12 mars 2018

Pour Ge/Servette, les play-off n’ont pas encore commencé. Les Aigles ont été dévorés sans réagir dans la capitale. Les voilà sous pression

 

À Berne, il ne laisse personne indifférent. Tous ceux qui l’ont croisé dans les gradins samedi, entre deux tiers, lui ont serré la main ou lâché un mot sympa alors qu’il était assis en place de presse. «Chris McSorley est tellement malin et si fort pour perturber un adversaire qu’il est impossible de rivaliser avec lui.»

 

Berne s’est royaumé

 

C’est le génial Larry Huras qui le pense et qui l’a révélé dans Le Matin Dimanche. Lorsqu’il était encore entraîneur dans la capitale, il craignait toujours un coup de poker ou de Trafalgar de son alter ego des Vernets. Le coach de l’Ontario faisait alors référence à la dernière finale que les Aigles avaient livrée en 2010 contre les Ours.

 

À cette époque, sur la glace, les Genevois avaient montré un tout autre visage, du caractère, à l’image de leur druide, qui semblait souvent trouver les bons mots pour les galvaniser. Avec lui, ses acteurs se transcendaient, il y avait un duel, des émotions, de l’intensité, un vrai match. Et quand ses hommes perdaient pied, il attirait l’attention sur lui, la foudre du public ou des arbitres. Et souvent, cela fonctionnait!

 

Samedi, pour le premier acte de ces quarts de finale, rien de tout cela. Dans son palais, le champion s’est royaumé sur un patin, profitant de l’insupportable complicité d’un visiteur rapidement dépassé par les événements et relégué au rôle de sparring-partner.

 

Aucune réaction

 

Assis juste devant nous, celui qui est désormais directeur sportif de Ge/Servette a dû plusieurs fois nettoyer ses lunettes, incrédule devant une telle mascarade. L’ex-coach n’a pas reconnu ses guerriers, comme tétanisés par l’enjeu. À la hauteur de rien et en dessous de tout, les Aigles sont tombés bien bas, pour se faire dévorer, sans se débattre. Affligeant. «On ne va pas se laisser faire», avait pourtant promis la veille dans son bureau Craig Woodcroft, encore une fois si impassible devant son banc. Ah les belles promesses!

 

Il n’y a eu aucune réaction, pas de rébellion. Sept, zéro. Tout juste a-t-il demandé, sous la pression de ses hommes, «un coach challenge» (perdu) alors qu’il y avait déjà 5-0! Noah Rod (sous le coup d’une enquête) et Tanner Richard (qui s’est mis toute la patinoire à dos!) ont bien tenté, eux, sous le coup de la frustration, d’allumer le feu, mais il était déjà trop tard. A force de leur répéter toute la semaine qu’il ne fallait surtout pas prendre de pénalités, qu’il était important de se montrer disciplinés, les pitbulls sont devenus des agneaux, les Genevois en ont perdu leur ADN.

 

«Nous savons qu’on peut jouer agressifs sans être pénalisés, assure Floran Douay. Sauf que ce soir on a été bêtes, vraiment mauvais d’entrée, et contre Berne cela ne pardonne pas. Nous n’étions tout simplement pas à notre niveau.» L’excellent état d’esprit soulevé par Kevin Romy jeudi s’était envolé comme par désenchantement. Blablabla, taratata, entre vouloir et pouvoir, il y avait un pas que les Genevois n’ont pas su mentalement franchir.

 

Des paroles aux actes, les Grenat ne sont, en fait, jamais entrés dans la partie. Cette parodie n’aura duré qu’un tiers, le temps à Hischier, Raymond et Bodenmann (deux fois) de renvoyer Robert Mayer et ses camarades la tête basse aux vestiaires. Avant de s’offrir un long monologue. Un portier aux abonnés absents, une défense débordée et une attaque en panne d’inspiration, il n’en fallait pas plus au leader de la saison régulière pour s’offrir une sacrée soirée et appuyer là où les Grenat avaient mal, soit à peu près partout.

 

«Une nouvelle équipe mardi»

 

Bien sûr qu’une pareille correction ne peut être que salutaire. Au-delà du score fleuve, il n’y a que 1-0 dans la série. Mais comment extraire la lumière de cette nuit noire? Les Grenat sont-ils vraiment capables de relever la tête mardi aux Vernets?

 

«Il va falloir vite se réveiller, sinon la série sera très courte, et ce n’est pas ce qu’on veut, estime Floran Douay. On doit montrer plus de caractère et vite se bouger les fesses pour renverser la situation. C’était un peu les vacances pour les Bernois samedi mais je peux vous dire que mardi ce sera une nouvelle équipe de Genève!» Chris McSorley en est aussi convaincu!

 

Mayer a besoin de son ange gardien

 

C’est avec le masque et des yeux bien rougis qu’il a quitté la PostFinance Arena la tête basse, conscient qu’il n’avait pas livré la marchandise. Souvent capable du meilleur mais aussi du pire lorsqu’il se rate comme samedi dans une sortie, Robert Mayer est entré du mauvais pied dans ces play-off. Après deux glissades, il a eu toutes les peines à en ressortir avant de céder son poste à Christophe Bays au début du deuxième tiers. Comme c’était déjà le cas lors des deux dernières années, que ce soit à Lugano ou à Zoug, il a craqué sous le poids de la pression, encaissant quatre buts en vingt minutes, dont les deux premiers étaient entièrement sous sa responsabilité. De quoi amener encore plus d’eau au moulin de ses nombreux détracteurs qui voient en lui un gardien moyen lors des parties capitales. «Il était pourtant fin prêt, assure Sébastien Beaulieu, l’entraîneur des goalies des Vernets, qui connaît la valeur de son protégé, qu’il défendra toujours. Mais il s’est fait prendre dans des trucs où cela ne devait en principe pas arriver. Berne l’a poussé dans ses derniers retranchements et il a mal réagi.»

 

De quoi se poser une question légitime sur sa présence dans la cage ce mardi pour l’acte No 2 sachant que Ge/Servette doit gagner à tout prix? «Je ne peux pas répondre à votre question aujourd’hui», s’excuse le coach québécois des portiers, d’autant plus que c’est Craig Woodcroft qui aura le dernier mot. Or, si Christophe Bays a réalisé une bonne rentrée dans la capitale, une rocade devant le filet pourrait entamer méchamment le mental d’un Mayer qui a surtout besoin d’un ange gardien, qu’on lui redonne confiance.

 

Capitaine des Grenat, Kevin Romy est convaincu que son portier et ses coéquipiers sont capables de relever tous ensemble la tête. «Berne n’est pas trop fort pour nous, non, on n’a pas encore vu le Genève Servette des play-off, estime l’attaquant. On a deux jours pour nous reprendre, tant physiquement et moralement.» Pour le Neuchâtelois, les Aigles doivent surtout retrouver leur combativité et imposer leur rythme, notamment dans les duels. «On les a tous perdus samedi, peste-t-il. À nous d’aller dans les coins, devant le but et bloquer des tirs là où ça fait mal. C’est tout ce qu’on n’a pas réussi à faire. Lors des play-off, ce sont ces détails qui font la différence. Montrons enfin notre vrai visage à Genève en amenant notre jeu physique tout en restant disciplinés. C’est Berne qui a la pression, pas nous. Pour moi, cette série qui se joue au meilleur des sept est loin d’être terminée. Que les gens viennent nombreux aux Vernets, les play-off commencent ce mardi.» Que les masques tombent!