2 mars 2017

Zoug - Genève   sera aussi un duel entre l’ancien gardien des Aigles et son successeur. Analyse des forces en présence

 

Il y a sans doute un malentendu Robert Mayer. Depuis qu’il s’est installé dans la cage des Aigles, le gardien ne parvient pas à convaincre tout le monde. Un noyau de détracteurs, restreint mais très dur, semble indéfectible. «C’est injuste, estime son entraîneur particulier Sébastien Beaulieu. Mais c’est quelque chose que je peux admettre, comprendre et expliquer. Je pense que c’est la nature même du jeu de Robert qui déstabilise les gens. Son style n’est pas du tout le même que celui de son prédécesseur.»

 

Et pourtant, Robert Mayer peut fixer Tobias Stephan, statufié dans la tête des fans grenat, droit dans les yeux. Il y a en effet les chiffres. Ces fameuses statistiques. Elles ne disent certes pas tout, mais sur une saison complète, elles se révèlent précieuses pour jauger le niveau des hommes masqués. Cette saison, les deux gardiens ont été très proches (voir encadré). En play-off, Robert Mayer devra effacer son vis-à-vis pour entrer définitivement dans le cœur des fans.

 

Un duel âpre

 

Ce quart de finale entre Zoug et Genève devrait être âpre et serré. Ce pourrait bien être ce duel de gardiens qui fera la différence. Un match dans le match particulier pour Sébastien Beaulieu? «Sur le plan affectif, il n’y a pas photo, dit-il. J’ai vécu cinq belles années avec «Tobi», mais la page est tournée. J’ai découvert un autre gardien avec Robert Mayer. Sans aucun doute, il s’agit du gardien le plus courageux de la ligue. C’est un garçon qui n’a pas peur de prendre des risques. Il ose… Je dirais même qu’il a besoin de ça pour être dans son match. Le brider complètement serait contre-productif.»

 

Le jeu avec la canne, hors du but. Voilà sans doute le point de discorde entre les pro et les anti-Robert Mayer. «En général, les gardiens n’aiment pas s’éloigner de leur but, dit Sébastien Beaulieu. Avec son équipement, le goalie est forcément vulnérable. Et la moindre perte de puck peut coûter un but. Robert accepte très bien cela. Il peut vivre avec un couac. Deux minutes plus tard, il aura déjà oublié et sera à nouveau dans le match. Au niveau du mental, je pense que Tobias a aussi montré par le passé sa capacité à rebondir.»

 

Réduire le facteur risque

 

A l’approche des séries finales, le facteur risque a été réduit dans le camp grenat. Les sorties de Mayer sont moins systématiques. «On se prépare déjà depuis un moment pour les play-off, poursuit Beaulieu. Robert sera prêt. Je voudrais rappeler que l’an passé, en quart de finale contre Fribourg Gottéron, son jeu hors du but avait été exceptionnel. Ses relances avaient fait mal à l’adversaire.»

 

Tobias Stephan, lui, n’évolue pas dans le même registre. Garçon introverti, il limite la prise de risque au maximum. Aux Vernets, pendant cinq saisons, il avait parfaitement répondu présent lors des phases finales. Plusieurs joueurs et son ex-entraîneur le connaissent par cœur. Un avantage? Sans doute. Mais personne ne le dira dans le camp grenat. Nul besoin de nourrir la motivation de Tobias Stephan. Lui qui reste sur deux campagnes de play-off ratées veut prouver qu’il ne s’agit que d’un malentendu.

 

Le face-à-face

 

ROBERT MAYER 27 ans.

A Genève depuis deux saisons.

Sa saison régulière Malgré
une défense genevoise
longtemps décimée, il affiche le 3e pourcentage d’arrêts de la ligue (92,54%).

Ses deux dernières campagnes de play-off Apprentissage
difficile il y a deux ans (89,96%). L’an passé, il a été excellent, avec 93,40% d’efficacité et seulement 2,12 buts reçus par match (No 1 de la ligue).

Bilan Il a gagné 11 de ses 22 derniers matches de play-off.

 

TOBIAS STEPHAN 33 ans.
 

A Zoug depuis deux saisons.

Sa saison régulière Avec 93% d’arrêts, il a largement contribué à la 3e place de son équipe.

Ses deux dernières campagnes de play-off Il reste sur deux expériences mitigées. En 2015, il avait été au niveau (91,5% d’arrêts), mais il n’avait pas pu éviter une sortie en quarts contre Davos (4-2). La saison passée, il a sombré (88,6%) avec son équipe, balayée 4-0 par Lugano.

Bilan Deux victoires sur les dix derniers matches de play-off.

 

On attend encore un titre romand (par Virgulator)

 

Et si l’histoire, qui a (trop) tendance à respecter chaque année la tradition, attrapait enfin le hockey en Suisse romande? Depuis 1986 et l’introduction des play-off, le trophée de champion n’est jamais passé de ce côté de la Sarine. A l’exception de Lugano, titré à sept reprises, ce sont Berne (huit fois), Davos (6), ZSC Lions (5), Kloten (4) et Zoug (1) qui se sont partagé ces honneurs.

 

Alors que La Chaux-de-Fonds (1973) est le dernier «vrai» club francophone à avoir été sacré, la question c’est pourquoi? Pourquoi sont-ce toujours les Alémaniques qui s’imposent à la fin? «Parce que, le bon gros Suisse allemand, c’est du costaud, se plaît à répéter le Neuchâtelois Gil Montandon, qui a fêté trois titres avec les Ours bernois durant sa carrière. Un Suisse alémanique, ça ne se laisse pas faire. C’est un battant qui a énormément de caractère, qui gagne des duels et qui va là où ça fait mal.» Leader de la saison régulière avec 109 points (36 de plus que les Grenat!), Berne, le tenant du titre, sera encore une fois difficile à battre. Zoug aussi, d’ailleurs…

 

Kevin Romy, qui avait connu la consécration avec Lugano en 2006, et Daniel Rubin (en 2013 avec Berne) sont les deux seuls Servettiens qui ont soulevé un jour le fameux vase jaune. «Mais cela n’a rien à voir avec la mentalité suisse alémanique, estime Rubin. Prenez l’exemple de Berne. Depuis une quinzaine d’années, c’est une très grande organisation habituée au succès, qui s’en donne les moyens. Avec, sur la glace, un bon mélange entre les jeunes et des joueurs très expérimentés.» Comme Ge/Servette cette saison? «Si on joue avec le cœur comme en 2010 où, en finale, on était très proches de Berne, on peut très bien le refaire, répond Rubin. Mais pour battre une toute grosse machine du championnat, tout devra être parfait. Il y a sept ans, on avait terminé deuxièmes, alors que cette fois-ci, on n’a pas effectué une belle saison régulière. A nous de jouer notre meilleur hockey…»

 

A commencer par ce quart de finale face au Zoug de Tobias Stephan: «On va affronter l’un des meilleurs gardiens de la Ligue mais on connaît ses faiblesses, sourit celui qui est resté son ami. Il s’enflamme parfois un peu trop et on va jouer là-dessus en lui mettant la pression. Même un grand portier ne peut pas tout arrêter. On peut créer la surprise.»

 

Un premier titre romand? L’histoire est en marche…