30 janvier 2018

Le nouveau propriétaire doit trouver des solutions pour relancer Ge/Servette et le projet de nouvelle patinoire

 

Quel coup! Même un joueur de poker averti comme Chris McSorley n’a rien vu venir. Vendredi, 1 h 45 avant le coup d’envoi d’un derby Ge/Servette - Lausanne explosif et capital sur le plan sportif, c’est une véritable déflagration qui a soufflé les fans genevois. Ce n’est pas tant le départ, devenu inéluctable, du président Hugh Quennec qui a surpris. Mais c’est bien l’identité du repreneur: cette Fondation 1890 qui avait évité un naufrage au Servette FC présidé par Hugh Quennec en rachetant à ce dernier ses actions et en effaçant le trou creusé. Déjà.

 

Après avoir frôlé le pire, le club est sans aucun doute à un moment clé de son histoire. Avec l’arrivée de Rolex (via la Fondation Hans Wilsdorf, qui est elle-même directement à l’origine de la Fondation 1890), Ge/Servette peut voir venir. La méthode Wilsdorf se fait déjà sentir jusque dans la discrétion qui est entretenue depuis vendredi. Le mot d’ordre est clair: «Silence, travaillons. Les réponses viendront plus tard», nous dit-on. «Lorsque les affaires urgentes et courantes auront été réglées.»

 

En attendant que la nouvelle équipe dirigeante se positionne, passons en revue les grands chantiers qui attendent le club. En essayant d’y voir un peu plus clair.

 

François Bellanger est-il de passage?

 

Hugh Quennec s’est officiellement retiré des affaires du club en cédant ses actions pour un franc symbolique. On n’est pas obligé de valider cette version. Mais si un accord financier a été trouvé, il restera sous le sceau du secret. Pour remplacer le Canadien à la tête du club, François Bellanger a été nommé à la présidence. Cet avocat genevois réputé était déjà membre du conseil d’administration de la SA de Ge/Servette. Il est également membre du conseil de la Fondation Hans Wilsdorf. Il semble probable que ce soit lui qui ait joué un rôle prépondérant dans le sauvetage de Ge/Servette en étant juge et partie. D’un côté, il connaissait les gros soucis financiers de Ge/Servette, et leurs possibles conséquences juridiques pouvant atteindre les membres du CA. De l’autre, il avait un formidable levier d’action au sein de la Fondation Wilsdorf. Propulsé sur un fauteuil sans doute trop grand pour lui, Maître Bellanger ne devrait pas rester en poste plus longtemps que pour un intérim.

 

Qui paie?

 

C’est la Fondation 1890 qui a mis la main au porte-monnaie. Si elle n’a dû, officiellement, débourser qu’un franc pour reprendre le portefeuille détenu par Hugh Quennec, elle a en revanche épongé les dettes et va assurer une couverture totale du déficit prévisionnel qui ne manquera pas de sanctionner l’exercice comptable de la saison en cours. Sur un budget de 18 millions de francs, le montant total de la facture atteindra au moins six millions.

 

Qui commande?

 

Président du Servette FC ainsi que de la Fondation 1890, Didier Fischer reste muet comme une carpe. Il a sans doute joué un rôle central dans la passation des pouvoirs. François Bellanger est donc provisoirement le nouvel homme fort. Un homme du sérail puisque membre de la Fondation Hans Wilsdorf. Il travaillera de conserve avec Pierre-Alain Regali, le CEO du club, qui reste en place. Voilà pour la partie administrative.

 

Qu’en est-il du secteur sportif, où de nombreux chantiers (équipe de la saison prochaine, remplacement des blessés par l’acquisition de joueurs en licence B) ont été abandonnés ces derniers mois faute de certitudes et de moyens? Pour l’heure, c’est toujours le statu quo. La cellule décisionnaire est toujours composée de Chris McSorley, Lorne Henning et Craig Woodcroft. Ces trois-là en réfèrent ensuite à Mike Gillis, membre et délégué du conseil d’administration.

 

Un plan local abandonné?

