17 janvier 2018

Les Aigles menaient de deux longueurs avant de voir Berne revenir et s’imposer en prolongation. La lutte pour les play-off sera rude

 

Un joli morceau de bravoure. Il y a parfois des défaites qui ne laissent que des regrets et pas de remords. Que peut-on reprocher à Ge/Servette, battu dans la prolongation par la meilleure équipe de Suisse? Pas grand-chose, dans les faits. Avec une défense ultralight, il fallait ni plus ni moins tenir la baraque face au leader incontesté du championnat. Un double champion en titre qui crée du jeu comme personne et qui dispose d’une force offensive assez affolante (meilleure attaque du championnat).

 

Le défi était coriace pour le rapace. Comment contrer quatre lignes aussi redoutables et équilibrées? Comment ne pas sombrer comme samedi dernier à Lugano (6 buts encaissés dans le tiers médian)? «En retrouvant la rigueur qui a fait notre force au mois de décembre, expliquait Eliot Antonietti. On doit surtout ne plus laisser de l’espace devant notre gardien. Cela passe par une maîtrise du joueur et de sa canne, notamment.»

 

De la parole aux actes

 

Il fallait donc du sérieux. Bien davantage que lors de la victoire rocambolesque contre Davos (6-5 après la prolongation). Car il est également évident que Berne n’offre pas autant d’espace que les Grisons. Du discours convenu d’avant match, les Aigles ont eu l’immense mérite de passer aux actes pendant plus de deux tiers. Le tout en livrant une prestation très aboutie. N’était-ce un bilan comptable décevant après le double coup de massue signé Mason Raymond et un power play inefficace malgré plusieurs situations chaudes.

 

C’est donc le redoutable attaquant bernois qui a été l’homme de la fin de match. C’est lui qui a tout d’abord égalisé lors d’une grosse séquence offensive bernoise. Une action sur laquelle Robert Mayer peut plaider coupable de n’avoir pas sécurisé son entrejambe… Mais c’est surtout une action qui est venue conclure une longue période de domination des Bernois. De la 50e à la 55e, les Aigles n’ont plus touché le puck. À bout de souffle, on regrettera peut-être que le coach genevois, toujours aussi peu entreprenant, n’ait pas pris un temps mort pour au moins casser le rythme.

 

Une défense décimée

 

Qui ne tente rien n’a donc presque rien au final puisque dans la prolongation, c’est ce même Mason Raymond qui s’en est allé pétrifier les Vernets en gagnant son duel, un peu chanceusement cette fois, avec Robert Mayer.

 

Il ne faudrait toutefois pas sombrer dans la sinistrose car la performance de Ge/Servette doit aussi être replacée dans son contexte. On veut bien sûr parler des blessures, qui plombent essentiellement la défense (privée de Bezina, Jacquemet, Mercier et Vukovic). Mais on doit également évoquer un contexte extrasportif toujours aussi délétère. Malgré l’annonce d’une bouffée d’oxygène qui doit permettre à Ge/Servette de respirer le temps que ses problèmes de liquidités trouvent une solution durable (lire ci-dessous), Hugh Quennec reste l’homme qui cristallise les tensions. Les Vernets ont franchi une étape de plus dans l’expression d’un ras-le-bol dont seul le président, qui s’accroche au club comme une moule à son rocher, ne semble pas prendre la mesure. Banderole lapidaire et chant qui le sont tout autant. Affublé du fidèle Marc Rosset à ses côtés, le Canadien a-t-il entendu le kop lui suggérer de laisser tomber l’affaire dans un «casse-toi Quennec» que n’aurait pas renié Nicolas Sarkozy? Selon le directeur du club, Pierre-Alain Regali, Hugh Quennec restera au moins jusqu’à la fin de la saison l’actionnaire majoritaire (unique?) du club.

