30 mars 2015

Les Aigles ont tout donné face au champion. Ils quittent la scène avec des regrets mais aussi des gages pour l’avenir

 

C’est un bruit sec et métallique. Un palet qui s’écrase sur le poteau suscite instantanément son lot de frustration. Comme le signe que malgré toutes les bonnes volontés du monde, ce ne serait pas leur soirée. Ge/Servette est tombé les larmes à la main. Il quitte le championnat la tête haute et peut faire ses bagages. Il emmènera avec lui des valises de regrets, quelques sacs de déception mais aussi un coffre dans lequel se cachent quelques pépites.

 

Ainsi va une soirée d’élimination devant son public. La joie, la fierté d’avoir une dernière fois mis le champion dans ses petits patins sont fortement tempérées par la douleur d’une saison qui s’achève. «C’est dur d’être fier de ce que l’on a accompli, souligne Romain Loeffel, l’homme qui a ressuscité le jeu de puissance des Grenat cette saison. On paie sans doute l’addition de toutes les absences qui nous minent depuis un moment. Ce samedi soir, il n’a une nouvelle fois pas manqué grand-chose. Ils ont été bons en power-play et pas nous. J’en prends d’ailleurs une grande part de responsabilité.»

 

McSorley fier du groupe

 

Le discours du Neuchâtelois illustre à merveille l’ADN de cette équipe qui aura longtemps été en gestation au cours d’une saison parfois terne. Rares ont été les soirées de feu lors des 50 rondes du tour de qualification. Quelle différence avec ces play-off qui sont à classer dans les très bons crus! On y a découvert que, dans ce groupe, «personne ne triche», entend-on souvent. Personne ne se cache derrière son coéquipier. Non, dans ce groupe, on serait plutôt du genre à se jeter sur les pucks pour protéger son camarade de jeu. On se fourvoie le temps d’un match (2-7 contre Lugano, 0-8 contre Zurich), on se remet en question et on réagit.

 

«Je n’ai jamais dirigé un groupe comme celui-là, analyse Chris McSorley. Une fois encore, ils ont mis tout ce qu’ils avaient sur la glace, rien n’est resté au vestiaire.» Une fois encore, une fois de trop, c’est le manque de réalisme qui aura été fatal lors de cet ultime acte d’une demi-finale palpitante.

 

«C’est dur car une nouvelle fois on s’est donné les moyens de gagner, analysait un Goran Bezina très ému. A chaque match nous avons des grosses périodes de domination. Même quand on en prend huit, on domine le premier tiers sans scorer. Contre cette équipe, c’est la clé d’ouvrir le score car sinon elle est redoutable et te met des contres terribles.»

 

Ce réalisme, Roman Wick et Cie en ont une fois de plus fait preuve. Il y a tellement de talent dans ce groupe que c’est presque lui enlever un peu de mérite que d’avoir profité, sur ce dernier match, d’un coup de pouce des arbitres qui ne fera que renforcer ce sentiment qu’«on ne prête qu’aux riches».

 

Comment Messieurs Massy et Wiegand ont-ils pu ignorer autant de fautes flagrantes au plus fort de la domination des Aigles en début de match? Et comment ont-ils pu envoyer très sévèrement Bezina sur le banc? Une sanction synonyme d’ouverture du score du champion. «Ensuite, tu cours après l’égalisation et tu te fatigues. Alors quand tu te retrouves pendant deux minutes à 3 contre 5, ça devient très compliqué.»

 

Une fois de plus, les arbitres n’auront pas directement décidé du sort d’un match. Zurich était clairement supérieur à ce Genève Servette décimé par l’absence de six pions essentiels. Mais les «zébrés» ont terni la soirée. Ils n’auront en revanche pas réussi à empêcher le public de communier avec ses joueurs.

 

Les jeunes pleins de culot

 

En cette fin de saison, une équipe est née. Le club, lui, s’installe pour la deuxième fois de suite dans le quatuor du championnat. Une telle régularité est inédite pour les Aigles. «Les fondations sont très solides, admet McSorley. Nous aurons quelques retouches pour être encore plus forts.»

 

La fin de saison a également vu l’émergence d’une bande de jeunes admirables. Florent Douay, Tim Kast et Auguste Impose ont été formidables de talent et de culot. Comme lors de cette dixième minute. Un bruit sec et métallique a traversé les Vernets. Un tir sur le poteau peut aussi susciter les espoirs les plus fous.