 

Ils se sont unis en coulisses. Eux, ce sont les membres du plan local, ou plan B. Une association d’amis du club passionnés et, pour beaucoup, fortunés. Ulcérés par la direction prise par le club, inquiets aussi, ils ont de leur côté élaboré un projet ambitieux qui devait nourrir le club des revenus du complexe immobilier de la nouvelle patinoire. Chris McSorley a été approché pour cimenter ce groupe.

 

La semaine dernière encore, ces investisseurs labellisés «local» ont fait une offre à Hugh Quennec. Une offre poliment refusée puisque, dans le plus grand secret et depuis un bon bout de temps, le Canadien préparait sa sortie avec la Fondation 1890. Il faut donc comprendre qu’il semble dès lors peu probable que la fondation accepte de travailler, maintenant, avec les leaders d’un groupe qu’elle n’a même pas pris la peine d’associer aux négociations, avant.

 

Les Canadiens sur le départ?

 

C’est la grande inconnue. La logique voudrait que les équipes mises en place par Hugh Quennec ne poursuivent pas leurs activités au sein du club. Mais le départ de Mike Gillis et Peter Gall n’aurait de sens que si le projet mené par les investisseurs qu’ils ont présentés aux autorités devait échouer. Pour Lorne Henning, consultant sportif, la question d’un départ doit également se poser.

 

Reste le cas de l’entraîneur, Craig Woodcroft. Avec un salaire richement doté qui a laissé pantois des observateurs avisés du milieu. Ce n’est pas tant le bilan sportif qui pose problème – il doit parfois composer avec un nombre insensé de blessés – mais bien un rapport qualité-prix exorbitant pour un homme doté d’une expérience quasi nulle en tant que head coach.

 

La nouvelle patinoire pour garantir des revenus fixes

 

Impossible, dit-on, de dissocier l’avenir du club de la construction d’une nouvelle patinoire. Une importante réunion avait été agendée lundi qui devait rassembler tous les acteurs (club, politiques, architectes et représentants des investisseurs) du projet du Trèfle-Blanc. Impossible de savoir si la rencontre s’est bien tenue dans les locaux du Département de l’instruction publique, de la culture et du sport. Elle a sans doute été reportée suite au changement majeur dans l’actionnariat du club.

 

Il faudra donc patienter avant que la fameuse lettre d’intention soit délivrée par les autorités aux investisseurs. Il faudra tout d’abord résoudre le mystère qui entoure la société TBRE Trifolium Capital SA qui doit conduire la réalisation de ce projet à plus de 300 millions de francs. Cette société anonyme pose problème car derrière l’administrateur unique, l’avocat zurichois Franz Szolansky (par ailleurs membre du CA de Ge/Servette), il y a de fortes présomptions que se trouvent Hugh Quennec, Mike Gillis et Peter Gall. La présence de Hugh Quennec dans l’actionnariat de cette société anonyme constituerait un obstacle de taille pour les autorités politiques. Là encore, une plus grande transparence sera demandée par ces dernières, qui ont toutefois tenu à nous préciser: «Le Département de l’instruction publique, de la culture et du sport se réjouit de l’assainissement des finances du GSHC. Et en ce qui concerne la nouvelle patinoire, l’État entend bien poursuivre ses travaux avec les investisseurs et leurs représentants, selon le calendrier prévu.»

 

Le plan des Canadiens ne serait donc pas encore mort-né. Si tel devait être le cas, une autre option est envisageable et serait menée par la Fondation Hans Wilsdorf en collaboration avec des investisseurs locaux (on parle d’une banque privée qui serait intéressée).

 

Le club est à un moment-clé de son histoire car il peut ressortir grandi de cette crise profonde.

 

Reste la question fondamentale des liens entre le club et la société immobilière qui réaliserait le projet. Pour l’instant, aucune convention ne lie cette société à Ge/Servette. Et pourtant. Sans le club, il est évident qu’il n’y aurait pas de projet de nouvelle patinoire. Et c’est de ce projet de nouvelle patinoire que dépend la future qualité de vie des Aigles. La manne financière qui en découlera devra impérativement assurer la couverture des frais d’amortissement et d’exploitation (2 millions par saison). Mieux, une partie des bénéfices (selon un taux à déterminer et à acter) de ce projet immobilier doit également revenir dans les caisses du club pour lui permettre de franchir un palier et de jouer les premiers rôles.

 

 

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