18 août 2018

L’Ontarien est de retour derrière le banc des Aigles. On l’a suivi au cœur de l’action, lors des Hockeyades

 

Chris McSorley a planté lui-même le décor devant ses joueurs lors de la causerie d’avant-match. «Ce soir nous avons un espion.» Jeudi, la «Tribune de Genève» s’est invitée à vivre le match au plus près de lui, derrière la bande. Le technicien, de retour en poste cette saison, a même accepté de nous ouvrir les portes de son vestiaire. «Merci de lui faire bon accueil», lance-t-il. L’accueil a été bon, mais la boule au ventre au moment d’embarquer sur le banc à 19h30 pétantes a mis quelques minutes à s’en aller.

 

Après une année d’exode en tribunes, l’Ontarien semble n’avoir rien perdu de sa gouaille. Sa routine? Toujours la même. «L’heure qui précède le match est assez inintéressante, je vous conseille de partir un moment», se marre-t-il en renvoyant son assistant d’un jour à la case fondue (les 22 degrés de la vallée de Joux s’y prêtent fort bien). Au début de la rencontre, il continue sur le même ton: «Mettez-vous juste à côté de Patrick Emond (ndlr: l’entraîneur des juniors élite). Je vous conseille de l’écouter lui. Ce sera plus intéressant que moi.» Il rigole de sa propre blague. Se serait-il assagi?

 

Temps mort précoce

 

Alors que Louis Matte, à l’autre bout du banc, s’occupe des défenseurs, le binôme McSorley-Emond se charge des attaquants. Le coach, lui, garde sa voix pour les jeunes qu’il intègre petit à petit dans son équipe. Quelques ajustements tactiques, mais surtout des encouragements. Les mots qu’il prononce sont rares et toujours agrémentés d’exclamations positives. «Good job!» tourne en boucle.

 

Un petit exercice, au passage. Comptez 30 secondes. Aux trois-quarts, arrêtez-vous. C’était long? Alors pensez que les joueurs de Ge/Servette ont vécu cent fois pire lorsque Chris McSorley a pris son temps mort après un quart d’heure de jeu. Le score était de 0-2 contre une équipe de Rouen giflée 9-0 par Lausanne la veille. Intolérable. Le pied posé sur la bande, l’entraîneur n’a pas moufté durant les 25 premières secondes.

 

Il a toisé ses joueurs, bien incapables, selon lui, d’appliquer ses consignes. Les regards des Aigles pris en flagrant délit de passivité étaient dans le vague. Ils n’ont probablement jamais regardé leurs patins avec autant d’insistance que durant cette éternité où Chris McSorley se tait juste là, devant eux. Sur le banc, on n’ose pas fixer autre chose que le vide, avec cette étrange sensation d’avoir été surpris en flagrant délit. C’est fou comme se prendre au jeu peut être rapide.

 

«Musique pourrie»

 

Après cette éternité pesante, McSorley prend enfin la parole. Ce qu’il dit est sciemment réfléchi. Il ne crie pas. Il n’en a pas besoin pour que ses mots fassent effet. La teneur de son discours lors des cinq secondes – qui ont elles aussi été curieusement bien longues – où il a enfin daigné s’adresser à son équipe? Des mots dont la décence interdit la retranscription exacte. «Diantre, vous ne faites pas ce qu’on avait dit.» En gros.

 

Difficile d’imaginer qu’une heure et demie avant ce courroux de 19 h 50, ce même Chris McSorley faisait des blagues à ses joueurs lors de son discours d’avant-match. Et pourtant. «Ça fait une année que je ne suis plus là, mais la musique est toujours aussi pourrie. Qui a fait ça?» Lorsqu’il est entré dans le vestiaire, une grosse heure avant le coup d’envoi de la rencontre, il n’y a pas eu de grandes phrases.

 

«Si les joueurs pensent que je ne suis pas confiant, ils le sentiront. À cet instant, le but est de mettre le focus sur l’essentiel.» Durant son bref speech, les points importants sont rappelés. L’essentiel? Ne pas sous-estimer Rouen. «Hier, cette équipe s’est fait démonter par Lausanne. Comptez sur ces gars pour faire preuve de caractère. Asphyxiez-les dans leur zone. Ils ne doivent pas avoir une seconde pour réfléchir. Contre des équipes comme ça, on n’a pas le droit de subir. Jamais.» La blague potache sur la musique paraît lointaine. Le ton est ferme mais posé. Chris McSorley sait ce qu’il attend de ses joueurs et le leur dit.

 

Après un gros quart d’heure de jeu, un constat s’impose: Chris McSorley aurait pu chanter une comptine dans le vestiaire que l’impact aurait été identique. D’où le temps mort. Après s’être fait souffler dans les bronches, les joueurs du GSHC s’encouragent mutuellement. «Come on boys!» Noah Rod est l’un des plus bruyants. Nouveau capitaine, l’attaquant des Aigles prend à cœur ce statut.

 

Volcan endormi

 

On attendait un volcan, Chris McSorley se révèle être plutôt passif. «Je suis chiant, non?» On ne répond pas mais la surprise devant un tel calme est réelle. Comme ses joueurs, le technicien est probablement encore en rodage. Il a finalement fallu une étincelle pour que la braise prenne. À la suite d’une charge sur Tim Bozon en fin de période, tout s’est animé. Tanner Richard (évidemment!) a allumé à tout-va les Français. S’ensuit un échange de mots doux. Menés 0-2, les Aigles savent que sans émotions, ils ne rentreront jamais dans le match.

 

Et ne comptez pas sur Chris McSorley pour intervenir et calmer ses joueurs. Pas tout de suite. L’agitateur Tanner Richard joue son rôle à merveille. Il excite tout le banc de Rouen. Après quelques minutes de gabegie, l’entraîneur lui demande de se calmer. Il s’exécute et revient à la bande en un éclair, le sentiment du devoir accompli. Le boss lui colle une tape sur l’épaule.

 

Ge/Servette a entamé son match avec un quart d’heure de retard. Grâce à Richard, ils ont enfin patiné et les Aigles se sont finalement imposés sans trop souffrir 6-4. Le réveil grenat a eu lieu quelques instants après le temps mort épique demandé par Chris McSorley. Même assagi, le boss a maîtrisé.