.»

 

En moins de deux saisons (il quittera le navire percé bâlois au cours de l’hiver 2009-2010), Kast se fait un prénom dans la deuxième division du pays. Fin connaisseur et excellent formateur, Gary Sheehan ira le chercher à Bâle pour le faire briller à La Chaux-de-Fonds. «Pendant quatre saisons, j’ai joué les premiers rôles en LNB, jusqu’à finir Top Scorer lors de ma quatrième année aux Mélèzes.»

 

Saisir sa chance

 

Il joue, il passe, il marque, il se démarque. Un joueur suisse meilleur compteur de son équipe en LNB, voilà un phénomène rare. De quoi alerter un certain Chris McSorley, qui l’embauche en janvier 2014 pour la saison suivante. «Là encore, il a fallu un peu de chance pour que j’obtienne du temps de jeu, sourit-il. Cody Almond et Matthew Lombardi étaient partis pendant l’été pour retenter leur chance en NHL. Du coup, il y avait un peu plus de place dans le contingent des attaquants.»

 

C’est comme ça que ça se passe à Genève: pendant l’été, chaque joueur est libre de prouver au staff technique qu’il mérite une place dans l’effectif. Peu importe le CV, c’est l’attitude qui compte. Pour son retour en LNA, Tim Kast, 25 ans, prend quelques kilos de muscles. Pour son retour dans l’élite, il est souvent placé à l’aile de la 4e ligne d’attaque. «Mon adaptation n’a pas été facile, reconnaît-il. Quand je vois la façon dont Kay Schweri s’est mis dans le rythme…»

 

Il faut dire que Chris McSorley a souvent employé l’enfant du club à toutes les sauces. Et très souvent à l’envers du bon sens, au vu des qualités du No 19 des Aigles. «Il y a même eu des matches où je me retrouvais 13e attaquant et où je ne jouais que les power play! Dans ces cas-là, il est inutile de se plaindre. Il faut juste jouer à fond chaque shift que le coach vous donne.»

 

A Genève, le Chris est tout-puissant. A quoi bon vouloir lui rentrer dedans? C’est avec cet état d’esprit résolument positif que Tim Kast a attendu son heure pour patiner dans le bonheur avec les Aigles…

 

Un joueur qui est déjà très courtisé

 

Bon an mal an, Tim Kast a participé grandement à la résurrection du jeu de puissance de Ge/Servette. C’est dans cette situation spéciale que son talent s’exprime le mieux. Il a souvent ce dixième de seconde d’avance dans la prise de décision qui fait toute la différence. «Ça marche bien pour moi en ce moment, dit-il sans fausse modestie. Je prends davantage ma chance, notamment sur les tirs en première intention. J’ai toujours eu un assez bon shoot sur réception, assez précis. Je profite aussi du fait que nos adversaires sont très occupés à faire déjouer notre défenseur, que ce soit Romain Loeffel ou Johan Fransson. On a un jeu de puissance axé sur le défenseur. Du coup, je suis devenu une deuxième option pour prendre le tir.» Depuis six matches, Tim Kast a même bluffé tous les observateurs du milieu du hockey suisse. Reconverti en arrière, il ne convainc pas, il brille! «Je joue en compagnie de Daniel Vukovic, ça aide… J’essaie juste de jouer simple et de délivrer une première passe rapidement.» Avec son gabarit, il a immédiatement assimilé que ce n’était pas lui qui allait envoyer des grosses charges. «Je base mon jeu sur le placement et j’essaie de bloquer un maximum de tirs.»

 

Son bilan est assez ébouriffant depuis qu’il a reculé pour mieux sauter et faire oublier les blessés (Antonietti et Mercier). Il enquille les points. Son bilan plus/minus est le meilleur de la ligue avec un +8. C’est à se demander si Chris McSorley se résoudra à le changer de poste lorsque les joueurs éclopés reviendront au jeu. Tim Kast deuxième meilleur défenseur des Aigles après 10 matches juste derrière Romain Loeffel: voilà qui est de nature à faire grimper la cote de ce joueur polyvalent.

 

En fin de contrat au terme de cette saison, Tim Kast espère bien sûr rester aux Vernets pour assurer ses arrières, lui qui prépare par ailleurs un master de droit. Mais Chris McSorley sera-t-il prêt à enfin mettre le juste prix? On sait que le boss des Vernets n’a pas encore proposé de nouveau contrat. D’autres clubs, en revanche, ont déjà approché le joueur. Cet intérêt précoce est bien le signe que Tim Kast a acquis une nouvelle dimension. Quittera-t-il une seconde fois son club de cœur?

 

Power-play

 

L’affiche Ge/Servette s’en va ce soir à Berne avant de défier Zoug et Tobias Stephan demain aux Vernets. Les deux parties se dérouleront à 19 h 45.

 

L’équipe Antonietti, Mercier (bientôt opérationnel) et Rod (de retour dans une semaine) sont indisponibles. La formation sera la même qui s’est brillamment imposée contre Lausanne.

 

Rejeté, Lapierre! Recalé par les New York Rangers, Maxim Lapierre, qui avait joué contre Ge/Servette avec Lugano en demi-finale des play-off, aimerait rebondir en Suisse. Mais ce ne sera pas aux Vernets. «Ce n’est pas une option pour remplacer Santorelli», assure Chris McSorley, qui n’a pas dirigé l’entraînement hier. Il était à Glattbrugg avec les autres managers du pays pour discuter, notamment, des transferts durant la saison.