6 septembre 2016

 

Un directeur général qui quitte son poste; voilà une drôle de façon de préparer   le championnat. Hugh Quennec, lui, reste confiant

 

«Commun accord.» Expression curieuse, utilisée pour noyer le poisson dans l’univers impitoyable des RH. La formule est synthétique et bien pratique pour mettre la poussière sous le tapis. Elle a été utilisée hier par Ge/Servette pour rendre public le départ de son directeur général, Christophe Stucki. Après cinq ans de bons et loyaux services, le troisième homme des Vernets a donc choisi de «relever un nouveau défi». A quatre jours de la reprise, la nouvelle interpelle et provoque un certain malaise.

 

Il flottait comme un parfum de tension et d’émotions hier matin à la patinoire. Ce qui devait n’être qu’une banale matinée d’entraînement s’est transformé très vite en matinée des longs couteaux. Vers 11 heures, le bureau de Chris McSorley est devenu «the place to be». Hugh Quennec, accompagné de son conseiller en communication, et Christophe Stucki ont longuement parlé derrière la porte close. Puis, c’est le désormais ex-directeur de Ge/Servette qui a tenu à nous annoncer lui-même sa décision.

 

Trèfle Blanc dans le viseur

 

Drôle d’ambiance à vrai dire. L’émotion est palpable dans la voix et visible dans les yeux. Christophe Stucki évoque ces cinq années durant lesquelles «le hockey est entré dans mon cœur et est devenu une véritable passion. Le GSHC est devenu comme une famille.» Chris McSorley acquiesce autant qu’il semble accuser le coup. C’est que les deux hommes ont développé une véritable relation de confiance et un modus operandi qui a fait ses preuves. Le Canadien proposait et Stucki disposait. Entendez par là que le directeur est celui qui a amené la rigueur dans la gestion. Il aimait rappeler que «chaque franc ne sort que lorsqu’un autre rentre». Il y a parfois eu des tensions, des distorsions. Entre le manager qui rêve et le directeur qui gère, il a fallu parfois débattre, convaincre. Ambiance huis clos dans ce bureau. C’est comme si un malaise planait au-dessus des têtes. Il faut remonter au printemps pour dénicher les prémices de ces tourments qui agitent désormais les coulisses du club grenat. Depuis la fin de la saison, Hugh Quennec s’est mis en tête de modifier la structure administrative et sportive du club qui est à l’aube d’une «nouvelle phase de croissance», dixit le président. Ce développement passe par l’aboutissement et la concrétisation du projet de nouvelle patinoire au Trèfle Blanc.

 

Le jouet du président

 

C’est dans ce cadre-là qu’une armée canadienne a rejoint le conseil d’administration des Aigles au mois de mai dernier. Mike Gillis, ancien manager des Vancouver Canucks doit travailler sous mandat pour encore mieux professionnaliser le club à tous les niveaux. L’avocat Peter Gall, également actif à Vancouver, est celui qui représente les intérêts des investisseurs de la future patinoire. Enfin, Lorne Henning, technicien reconnu et expérimenté en NHL, n’entre pas au CA mais est engagé comme conseiller technique de Chris McSorley. Certains y voient une mise sous tutelle de l’entraîneur-manager pourtant tout-puissant des Vernets. Selon divers avis recueillis au sein même du club, la collaboration épisodique se passe très bien entre les deux hommes et McSorley dit apprécier les échanges avec son aîné.

 

Il faudra sans doute attendre que la glace dise une fois de plus la vérité pour mesurer le degré d’indépendance dont jouit encore l’Ontarien. Car il semble bien que le président a décidé de reprendre en mains la télécommande de son jouet. Il a en tout cas choisi de changer une équipe qui gagne. Depuis trois saisons, Ge/Servette réussissait le tour de force de boucler ses exercices dans les chiffres noirs tout en assurant le spectacle sur la glace avec deux Coupe Spengler et trois participations aux demi-finales consécutives.

 

Ce serait donc pour franchir un cap supplémentaire que Hugh Quennec a décidé de tout chambouler. De quoi faire grincer une machine pourtant bien huilée? Sans doute. De quoi, en tout cas, provoquer le départ du directeur – et bien des remous – à quatre jours de la reprise.

 

Voilà qui n’est pas commun, d’accord?

 

Quennec joue avec le feu. Encore…

 

Mais que se passe-t-il donc à Ge/Servette? Alors que le club se porte bien tant sur le plan sportif que sur le plan comptable, voilà que son président semble foncer la tête la première dans la bande.

 

Au-delà des communiqués, au-delà des sourires de façade, il est désormais évident qu’un gros malaise secoue le club des Vernets. Qui croira qu’un directeur général quitte son poste dans la joie et la bonne humeur à quatre jours du premier match de la saison?

 

Dans les couloirs des Vernets, on murmure. Même son de cloche dans les bureaux du club, où le changement de politique ne se fait pas sans grincements de dents.

 

On se souvient que lors de son passage à la tête du Servette FC (2012-2015), Hugh Quennec était persuadé de pouvoir réinventer la roue. Galvanisé après avoir été le «sauveur» – en cristallisant autour de sa personne un groupe de financiers qui avait évité aux Grenat une deuxième mise en faillite – il avait ensuite fait tout faux, ou presque. Il avait imposé sa vision, son fameux «projet» et mis en place une direction sportive et administrative qui a brillé par son incompétence. A force de jouer avec le feu, le Canadien avait conduit les footballeurs jusqu’en promotion league. Dans les cordes, K.-O. debout, il avait enfin lâché le morceau pour s’en retourner exclusivement à ses affaires glacées. Ce retour en force aux Vernets n’est pas sans conséquences. Un directeur général a déjà choisi de relever un nouveau défi. Oui, Hugh Quennec joue avec le feu. Reste juste à espérer que celui-ci ne soit que de paille.

 

Feu (presque) vert pour la patinoire

 

Questions brûlantes Présent hier aux Vernets, Hugh Quennec a répondu aux deux questions brûlantes du moment: le budget et la future patinoire.

 

Le budget «Il n’est pas définitivement arrêté mais pour le moment, nous sommes sur une très légère baisse. L’an passé, nous avions un budget de 11 millions pour la première équipe. Cette saison, nous serons plus proches de 10,5 millions.»

 

La patinoire Cela fait plusieurs mois désormais que les autorités (Canton, Ville de Genève) attendent que Ge/Servette présente toutes les garanties liées aux investissements pour la construction de la nouvelle patinoire du Trèfle Blanc. Pour mémoire, le projet (stade + bâtiment annexe) est devisé à 110 millions de francs hors taxes. Le Canton mettra 15 millions, la Ville 5, les investisseurs canadiens mettront le reste divisé en deux parts: un apport en fond propres de 35 millions et un emprunt bancaire de 65 millions. Une réunion est agendée le 16 septembre, «où nous serons en mesure de présenter tous les documents demandés ainsi que de répondre à toutes les garanties demandées», affirme Hugh Quennec. Les feux passeraient-ils au vert? Réponse le 16, comme promis par le président.