 

En attendant que le sac de nœuds se démêle, les joueurs peuvent donc se concentrer sur le jeu. Rien que le jeu. Car sur la glace, la situation est loin d’être acquise. La lutte pour accéder aux play-off sera féroce. Les Aigles ont laissé filer une belle occasion de distancer Fribourg, battu lui aussi en prolongation à Zoug. «C’est dommage d’avoir laissé filer la victoire, reconnaît Guillaume Maillard, premier buteur de la soirée. Mais notre prestation n’a vraiment rien à voir avec celle de samedi à Lugano. Au Tessin, ce n’était pas Ge/Servette sur la glace. Ce soir, on a vu notre vrai visage.»

 

C’est sans doute là l’essentiel. Car il faudra encore livrer bien d’autres morceaux de bravoure – à commencer par samedi à Fribourg – pour que la saison se prolonge. Tout au moins sur la glace.

 

Une solution financière transitoire pour que le club garde la tête hors de l’eau

Daniel Visentini

 

En apnée depuis si longtemps, Genève-Servette a trouvé une bulle d’oxygène. MM. Quennec, Gillis et Gall, membres du conseil d’administration, ont annoncé avoir apporté la somme de 1,2 million dans les caisses. Cette solution transitoire répond à l’étranglement financier qui laissait la trésorerie exsangue, faisant planer les pires menaces sur la survie du club.

 

«Cet apport de liquidités permettra de payer les factures les plus urgentes», est-il précisé dans le communiqué. C’est bien, la situation nécessitait un geste fort de la direction, qui affirme aussi qu’une solution pérenne sera finalisée ces prochaines semaines. Mais comment prendre, dans les faits, cette aide qui permet au club de garder la tête hors de l’eau?

 

À tout considérer, on peut dans un premier temps saluer l’effort fourni par ces trois membres du conseil d’administration. Il y a là le président, qui détient toutes les actions et qui devrait, par convention, en donner la moitié et le pouvoir à Mike Gillis, appelé à être le nouvel homme fort. Seul souci: cette transaction est conditionnée à l’obtention des travaux prévus au Trèfle-Blanc par les investisseurs de la nouvelle patinoire. Ces derniers sont représentés par Peter Gall, bien sûr conscient de la nécessité d’avoir un club en vie pour que le projet continue de faire sens. Ces trois hommes-là sont au moins aussi conscients de la nécessité de sauver le club, ou en tout cas d’éviter le pire, que du lien qui les réunit autour du projet immobilier en cours.

 

Ils évoquent également une solution pérenne qui sera bientôt trouvée. Laquelle? Passe-t-elle par la vente des actions de Hugh Quennec au groupe local qui s’est constitué et qui met justement la touche finale, ces jours, à son plan? «Pour l’instant, comme nous n’avons pas reçu d’offre de la part de ce groupe, nous ne pouvons pas entrer en matière, explique Pierre-Alain Regali, directeur général. Nous verrons le moment venu. Nous explorons toutes les pistes.»

 

Bien sûr, ce 1,2 million va faire du bien au club. Il va déjà lui permettre de payer les loyers en retard des Vernets, ainsi que d’autres fournisseurs, les salaires de janvier étant garantis comme les dirigeants l’affirment d’ailleurs. Mais après? Quel horizon pour que cette somme ne s’apparente pas à un emplâtre sur une jambe de bois? Cette aide nécessaire n’existe-t-elle que dans l’attente de l’aval officiel du Conseil d’État pour les investisseurs du Trèfle-Blanc? Et si cette confirmation officielle ne devait pas venir, les problèmes resurgiraient-ils à nouveau dans quelques semaines? D’autant plus que le communiqué fait état d’un trou, à la fin de la saison, qui ne dépasserait pas 6 millions. Sans compter les recettes des play-off peut-être, ou sans les mesures d’économies mises en place (les joueurs partent sans être remplacés…).

 

Il n’en demeure pas moins un problème de gestion pour qui n’a pas pu verser le premier loyer pour les Vernets, en août déjà. Et d’autres tirent la sonnette d’alarme en assurant que ce trou serait plus proche des 8 millions…

 

Genève-Servette en est là aujourd’hui. Il suffoque moins qu’hier mais est sans doute encore loin de respirer à pleins poumons. L’avenir du club se jouera en effet ces prochaines semaines.