24 novembre 2017

Dans une situation financière tendue, GE Servette réclame 500 000 francs aux collectivités publiques en faveur de la relève. Son insistance suscite inquiétudes et tollé.

 

Des subventions pour renflouer la trésorerie de la SA? Le triste feuilleton de GE Servette ne fait pas qu’inquiéter. Il agace aussi. Surtout quand le club exige le versement rapide de subventions. Dans les faits, les collectivités publiques doivent bel et bien un demi-million de francs à l’Association Genève Futur Hockey (AGFH), présidée par Hugh Quennec. Une source au canton nous a confirmé le montant. Avant de nous indiquer que son déblocage est, normalement, de l’ordre de la formalité.

 

Il existe en effet un contrat de prestations qui lie l’AGFH au canton et à la Ville de Genève. Celui-ci doit permettre une formation optimale des meilleurs juniors de la région. Pour ce faire, des frais sont engagés. Sur le fond, il est donc légitime, selon les accords passés, que l’argent dû par l’État et la Ville arrivent tôt ou tard à leurs destinataires, soit les personnes chargées de l’élite locale. Mais pas n’importe comment.

 

Scandalisés par la démarche

 

C’est justement là que le bât blesse. L’aplomb dont a fait preuve, à deux reprises cette semaine – par le biais d’un communiqué de presse envoyé aux médias le 21 novembre, puis par l’intermédiaire de François Bellanger, membre du conseil d’administration de la SA, hier dans nos colonnes –, le GSHC pour réclamer ces 500 000 francs irrite dans le milieu politique et associatif genevois.

 

Plusieurs personnes qui s’investissent bénévolement – ou se sont investies – pour offrir aux enfants la possibilité de jouer au hockey sont même scandalisées par la démarche. «Je m’interroge au sujet de la trésorerie de la SA, nous a par exemple écrit l’un d’eux. Le versement de l’indemnité des collectivités publiques à l’AGFH est mentionné comme remède numéro 1 pour résoudre les tensions financières actuelles au niveau de la SA. Cette indemnité est insignifiante dans le budget global du club. Qui plus est, elle n’est pas destinée à la SA, d’où mon étonnement. (…) L’argent versé à l’AGFH est destiné, selon un cahier des charges assez précis, à financer des prestations clairement exprimées dans les statuts de l’Association. À aucun moment, il n’est question d’alimenter les caisses de la SA.»

 

Autre réaction nettement moins longue, mais tout aussi pertinente, qui nous est parvenue: «Ce qui me surprend, c’est que la trésorerie du GSHC SA soit subordonnée à la subvention versée par le canton à l’AGFH. Je pensais que ces deux entités étaient totalement indépendantes.»

 

«Méthodes de sinistre mémoire»

 

À ces interrogations et remarques de personnes souhaitant rester anonymes – elles ont toutes subi, à un moment ou à un autre, les intimidations d’Hugh Quennec – s’ajoutent quelques piques envoyées par les politiciens contactés par «Le Matin», dont celle-ci. Elle résume bien le sentiment général. «C’est assez culotté de réclamer ce dû ainsi, d’autant qu’il (ndlr: cet argent) est régulièrement sujet à des discussions et des négociations longues au niveau des législatifs du canton et de la Ville. En sus, ça me rappelle des méthodes de sinistre mémoire, employées par M. Quennec juste avant les déboires du Servette FC sous sa présidence.»

 

Qui plus est, le GSHC réclame ces subventions aux collectivités publiques dans un contexte particulier. La Cour des comptes avait déjà audité la manière dont l’AGFH utilise l’argent public. Le 30 juin 2016, elle soulignait que sur les dix recommandations formulées plus de deux ans et demi auparavant, seules six avaient été mises en place et quatre autres étaient «non réalisées». En outre, un nouvel audit de l’AGFH, lancé en février 2017 par le canton et la Ville – il est mené par la fiduciaire Berney et Associés –, est en passe d’être finalisé en ce moment même. Objectif: que la gestion sur les plans administratif et financier de l’Association soit décryptée dans le détail.

 

Mais cette surveillance accrue n’empêche aucunement le GSHC de réclamer cet argent. «Il a été avancé par le secteur professionnel pour financer l’Association. Il est normal qu’il lui revienne», nous dit-on du côté du club. Pas sûr que cela suffise à convaincre les sceptiques.

 

L’«accord historique» a vécu

 

Le 21 juin 2016, un communiqué de presse grandiloquent était publié. Intitulé «Accord historique pour le hockey genevois», il soulignait: «Après des années de discussions, un accord est intervenu ce 6 juin avec la signature du partenariat entre l’Association Genève Futur Hockey (AGFH), le Genève-Servette Hockey Club Association (GSHC Association), le Club des Patineurs de Meyrin (CPM), le Hockey Club 3 Chênes (HC3C) et l’Association cantonale genevoise de Hockey sur Glace (ACGHG). Il porte sur la collaboration visant à favoriser l’éclosion des hockeyeurs genevois, garçons comme filles, et leur permettre d’atteindre leur meilleur niveau sportif dans un encadrement de qualité.» Hugh Quennec, président de l’Association Genève Futur Hockey, déclarait, enthousiaste: «C’est un moment historique. (…) Nous allons harmoniser sur le plan cantonal des méthodes de formation, ce qui nous permettra à terme de donner une identité forte à notre équipe de National League et aux premières équipes de chaque club partenaire.» Dix-sept mois se sont écoulés depuis. Selon nos informations, Trois Chênes et Meyrin ont déjà dénoncé l’«accord historique» car ils n’arrivaient pas à collaborer à satisfaction avec les pensionnaires des Vernets.