 

Le boss a-t-il enterré Goran Bezina trop tôt? (par Virgulator)

 

Il a encore posé son corps, son cœur et son honneur sur la glace. Jusqu’au bout. Comme toujours. Comme la saison dernière, lorsqu’il avait fini, au Hallenstadion, sous infiltration, sur les rotules. Il avait joué avec les genoux en compote et un tibia fissuré. Une fois de plus, il a «tout donné». «Mais, soupire Goran Bezina, cela n’a pas suffi.» Toujours en quête de son premier trophée de champion, le capitaine des Aigles nourrit aujourd’hui de gros regrets.

 

Il y a des trémolos dans sa voix et des yeux qui brillent plus que d’habitude. «On a gagné la Coupe Spengler, c’est beau, mais on en voulait plus, poursuit-il. On était prêt pour aller chercher ce titre, mais malheureusement, avec la maladie et les blessures, cela n’a pas aidé face à une équipe aussi forte que Zurich…»

 

Alors que le rideau du dernier acte a été tiré depuis une bonne quinzaine de minutes, les fans scandent son nom à tout va. On l’appelle comme s’il venait de disputer son 589e et dernier match de championnat en grenat. Comme ce fut le cas avec Tobias Stephan il y a douze mois. Que d’émotions. C’est la tournée du patron avec un tour d’honneur qui ressemble méchamment à des adieux.

 

Parce que durant ces onze saisons où il a porté le maillot genevois, le soldat Goran n’a jamais triché, c’est avec la main sur le cœur qu’il s’est immergé dans le coin des fidèles, des lames en peine et la chair de foule. «On m’a peut-être enterré trop vite», lance-t-il, plein d’espoirs à tous ces fans qui le supplient de rester.

 

Alors qu’il a encore un an de contrat, il ne demande qu’à l’honorer. Le fait que Chris McSorley a tout fait pour le démoraliser en le plaçant en attaque en début de saison avant de lui enlever petit à petit des responsabilités (au niveau du power-play, notamment) ne change rien. Il est évident que Bezina a des contacts ailleurs, à Lausanne ou à Fribourg. Mais cela ne signifie pas qu’il va changer de vestiaire. Quand cette forte tête, réputée pour sa franchise, assure qu’il n’a pas signé un contrat de deux ans avec Gottéron, on doit le croire. «Pour l’instant, je vous le répète, je n’ai aucune certitude, rien n’est fait.»

 

Dans son bureau, McSorley est tout aussi emprunté. «S’il désire tenter un nouveau challenge ailleurs, je respecterai son choix, lâche le chef. S’il veut rester en jouant moins, aussi. C’est lui qui décidera…» Et s’il restait un an de plus?

 

Qui en 2015/2016?

 

Gardiens Robert Mayer conservera la confiance de ses entraîneurs. Il sera secondé par Gauthier Descloux et Christophe Bays.

 

Défenseurs Avec le retour de Marti, Loeffel, Vukovic, Antonietti, Mercier et peut-être Goran Bezina (qui sait?), les Aigles ont une base solide. Iglesias, performant en fin de saison, recevra-t-il une offre? Le prometteur Joey Dupertuis devrait être intégré plus régulièrement. Décevant, Trutmann devrait quitter les Vernets malgré un contrat valable encore un an. Idem pour Paul Ranger. Un défenseur suisse est dans le pipeline.

 

Attaquants Peu de changements au niveau suisse. Kast, révélation de la saison, a sans doute convaincu Chris McSorley. En fin de contrat, Chris Rivera devrait rester fidèle à «son» club. Avenir plus incertain pour Roland Gerber et Arnaud Jacquemet. Florent Douay, lui, devrait s’engager pour le long terme. Un ancien junior du club, actuellement en Suède devrait revenir.

 

Etrangers Matthew Lombardi, et Tom Pyatt seront là. Matt D’Agostini est la priorité de Chris McSorley. Taylor Pyatt a laissé entendre qu’il allait mettre un terme à sa carrière. Picard, malgré un contrat de deux ans, pourrait s’en aller (en Allemagne). Deux nouveaux renforts de premier plan sont attendus.