14 mars 2018

L’entraîneur des Aigles a bouleversé son équipe au-delà du raisonnable. Les Grenat sont menés 2-0 par un Berne qui n’a même pas forcé

 

Quelle mouche a donc piqué Craig Woodcroft? Lui qui a eu 50 matches pour préparer les play-off a eu la curieuse idée de tout chambouler dès le match No 2 des quarts de finale des play-off. Une saison à peser le pour et le contre pour tout envoyer valser… Lui qui voulait tenter un coup de poker audacieux se retrouve à la base d’une banqueroute sportive magistrale. Ne manquaient que le goudron et les plumes pour accompagner la sortie d’un entraîneur aux abois.

 

C’est Chris McSorley qui aimait à rappeler qu’au dos de la carte de visite d’un entraîneur, ou d’un manager, on peut y lire que le possesseur de ladite carte «se réserve le droit de changer d’avis en tout temps». S’il est bon de rester fidèle à certains principes, à une ligne de conduite, il n’est pas inutile de parfois savoir se remettre en cause. C’est sans doute ce qu’a fait Craig Woodcroft. On ignore si l’ombrageux Canadien, fort de sa science infuse, a sondé son prédécesseur. Mais il faut bien admettre qu’il a pris son monde de court.

 

Après la claque, mémorable, reçue samedi soir à Berne, celui qui était 3e assistant (ou était-ce 4e?) de l’équipe du Canada aux Jeux de PyeongChang n’est pas resté les bras ballants. Il a passé un savon si piquant à son équipe que certains joueurs en avaient les yeux rougis. Et puis, il a tranché dans le vif… Lui qui a si souvent été fustigé cette saison pour son immobilisme et son conservatisme a littéralement fait exploser son alignement.

 

Les surprises du chef

 

Prenant à contre-pied l’adage soulignant qu’on ne change pas une équipe qui gagne, il a bouleversé son groupe. Exit Michael Keränen et Nick Spaling. Décevants à Berne (mais qui ne l’a pas été?), le Finlandais et le Canadien ont été remplacés par Johan Fransson et par Dominic Forget. Ce dernier, arrivant en droite ligne de La Chaux-de-Fonds, en LNB! Voilà pour la première surprise du chef.

 

C’était avant de provoquer une véritable stupeur en faisant grimper le défenseur international Romain Loeffel en… attaque! On ne sait pas vraiment comment le Neuchâtelois a pris la chose. Flatterie ou brimade après le naufrage de Berne? L’idée du coach était de pallier l’absence de Noah Rod – suspendu pour sa charge contre Eric-Ray Blum – à l’aile du deuxième trio offensif. Si Romain Loeffel n’a de loin pas démérité en attaque (un but lorsque le match était plié), il a clairement manqué en défense, avec sa qualité de première passe et sa capacité à apporter le surnombre.

 

Et quand on constate que dans la tribune VIP, Daniel Rubin, par qui Woodcroft ne faisait que jurer il y a peu, Guillaume Maillard, international M20 qui brille avec les juniors, et même Arnaud Jacquemet, assistant capitaine devenu subitement inutile au point de rester en civil, ont passé la soirée à se ronger les sangs. À se demander ce qu’ils faisaient là… Qu’ils se rassurent, ils n’étaient pas les seuls à s’interroger.

 

Dans les sables mouvants

 

Les choix de Craig Woodcroft ressemblent à s’y méprendre à ceux d’un homme qui ne sait plus vraiment quoi faire. On dit que lorsque l’on s’enfonce dans des sables mouvants, chaque mouvement ne fait que rendre la situation plus précaire encore. À quoi faut-il donc s’attendre pour la suite de cette série? À pas grand-chose si rien ne bouge.

 

Et si le coup de sac venait cette fois d’en haut? Et si la nouvelle équipe dirigeante prenait à son tour une décision un peu folle, courageuse et envoyait Craig Woodcroft en tribunes pour cogiter? Au bénéfice d’encore une année de contrat (la troisième étant valable au bon vouloir du club), l’entraîneur qui coûte bonbon pourrait se voir proposer une activité annexe: il est excellent lorsqu’il s’agit de tirer un café le matin après l’entraînement avant de tirer la couverture à lui face aux journalistes. La Fondation 1890 a sans doute les moyens de proposer une reconversion honorable à un entraîneur qui n’aura jamais convaincu personne d’autre que lui-même. Pas même la mouche qui l’a piqué hier soir…

 

Johan Fransson veut encore y croire… (par Virgulator)

 

Dos au mur, il n’y avait plus de place pour reculer. Comme un instinct de survie, il fallait réagir vite et avancer. Il y a des fessées mémorables dont on ressent les picotements longtemps après que la punition a été administrée. Et d’autres qui ont l’effet escompté, du moins pendant un petit moment, deux tiers d’espoir avant que le mauvais élève ne retombe dans ses travers…

 

Des ambitions en berne et un avenir en garde à vue, Robert Mayer n’a cette fois-ci pas entamé ce match avec une enclume sur le dos. Le destin l’avait giflé, il n’allait pas tendre l’autre joue, croyait-on. L’Aigle a longtemps été royal avec des serres de rapace pour faire face à l’adversité. Il était en feu, il a été irréprochable… deux tiers durant avant de connaître, comme ses petits camarades, une grosse rechute dans les cinq dernières minutes, encaissant, en sautant du puck à l’âme, un quatrième but évitable, entre les jambes, et un cinquième en dessus de son épaule. L’a-t-on déstabilisé?

 

Reste que, comme on pouvait s’y attendre, devant leur public, les Grenat (malgré les choix étranges de leur coach) ont bien réagi, versant rapidement toute leur énergie sur la glace, peut-être bien leurs ultimes économies. Ils sont allés là où ça fait mal, respectant le plan de jeu en y ajoutant des étincelles et de l’émotion. Contrairement à vendredi, les belles paroles de la veille n’avaient pas volé en éclats. L’échec est une bonne source d’inspiration, dit-on. Jusqu’à mi-match, les Genevois ont fait tout juste.

 

Surnuméraire dans la capitale, c’est Johan Fransson qui avait permis à ses coéquipiers de croire au miracle. De retour de PyeongChang, le Suédois avait plein de fourmis sous ses patins, prouvant à son coach qu’il s’était trompé samedi, qu’il avait toujours la forme olympique. «Nous aimerions bien tous rejouer ce troisième tiers, regrette le Suédois. Car nous ne commettrions pas toutes ces erreurs. Durant le reste de la rencontre, nous étions la meilleure équipe sur la glace. À nous de s’appuyer là-dessus pour le troisième acte de jeudi, car c’est loin d’être fini!»

 

Le défenseur qui n’avait pas encore marqué cette saison (sa dernière réussite datait du 25 février 2017 contre Kloten) s’était pourtant juré d’attendre le sixième match de la… finale pour faire trembler les filets et offrir dans la foulée le titre à Ge/Servette. «Ce but-là, je l’ai toujours sous le coude», sourit un Fransson qui veut toujours y croire, même dos au mur…