26 janvier 2016

C’est l’un des meilleurs spécialistes du bodycheck de LNA. Rencontre avec un attaquant attachant, viril mais correct

 

C’est un peu le Lucky Luke de la mise en échec. Jeremy Wick, l’homme qui charge plus vite que son ombre, en fait voir de toutes les couleurs à ses adversaires. Lorsqu’il rôde dans le coin, il vaut mieux être sur ses gardes pour, au mieux, tenter de l’éviter ou, au pire, amortir le choc. Recevoir Jeremy Wick sur le paletot sans y être préparé, c’est comme mettre de la crème dans la carbonara: c’est une faute et une hérésie.

 

S’il fallait donner un chiffre pour mieux comprendre le jeu de cet ailier rugueux au gabarit râblé (1,78 m pour 85 kilos), ce serait le 22. Un total qui compile les mises en échec distribuées ce week-end en deux matches contre Ambri-Piotta et Zurich. «Ça en dit long sur son influence, non?» sourit Louis Matte. A cette activité physique impressionnante et terriblement usante pour l’adversaire, le No 18 des Aigles ajoute une certaine habileté dans le jeu. De quoi en faire l’un des attaquants les plus complets.

 

Qui aurait misé sur une telle progression quand, il y a un an, le joueur de 26 ans faisait encore son apprentissage du jeu à l’européenne en LNB à Martigny? «Je connaissais mes capacités, dit l’intéressé. Et c’est vrai que j’ai été un peu déçu de ne pas m’imposer tout de suite en LNA. Mais ce passage à Red Ice a finalement été bénéfique. C’était le temps dont j’avais besoin pour m’adapter.»

 

«J’aime le côté physique»

 

Au sortir d’un entraînement, c’est avec une pointe d’appréhension qu’on rencontre ce joueur qui charge tout ce qui bouge. Vais-je faire connaissance avec les murs des couloirs des vestiaires des Vernets? Comme souvent, les «terreurs» des glaces sont les plus charmantes une fois l’armure retirée. «Je suis quelqu’un qui aime rire en dehors de la glace, dit-il. J’aime prendre du bon temps avec des amis. En revanche, quand je suis dans le jeu, j’aime mettre un maximum d’intensité dans tout ce que j’entreprends. Je suis alors très sérieux.»

 

Mettre un opposant en échec peut parfois valoir plus qu’un but. Tous les entraîneurs le diront, une grosse charge, virile mais correcte, peut inverser le cours d’un match. «J’aime le côté physique du hockey sur glace, reprend-il. C’est pour moi un beau geste que d’être capable de mettre un check propre et puissant. En retour, j’accepte aussi d’en recevoir. Et là, je ferai tout mon possible pour éviter la charge ou faire en sorte que l’attaque de mon adversaire se retourne contre lui.»

 

«Qui s’y frotte s’y pique», colporte la rumeur publique: il serait méchant, Jeremy Wick! L’intéressé botte en touche: «Je ne crois pas qu’un hockeyeur puisse préméditer un mauvais coup, affirme-t-il. Il peut y avoir des conséquences et une blessure. Mais c’est assez souvent le fruit d’une maladresse de l’un ou l’autre des joueurs. Jamais, de toute ma carrière, je n’ai lancé une action en ayant l’idée de blesser l’adversaire, jamais. Ce n’est jamais plaisant de voir quelqu’un rester à terre après un contact.»

 

Traverser l’adversaire

 

Avec son jeu atypique, fait de vitesse et de puissance, Jeremy Wick accepte d’évoluer sur un fil. «Regardez ces mises en échec, elles sont toujours correctes», affirme Louis Matte. Ce qui est frappant, c’est la vitesse et la force développées par Jeremy Wick.» Mais où a-t-il donc appris à mettre tant de talent et d’intensité dans cette action basique mais si souvent mal maîtrisée, en Europe surtout? «C’est le père d’un ami qui était mon coach chez les juniors qui nous avait donné un truc, raconte-t-il. Il nous avait dit ceci: «Quand tu vas pour mettre une charge, n’imagine pas que tu veux seulement toucher ton adversaire, mais imagine que tu veux passer à travers!» Une pensée triviale mais diablement efficace.

