25 octobre 2017

Philippe Bozon, GE Servette retirera le 21 décembre votre No 12. Un sentiment?

 

C’est sympa à eux d’avoir pensé à moi. Je remercie le club pour cet honneur. C’est la reconnaissance du travail accompli et ça montre qu’on a été important, à un moment donné. Ce sera l’occasion de remercier le public, qu’il ne faut jamais oublier: si on retire mon maillot, c’est parce qu’il m’a adoré et fait de moi cette personne, disons, emblématique. Ce sera aussi l’occasion, j’espère, de remercier la famille Barbey et M. Torriani, des personnes qui ont beaucoup fait pour me faire venir puis me garder à Genève. Ils le savent: je leur serai éternellement reconnaissant.

 

Vous n’avez évolué que cinq ans à Genève. Pourquoi tant de reconnaissance pour si peu de temps?

 

C’est difficile à dire. En tant que personne, joueur ou entraîneur, j’essaie toujours de me donner corps et âme pour les couleurs que je porte. Partout, j’ai cherché à amener cet esprit de battant, de guerrier. À Genève, c’était le début d’une aventure, dans un club en pleine reconstruction. On a posé des bases. Quand on se rappelle où en était le hockey aux Vernets quand on est arrivé (ndlr: en 2001), avec 250 spectateurs, et où il en est aujourd’hui, c’est fabuleux d’avoir participé à ça.

 

Vous avez employé l’expression «corps et âme». Pour beaucoup, c’est un slogan marketing. Mais pas pour vous, non?

 

J’étais comme ça, et je le suis toujours: quand un contrat est signé, je donne le maximum – ça fait partie du respect. À partir de ce moment-là, à mes yeux, il n’y a plus aucune notion d’ailleurs ou de «je pourrais faire plus d’argent là-bas».

 

À 50 ans passés, votre corps vous fait-il payer ce sens de l’abnégation?

 

C’est vrai que, des fois (il s’esclaffe), avec le recul, en vieillissant, je me dis que j’ai parfois été un peu stupide d’avoir fait certaines choses, joué dans des états où je n’aurais pas dû. Il y a des jours compliqués, avec des petites blessures qui remontent de l’époque. J’ai des séquelles, c’est sûr. Mais c’est comme ça, avec moi: il aurait fallu qu’on me coupe les bras pour que je ne joue pas. J’allais au bout du bout, tout le temps, voilà. Donc me connaissant, si c’était à refaire, même en sachant les conséquences, je ne changerais pas d’un iota. J’avais cette flamme.

 

Quand un de vos joueurs traîne les patins, ça doit vous rendre complètement marteau, non?

 

Oui, ça fait partie des choses les plus compliquées à gérer, pour les enseignants en général. La société a changé, les jeunes ont changé. Il faut savoir accepter certaines choses et, malgré tout, faire passer son message et sa passion à son groupe quand même. Mais il peut y avoir des frustrations, oui.

 

Revenons à cette soirée du 21 décembre. Arrivez-vous à anticiper les émotions qui seront les vôtres?

 

Je n’y ai pas encore vraiment pensé. J’ai toujours eu du plaisir à évoluer aux Vernets et, les rares fois où je reviens en tribunes pour un match, j’ai envie de sauter sur la glace. Donc le 21 décembre, ce sera un grand plaisir et, à un moment donné, beaucoup d’émotions.

 

D’autant que sur la glace, avec le maillot de Kloten, il y aura votre fils Tim. S’il flingue la soirée en inscrivant le but victorieux en prolongation, serez-vous fier ou gêné?

 

(Il rigole.) Ce serait un peu comique. Avant tout, il faudrait qu’il joue – ce n’est pas trop le cas en ce moment. En tant que père, je souhaite évidemment qu’il soit sur la glace et performant. On verra dans deux mois.

 

Quel regard portez-vous sur le destin de ce jeune homme qui, après avoir failli mourir d’une méningite en 2014, veut relancer ses rêves de hockeyeur?

 

Pour ma part, je suis en plein questionnement. Quoi qu’il arrive, je suis comme lui dans un fonctionnement où on avance. Mais à un moment, il faut réaliser que des choses font plus de dégâts que d’autres. La maladie de Tim est quand même grave, susceptible de créer de gros dégâts. Il a eu la chance de rejouer, il ne veut plus en entendre parler. Mais malgré tout, je me demande s’il est vraiment redevenu le joueur qu’il était. Cette maladie crée des chocs très violents pour le corps, il a fallu la traiter avec des produits hallucinants. On verra. La seule chose de sûre, c’est qu’il ne s’en servira jamais comme excuse.

 

Ce genre d’événements permet de relativiser beaucoup de choses, à commencer par un match de hockey, non?

 

C’était une bonne chose pour lui, en un sens. Depuis cette aventure, il a appris à mieux profiter de la vie. Il s’est ouvert à plus de choses. On va dire que c’est le bon côté à retenir de cette mésaventure.

 

Et si on ressort l’album souvenir de vos années genevoises, qu’est-ce que vous retenez?

 

La première chose, c’est la promotion en LNA (ndlr: en 2002), avec cet engouement monté au fur et à mesure. Après, je ne veux pas sortir tel ou tel moment. Cette période était géniale en général.

 

De Bordeaux, à quel point suivez-vous l’actualité du hockey suisse?

 

Je regarde les extraits de tous les matches. Comme j’ai entraîné pas mal en juniors, j’ai côtoyé plusieurs joueurs de ligue A, voire de NHL. Donc c’est intéressant de suivre leur développement.

 

Si vous suivez aussi bien, c’est parce que vous rêvez de revenir en Suisse?

 

Je suis ambitieux, donc oui… (Silence.) J’aimerais pouvoir essuyer ce début de carrière difficile (ndlr: licenciement à Lugano fin 2010, puis fiasco avec Sierre). Je n’ai pas commencé par le plus facile. J’étais conscient qu’il s’agissait d’un pari risqué. J’ai perdu et je l’ai payé cher – ça a été dur ensuite. Alors oui, j’aimerais avoir une deuxième chance. Mais avec l’âge, je n’en fais pas une fixation. J’essaie d’être heureux dans le temps et l’endroit où je suis. C’est le cas à Bordeaux.

 

Vous n’avez pas fait vos offres aux Vernets, en ce début de saison compliqué pour GE Servette et son entraîneur, Craig Woodcroft?

 

Non. Il y a des histoires de timing et je savais très bien, cet été déjà, que je ne correspondais pas à ce qu’ils recherchaient. Pour l’instant, ce n’est pas le moment de proposer quoi que ce soit. Peut-être un jour, pourquoi pas?