5 mars 2018

L’Aigle retrouvera Berne en play-off. Le duel sera plus serré que ne le laisse croire le classement. La série pourrait bien faire des étincelles

 

Une patinoire pleine comme un œuf. De l’électricité. Un pub qui déborde de monde jusque sur l’esplanade qui jouxte la piste extérieure des Vernets. Et au centre de l’établissement, Chris McSorley. Comme au temps de sa splendeur et de ses pleins pouvoirs, le Canadien rayonne et papillonne. Il sert des verres de vin et serre des mains. Sourire aux lèvres, comme toujours, il prend la pose pour des selfies avec les fans qui, eux aussi, ont retrouvé des motifs de satisfaction. Ge/Servette est qualifié pour les play-off. En brillant mais sans gagner. C’est la victoire de Kloten à Langnau qui a enlevé une belle épine du pied aux joueurs et quelques gouttes de sueur aux supporters. Le match de ce soir à Berne servira donc de répétition générale, puisque c’est bien le double champion en titre que les Aigles retrouveront en quart de finale.

 

Une histoire partagée

 

L’adversaire convoque les souvenirs les plus excitants et les plus douloureux. Ge/Servette et Berne ont une véritable histoire commune. Le duel se nourrit d’un passé riche autant de coups de génie que de coups de vache. Le but de Thomas Déruns en finale en 2010. Oleg Petrov, massacré à la BernArena, provoquant une colère mémorable d’un certain Chris McSorley. L’homme a toujours fait le show contre cet adversaire nanti. L’Ontarien n’aimait rien tant que les succès arrachés à la BernArena. Réduire au silence 17 000 spectateurs est un nectar aussi délicat que le bon bordeaux qui coule parfois à flots lors des soirées d’après-match.

 

Est-ce la perspective de retrouver cet adversaire en séries qui a provoqué son retour dans l’arène populaire? Sans doute un peu. Mais c’est surtout le changement radical de contexte qui se ressent à tous les étages du club. S’il reste bien du travail à la Fondation 1890 et à son président, Didier Fischer, force est de constater que depuis que le club a changé de mains, tout a changé. «Pour nous, joueurs, c’est un vrai plaisir que de pouvoir se concentrer uniquement sur les affaires de la glace et ces play-off qui arrivent, témoigne Romain Loeffel, désireux de finir sa belle histoire grenat sur une note positive. Il y a eu énormément d’ondes négatives ces derniers mois. C’est dire qu’une soirée comme celle que nous venons de vivre doit être appréciée à sa juste valeur. Je tiens d’ailleurs à remercier les fans, qui sont de retour aux Vernets malgré tout. Une patinoire pleine, c’est magique. Alors oui, rien de tel que ces matches du samedi soir.»

 

Communion avec le public

 

Cette communion avec le public se poursuivra-t-elle longtemps? Comme d’habitude, chacun y va de son refrain sur la nouvelle saison, où tout est possible. «Ce sera bouillant», concède Chris McSorley. Au vu du match de samedi et en attendant le dernier, ce soir à Berne, difficile de lui donner tort. Au-delà de la défaite, il faut retenir la manière. Avec ce qu’il ne faut pas faire et ce qu’il faut faire. «Nous ne devons plus répéter notre début de match, reconnaît Juraj Simek. Nous étions trop passifs. Sous pression. Il faudra se souvenir de notre belle réaction. après avoir encaissé le 2-0. Je crois sincèrement que nous avons des atouts pour battre Berne. Chaque match de la saison a été très serré.»

 

Sur le plan tactique, il ne fait guère de doute que l’avantage des Bernois sera important. Cette équipe est organisée au millimètre par le Finlandais Kari Jalonen. «À Berne, il n’y a pas un joueur dont il faut se méfier, il y en a vingt!» sourit Romain Loeffel. Une façon de constater que lorsque de fortes individualités se mettent au service d’un système, la mission de l’adversaire devient très compliquée.

 

De l’avis de plusieurs spécialistes, c’est peut-être pourtant ce Ge/Servette, un peu chien fou, qui possède les meilleures armes pour faire trébucher le champion. En premier lieu, il y a ce défi physique et mental qui sera proposé aux Bernois. Avec de grognards de la trempe de Goran Bezina, Daniel Vukovic ou Johan Fransson, des jeunes loups comme Noah Rod, Damien Riat et Floran Douay, les Aigles ont de quoi répondre avec fermeté aux provocations. Et avec un certain Stéphane Da Costa, ils ont dans leur rang un patineur hors norme qui a tout pour devenir le héros des séries finales.

 

On n’a peut-être pas fini de (re)voir Chris McSorley au pub…

 

«Un dernier match pour faire passer un message»

 

Drôle de match ce soir à la BernArena. Comment jouer «pour beurre» contre un adversaire que l’on retrouvera «pour de bon» six jours plus tard en play-off? «Nous avons notre qualification en poche et nous irons à Berne avec la ferme intention de faire passer un message à notre adversaire, répond Romain Loeffel. Jusqu’à présent, nous leur avons à chaque fois posé des problèmes. Parfois avec un peu de réussite, comme lorsque nous avions joué avec une équipe décimée, mais pas seulement.»

 

Même discours chez Juraj Simek. «Pas question de jouer avec le frein à main, dit-il. Ce serait le meilleur moyen de se blesser. On ne peut pas être à 50%. Sinon, ce n’est pas la peine d’espérer quoi que ce soit.»

 

Le dernier rendez-vous de la saison régulière aux Vernets a permis de rappeler certaines vérités. Si Berne plane au-dessus de la mêlée, c’est tout sauf le fruit du hasard: une gestion financière rigoureuse, une gestion humaine et sportive impeccable – un peu de tout ce qui a manqué à Genève lorsque Mike Gillis et Hugh Quennec avaient la responsabilité des affaires. Eux qui rêvaient d’un modèle nord-américain pour Genève auraient mieux fait de s’inspirer du modèle bernois, parfaitement adapté à la culture des fans en Suisse. Passons…

 

Le résultat de tout cela, c’est une équipe construite avec intelligence et clairvoyance. «Chaque joueur qui signe à Berne le fait pour une raison précise et pour répondre à un besoin spécifique, explique le défenseur Jérémie Kamerzin. Ici, l’intérêt du club passe clairement avant celui des joueurs. Au quotidien, cela veut dire que personne ne se contente de ce qu’il a mais travaille constamment pour garder sa place.»

 

Samedi soir, pendant les vingt premières minutes, la grosse machine bernoise a broyé les Aigles. Vitesse, précision, il a fallu un tout bon Robert Mayer pour éviter à l’équipe de sombrer à ce moment-là. Du coup, on en viendrait presque à pardonner au gardien genevois sa grosse boulette du deuxième tiers (0-2). Car ensuite, Genève est revenu à l’énergie. en faisant preuve de caractère. Sa nouvelle profondeur de banc (bel apport de Grossniklaus en défense) lui permet de ne plus s’essouffler. De quoi, là aussi, faire passer un message.