19 janvier 2016

Le gardien des Aigles déboussole le public avec son jeu à risque et unique. Un choix assumé avec ses entraîneurs et ses coéquipiers

 

Dans les gradins, l’impatience gronde. En coulisses, dans le tout petit milieu du hockey, l’homme divise. Entre les tenants d’un certain classicisme et les adeptes de sa modernité, Robert Mayer prend un malin plaisir à susciter le débat. L’objet de toutes ces discussions passionnées? Le jeu du gardien de Ge/Servette. Jamais encore sur les patinoires suisses un homme masqué ne s’était à ce point intégré sur le plan de jeu. Vous détestez? Nous, on adore!

 

Samedi soir, contre Langnau, Robert Mayer a une nouvelle fois multiplié les sorties loin de son but. «C’est un jeu très intéressant pour l’équipe mais un peu moins pour le cœur des entraîneurs et des supporters, dit Chris McSorley, hilare dans son bureau. Robert est l’une des principales raisons de notre succès depuis trois mois. Son style est unique en Suisse. Il pourrait bien devenir la référence à l’avenir.»

 

Après avoir développé son talent chez les juniors notamment à Kloten, Robert Mayer a été fortement influencé par son long passage en Amérique du Nord (six saisons). Là-bas, le gardien n’est pas que le dernier rempart d’une équipe, il est aussi le premier relanceur. «Ici, cela surprend, témoigne Sébastien Beaulieu, entraîneur des gardiens de Ge/Servette. Mais, outre-Atlantique, les gens sont habitués. C’est vrai que j’entends beaucoup parler des sorties de Robert Mayer depuis le début de la saison. En positif et en négatif! Disons que dans l’opinion, c’est du 50-50.»

 

Il soulage les défenseurs

 

Au sein du staff technique et chez les joueurs, en revanche, le No 29 fait l’unanimité. «Pour un défenseur, c’est le bonheur, dit Eliott Antonietti. C’est lui qui prend les risques et c’est nous qui en profitons en nous épargnant de devoir courir sur chaque puck lancé par l’adversaire en fond de zone. On s’évite des efforts inutiles ainsi que de très nombreux checks contre la bande. L’adversaire a ainsi très peu d’occasion de nous frapper grâce à ces sorties de notre gardien. C’est hyperimportant car c’est bien souvent avec ces situations que le cours d’un match peut parfois changer. Ces relances rapides de Robert empêchent également l’autre équipe de s’installer dans notre zone de défense.»

 

En Suisse, il n’y a guère que Cristobal Huet (LHC) et, dans une moindre mesure, Benjamin Conz (Fribourg) qui s’aventurent loin de leur base. «Cristo est aussi très efficace bien qu’il soit moins habile que Robert Mayer, analyse Sébastien Beaulieu. Il le fait aussi moins souvent. Mayer est le gardien qui intervient le plus dans le jeu. Il touche entre 25 et 30 pucks par match en dehors de sa zone. C’est énorme. Evidemment, cela débouche sur quelques situations chaudes, inévitables, comme samedi contre Langnau (ndlr: sauvetage dans le but vide de Romain Loeffel après une perte de puck dans le coin) . Mais pour l’instant, on croise les doigts, cela n’a jamais débouché sur un but. Mais il faut accepter l’idée que cela puisse arriver.»

 

L’intéressé sourit lorsqu’on le questionne sur la limite entre risque et bénéfice d’une sortie: «Si je le fais, ce n’est pas à la légère, dit-il. J’ai les qualités pour jouer ainsi. Ensuite, je dois faire attention de ne pas trop tarder à relancer. Il y a beaucoup de glace et de place derrière mon but, mais plus tu attends et plus les lignes de passes se ferment. C’est le principal danger.»

 

Plusieurs fois, on a vu Robert Mayer lever la tête et lancer le puck avec une précision diabolique. «Il crée du jeu et des chances de buts pratiquement à chaque match, dit Sébastien Beaulieu. C’est assez exceptionnel. On doit maintenant travailler pour limiter les risques et les mauvaises décisions. Quand il est fatigué, il manque parfois un petit peu de lucidité. C’était sans doute le cas contre Langnau.»

 

Une saison remarquable

 

Une telle implication dans le jeu de son équipe à de quoi offrir de bien belles satisfactions à l’acteur principal. «J’aime cet aspect du jeu, sourit Robert Mayer, sinon je ne le ferais pas… Mais pour un gardien, l’essentiel restera toujours ailleurs. Je préférerais toujours un big save à une belle passe. Mon job principal consiste quand même avant tout à ne pas prendre de but et à aider mon équipe à gagner des matches.»

 

Après des débuts un peu difficiles la saison passée, Robert Mayer réussit un championnat remarquable de densité (92% d’arrêts). «J’ai enfin pu me préparer sans être handicapé par les blessures, rappelle-t-il. Ça fait toute la différence.» Les joueurs ont adopté son style. Reste au public à faire de même. «J’admets que l’on puisse être inquiet, dit Sébastien Beaulieu. Mais il faut comprendre que l’on ne fait pas ça n’importe comment. Robert possède d’incroyables qualités techniques ainsi qu’un patinage excellent. Son jeu, c’est 95% de positif pour 5% de risque. C’est vraiment bénéfique. C’est le genre de jeu qui peut nous faire gagner des play-off.»

 

De quoi faire changer d’avis les sceptiques… 

 

Power-play

 

A l’affiche Ge/Servette reçoit Berne ce soir aux Vernets (19 h 45).

 

Effectif Bays, Almond, Slater, Mercier, Kast et Traber sont blessés.

 

Re tour On avait remarqué sa présence en tribunes samedi soir aux Vernets. C’était bon signe pour un joueur victime d’un gros choc à la tête et à la nuque il y a dix jours à Berne. Et bien, Jim Slater était sur la glace hier matin! «C’est un dur, dit Chris McSorley. Nous ne prendrons aucun risque et c’est lui qui décidera de la date de son retour au jeu.» Ce week-end déjà? Rien n’est impossible avec l’Américain.

 

Coup dur Cody Almond doit mettre un terme à sa saison. Samedi, il a été réopéré à l’épaule droite, celle qui avait été touchée le 19 septembre contre LHC. Alors que sa rééducation se passait bien et que le Canado-Suisse espérait revenir au jeu au mois de février, une complication inattendue a rendu inévitable une seconde intervention. «Il reviendra plus fort», se persuade Chris McSorley, désolé pour son joueur