17 octobre 2018

Six matches aux Vernets, 17 points. Ge/Servette est invincible chez lui. Mysticisme ou faits rationnels?

 

N’allez pas croire que l’on commet le crime de remettre en cause les vertus quasi mystiques du «Cé qu’è lainô». Mais à voir Ge/Servette étaler ses adversaires les uns après les autres depuis le début de la saison dans son antre, il est temps d’essayer de percer le secret de cette invincibilité aux Vernets. Une patinoire dont Chris McSorley voulait faire à nouveau une forteresse imprenable. En chœur, le staff et les joueurs entonnent (en plus du «Cé qu’è lainô») le refrain du soutien infaillible des spectateurs. Évidemment, il y a de ça. Mais est-ce vraiment tout?

 

Lors du Mondial en Suisse en 2008, Ralph Krueger avait parlé de «Heimnachteil». Le désavantage de jouer à la maison en raison de la pression inhérente au public. Aujourd’hui encore, l’évocation de cette phrase malheureuse fait pouffer dans le petit monde de la rondelle. Car oui, jouer à domicile amène une multitude de légers avantages qui, mis bout à bout et bien utilisés, font souvent la différence.

 

Il y a plusieurs petites règles qui permettent aux formations évoluant à domicile de bénéficier de petits privilèges çà et là. Mais il y en a une majeure: le dernier choix des lignes. En clair, l’entraîneur à la maison décide de ses pions qu’il pourra avancer face aux lignes adverses. «Cela me permet de cacher parfois des joueurs inexpérimentés en bout de banc, nous souffle Chris McSorley, coach pour le moins expérimenté. C’est précieux lorsque vous ne comptez pas sur un contingent avec des internationaux dans les quatre lignes, comme d’autres équipes.» À l’extérieur, justement, ces éléments peuvent être exposés et une quatrième ligne peut soudainement se retrouver face aux meilleurs trios adverses. Fatal.

 

«Et McSorley est particulièrement bon dans la gestion de son alignement, se souvient Bob Hartley, coach des Zurich Lions lors de la saison 2011-2012. Lorsque son équipe évolue à domicile, c’est un entraîneur qui saura toujours créer le bon duel pour mettre ses joueurs en évidence. Sa connaissance parfaite de la ligue et du marché lui permet d’avoir toujours un coup d’avance sur la concurrence. Il saura par exemple si tel ou tel défenseur a une faiblesse qui pourrait être exploitée.»

 

«Une patinoire chaude»

 

Vainqueur de la Coupe Stanley en 2001 et du titre de champion de Suisse lors de sa seule saison en LNA, Bob Hartley n’a pas son pareil pour déjouer les plans tactiques de ses adversaires. «Gagner aux Vernets n’est jamais une mince affaire», plaide-t-il. L’actuel entraîneur à succès de l’Avangard Omsk se souvient d’ailleurs comme si c’était hier de l’un de ses deux seuls déplacements au bout du lac, avec les ZSC Lions. «On n’avait pas réalisé un bon début de championnat, nous a-t-il confié. En se rendant à Genève, on savait que la soirée serait compliquée. La patinoire est chaude, mais surtout les bandes sont spéciales et l’environnement l’est tout autant. Bref, tu n’y vas pas de gaieté de cœur. En plus, c’est loin.» Mais Zurich s’était imposé après prolongation et avait lancé une belle dynamique. «Cette victoire a été l’acte fondateur de notre titre, a-t-il expliqué. Nous étions menés 2-3 et devions effacer un 3 contre 5 à quelques minutes de la sirène finale. Au lieu de cela, nous avions marqué et gagné le match. Après ce succès, nous étions invincibles.» Comme quoi, un titre peut également se gagner aux Vernets…

 

Un avantage à domicile

 

Le bilan en première période est ce qui épate le plus dans les statistiques compilées ci-dessous. Six buts marqués, aucun encaissé. «Je mets un point d’honneur à préparer mon équipe pour qu’elle prenne son adversaire à la gorge, poursuit McSorley. Je suis d’ailleurs très satisfait de la manière dont elle réagit depuis le début de la saison.»

 

Est-ce à dire que le mythique «Cé qu’è lainô» n’a rien à voir là-dedans? Bob Harltey tempère: «Avec mon équipe de l’Avangard Omsk, nous sommes forcés de jouer dans la région de Moscou car notre nouvelle arène a subi un problème au moment de sa construction. Je peux vous garantir que nous sentons une vraie différence. Nous ne jouerons donc aucun vrai match à domicile et cela demande un effort immense de la part de mes joueurs. Alors oui, le soutien des partisans est à mettre dans l’équation. Mais sans tout ce dont nous avons parlé avant, il ne sert à rien.»

 

Vendredi, ce sera au tour de Davos de se frotter à la forteresse des Vernets. Gageons qu’Arno Del Curto tentera par tous les moyens de trouver la faille là où six équipes se sont déjà cassé les dents.