Pour la première fois depuis son échange spectaculaire, Romain Loeffel revient ce soir à Fribourg avec le maillot de GE Servette sur le dos.
Romain Loeffel, avez-vous entouré la date du 19 septembre dans votre agenda quand le calendrier de LNA a été dévoilé?
Non. J’ai juste remarqué que ce match contre FR Gottéron arrivait assez vite dans la saison. C’est très bien comme ça.
Pourquoi?
Ça va être fort émotionnellement. Je m’attends à vivre un moment bizarre. Mais je me réjouis d’entrer sur la glace. Oui, j’ai hâte d’y être.
Avez-vous peur d’être submergé par les émotions?
Peur, certainement pas. Cela dit, il faudra les laisser de côté.
Pour ne pas polluer votre esprit et votre jeu avec des pensées parasites?
Pour que mon match se déroule au mieux. Je ne devrai pas chercher à en faire trop. Je ne devrai pas vouloir sortir le match parfait à tout prix. Surtout, je ne devrai pas patiner avec l’idée de montrer à mon ancien club qu’il a fait une bêtise en se séparant de moi. Je n’ai rien à prouver à Hans (ndlr: Kossmann, l’entraîneur fribourgeois). J’essaierai de jouer comme je le fais d’ordinaire, c’est tout.
Vous en voulez toujours à votre ancien coach?
Sur la manière dont les choses avaient été goupillées, oui. Par contre, d’un point de vue sportif, c’est le meilleur truc qui pouvait m’arriver.
Ça se voit sur glace…
Disons qu’on me donne à Genève des responsabilités que j’avais le sentiment d’avoir perdues à Fribourg. Ça me manquait.A la fin, je jouais moins. J’avais perdu confiance en mes moyens. C’est aussi pour cela que cet échange (ndlr: en contrepartie, FR Gottéron avait récupéré Jérémie Kamerzin et John Fritsche) s’était produit.
Etait-ce un mal pour un bien?
Sportivement, complètement. Je rejoue en étant libéré, sûr de mes moyens. Avec le recul, j’imagine même que si cet échange n’avait pas eu lieu, j’aurais cherché la discussion en fin de saison avec les dirigeants fribourgeois pour trouver une solution.
Y avait-il un malaise entre les parties?
Je n’étais plus content avec moi, ils n’étaient plus contents de moi. Il fallait que quelque chose se passe.
Vous ne vous épanouissiez plus à la BCF Arena?
Je sais qu’ils n’aiment pas entendre ça, mais j’avais l’impression d’être resté le junior du club. Le jeune avec qui on peut faire un peu ce que l’on veut,en somme.On m’a toujours dit que je me faisais des idées, mais c’était mon sentiment.
Vous êtes mieux traité à Genève?
Ne me comprenez pas mal, c’est simplement une question de responsabilités qu’on me confie sur la glace. Or, ici, on m’en confie beaucoup et j’adore ça.
Est-ce qu’il vous est arrivé de vous dire que vous aviez pris la place de Goran Bezina, qui a été recyclé en attaquant cette saison?
Non. Je n’ai d’ailleurs jamais évoqué ça avec lui ou avec Chris McSorley. Et puis Goran, c’est quand même onze saisons passées aux Vernets. Personne ne peut prétendre prendre la place d’un joueur de sa trempe.
Vos caractéristiques de défenseur correspondent pourtant aux siennes, non?
J’ai des qualités offensives, c’est vrai. A Genève, on attend ça de moi. Mais j’ai toujours le souci de continuer à améliorer mon comportement défensif. Défendre, ça reste de toute façon la première chose que l’on attend de moi. Après, je n’ai pas non plus envie de me mettre la pression en me disant que je dois atteindre à tout prix les
statistiques de Goran. Ce serait malsain.
Quel regard portez-vous sur le recyclage de votre capitaine en attaque?
Ça a surpris tout lemonde.Il se débrouille pas mal du tout, même s’il faudra voir comment il tient sur la longueur.
A sa place, vous auriez accepté?