 

Lorsque le Canado-Suisse a débarqué en Suisse, en provenance d’une ligue universitaire, la seule question que les gens se posaient était: «A-t-il un lien de parenté avec Roman Wick, l’attaquant vedette des ZSC Lions?» «Aucun…» Depuis, le Wick du bout du lac s’est fait un prénom. Et une sacrée réputation. Il est l’homme qui distribue les charges plus vite que son ombre. 

 

Quand Wick et Bang évoquent la malchance

 

Jeremy Wick, c’est une pile électrique sur la glace. Au point de parfois laisser des traces tenaces chez ses adversaires. Le hockey est ainsi fait qu’une charge correcte peut tout de même avoir des effets désastreux. Ce risque, les hockeyeurs le connaissent et rappellent à l’envi qu’il «fait partie intégrante de leur sport». C’est ainsi que le Lausannois Daniel Bang est éloigné des patinoires depuis qu’il a subi un assaut de l’attaquant genevois. C’était il y a un peu plus d’un an (le 22 janvier 2015)… «C’est triste, dit l’Aigle. C’était pourtant une charge correcte, je le prends à la hauteur des épaules…» Suspendu dans un premier temps pour six matches, Wick voit la sanction du juge unique, Reto Steinmann, réduite à deux rencontres en appel. Voilà pour la partie administrative qui n’ajoutera rien à la crédibilité écornée du juge, et qui n’enlèvera rien aux regrets sincères de l’un et à la souffrance de l’autre des deux acteurs.

 

Interrogé par 24 heures au début du mois de décembre, le Suédois de Malley racontait son calvaire avec des mots touchants. Et il mettait en cause la malchance, exonérant au passage celui que certains esprits partisans qualifient de bourreau. A la question, «En voulez-vous à Jeremy Wick», Daniel Bang avait répondu: «Non, pas du tout. Ce sont les risques du hockey. Au cours de ma carrière, j’ai bien dû effectuer quelques fois le même genre de charge et il n’y a eu aucune conséquence. Pour moi, un joueur ne cherche jamais à blesser son adversaire. Je n’ai simplement pas eu de chance.»

 

On a aussi reproché à l’attaquant genevois de ne jamais s’être soucié de sa «victime». Vraiment? «Je prends régulièrement des nouvelles de Daniel Bang via Dario Truttmann, mon ancien coéquipier avec qui je m’entendais très bien. J’espère qu’il pourra reprendre l’entraînement le plus vite possible», se contente-t-il de répondre.

 

Jeremy Wick a étudié la psychologie à l’Université en Amérique du Nord avant de signer, en avril 2014, un contrat de trois ans avec Ge/Servette. Cela aide à circonscrire les polémiques inutiles. 

 

L’attitude de Kurmann sous la loupe

 

L’action litigieuse Samedi soir, au Hallenstadion, le 1-0 zurichois contre Ge/Servette a suscité un débat nourri. Juste avant le tir de Daniel Herzog, Robert Mayer a été ostensiblement bousculé dans sa zone par Robert Nilsson. Un contact épaule du joueur – tête du gardien visible sur les images télévisées.

 

La décision Dany Kurmann valide le but. Mais il refuse d’aller consulter la vidéo. Pourquoi? Contacté hier, l’intéressé n’a pas retourné notre appel, nous renvoyant par message à son chef, Brent Reiber. Lui aussi n’a pas répondu à nos sollicitations.

 

L’avis d’un spécialiste L’ancien arbitre Stéphane Rochette a réagi hier, à tête reposée. «Sur le fond du problème, c’est du cinquante-cinquante car Nilsson est pris par Kevin Romy et ne peut pas vraiment se dégager», dit-il. Mais pourquoi ne pas être allé consulter les images comme le réclamaient les Genevois? «En Suisse, c’est à la discrétion de l’arbitre. C’est incompréhensible car Danny, que je connais très bien, est un grand adepte de la vidéo. Il en réclamait toujours plus l’usage. Mais c’est aussi quelqu’un qui a du caractère et qui est sûr de lui. A mon sens, il était clair à 100% pour lui que le joueur zurichois avait été accompagné dans la zone de Mayer et que le but était valable. Rien ne l’empêchait de revoir l’action et de confirmer son impression première.»

 

Ce soir Ge/Servette accueille Kloten à 19 h 45. Aucun changement dans le groupe. Lombardi est à nouveau écarté. Danny Kurmann sera-t-il au sifflet? Avec la Ligue, tout est possible