Comme il le dit si bien, sois tu acceptes et tu prends ça comme un beau challenge à relever, soit tu tires la gueule et la saison devient interminable. Donc, j’aurais dit oui.
A l’échelle fribourgeoise, c’est un peu comme si Hans Kossmann décidait de reculer Julien Sprunger dans son alignement, non?
Disons qu’il me paraît plus facile pour un défenseur offensif de se reconvertir en attaquant que l’inverse.
Ce premier match face aux couleurs que vous avez portées si longtemps aurait dû survenir le 28 février. Vous y pensez?
Non, car ça voudrait dire que je repense à ma blessure au genou subie trois jours avant cette date. Pour moi, cet épisode est derrière.
Ressentez-vous encore des douleurs ?
Non, plus du tout. Les physiothérapeutes de FRGottéron, qui m’ont traité dans un premier temps, puis le préparateur physique de GE Servette, Mathieu Degrange, ont fait un travail remarquable.
Etes-vous retourné à la BCF Arena depuis l’annonce de votre échange?
Oui, le lendemain de l’annonce, pour récupérer mes affaires et discuter avec Hans Kossmann et René Matte. Sinon, jamais.
A votre arrivée, il ne faudra pas vous tromper de vestiaire…
Je sais qu’il faut tourner à gauche après avoir passé l’entrée. (Sourire.)
Les fans fribourgeois avaient brandi votre numéro dans la patinoire lors dumatch qui avait suivi votre départ surprise. A quel accueil vous attendez-vous ce soir?
Je ne m’attends à rien. J’avais été très touché par ce geste, mais aussi par les nombreux messages reçus via les réseaux sociaux. Toutes ces marques d’attention avaient signifié beaucoup pour moi. Maintenant, il ne faut pas oublier non plus que je patine désormais chez l’ennemi.
Vous êtes-vous déjà chambré avec vos anciens coéquipiers?
Non, pas jusqu’à présent.
Les avez-vous côtoyés cet été?
Oui. Ma copine est Fribourgeoise, donc il m’arrive assez souvent de me rendre là-bas. J’ai passé des moments avec Huguenin, Hasani, Mottet et Lauper (ndlr: parti à Ambri à l’intersaison). Depuis que le championnat a repris, le temps manque.
Justement, qu’est-ce qui vous manque aux Vernets par rapport à votre passé fribourgeois?
Rien de particulier, si ce n’est peut-être la proximité avec tout qu’il est difficile de ressentir dans une grande ville comme Genève. Cet aspect m’est familier depuis mon enfance passée dans les Montagnes neuchâteloises. Il a fallu m’habituer à la vie citadine. Mais comme je me suis établi à Gland, je pense avoir trouvé un bon compromis.
Les 5 dates qui ont changé la vie de Romain Loeffel
26 JANVIER 2014
Hans Kossmann convoque son défenseur. Le discours du coach: «Ne prête pas attention à toutes les rumeurs qui circulent. Je compte sur toi, j’ai confiance en toi. Vas-y, croche», se rappelle le joueur.
31 JANVIER
Romain Loeffel apprend, à Zoug, à 23 heures, que sa licence est échangée avec effet immédiat. «Un choc vu ce que l’on m’avait dit cinq jours plus tôt.»
1er FÉVRIER
Il monte dans le car de GE Servette sur l’aire d’autoroute du Grauholz pour rejoindre Davos, où une mise au vert est organisée avant le 46e match de la saison régulière disputé par le GSHC.
2 FÉVRIER
Il joue et gagne (6-4) son premier duel sous le maillot grenat. Sa prestation est solide, sans plus. Il tire deux fois au but, prend 2’ de pénalité et finit sa première soirée servettienne sur un bilan neutre. S’en suit la pause olympique.
25 FÉVRIER
Il dispute son deuxième match sous le maillot grenat. Sa prestation, de qualité, est couronnée par un but (son 2e de la saison) marqué à la 19e minute de jeu. Puis il se blesse grièvement à un genou.