13 novembre 2018

Un système unique en Suisse permet au coach des Aigles de récolter des infos précieuses sur ses joueurs. Utile avant d’aller à Berne?

 

Impossible de l’esquiver, il voit tout. «L’Iceberg», c’est l’œil de Moscou. Ça vient de loin, non pas de Russie, mais d’Amérique du Nord. Forcément. C’est grâce à trois caméras, bien camouflées, qui arrosent toute la patinoire des Vernets, que Chris McSorley sait désormais tout de ses joueurs. Ce système ingénieux, unique en Suisse, c’est le coach ontarien qui l’a dégoté en NHL. Plus rien ne lui échappe grâce à ces données si précises, si précieuses. Les chiffres ne lui mentent pas ou plus.

 

Préparateur physique de Ge/Servette, Michel Molly a lui aussi été séduit par cette petite merveille. «Il n’y a ni puce ni ceinture, c’est un algorithme qui nous transmet toutes ces informations», explique le coach français. Ce logiciel performant suit à la trace chaque joueur lorsqu’il se trouve sur la glace et calcule son temps exact de jeu. Très utile pour analyser un joueur, une rencontre, une courbe de forme. Mais ce n’est pas tout. Ce «mouchard» rapporte aussi d’autres statistiques, comme le nombre de kilomètres effectués durant la partie. Un match n’a jamais été aussi bien «découpé» pour les coaches, qui peuvent par ailleurs détecter les passes manquées ou réussies, une vraie mine d’or.

 

«Gérer ses munitions»

 

«Cela me permet d’échanger avec Chris McSorley pour lui signifier, par exemple, que Henrik Tömmernes et Johann Fransson ont dépassé les vingt minutes de jeu contre Ambri, qu’ils ont été beaucoup trop utilisés», renchérit Michel Molly, qui conseillera alors à l’entraîneur de limiter leur temps de glace le lendemain. C’est un des critères pour prévenir les blessures. Il y en a d’autres. «Certains joueurs, selon leur style de jeu, mettent trop d’intensité et se grillent tout seuls, constate Molly. Ils doivent savoir gérer leurs efforts.» Il a des noms, son boss aussi d’ailleurs.

 

«Chris peut taper sur les doigts de tout le monde, sourit Michel Molly. Plus sérieusement, il commence à comprendre qu’avec Louis Matte, ils ne sont plus les seuls à devoir diriger une séance. Avant, ils se basaient sur leur ressenti, ce n’est plus le cas.» Selon le préparateur physique, depuis qu’il est revenu, Chris est plus à l’écoute de ses hommes et du staff technique. Il est conscient que s’il tire trop sur la corde avec certains, elle finit par craquer. À lui de gérer, comme tourner ses lignes en fin de rencontre si le score le permet. «Avec ce système, après six mois on pourra commencer à gérer les play-off», assure le coach physique.

 

«Quand tu perds un match le mardi, que tu rejoues le jeudi, tu dois préparer tes joueurs différemment, ajoute celui qui est aussi leur confident. Cela ne sert à rien, non plus, de les punir s’ils ont mal joué la veille alors qu’il y a trois rencontres dans la semaine.» Autrement dit, tu as beau posséder les plus belles armes du monde, c’est celui qui gérera le mieux ses munitions qui gagnera à la fin. «Cela ne sert à rien pour un joueur d’être le roi de la première période, de répéter l’effort deux à trois fois, s’il n’est pas capable de tenir la distance. On a besoin de lui tout le match», précise le Français.

 

Et un deuxième outil utile

 

Outre «L’Iceberg», Michel Molly peut également compter sur le Team Polar pour peaufiner la forme de ses Aigles. Cet ancien gymnaste réunionnais de haut niveau, qui offre ses compétences au club des Vernets depuis cinq ans (il a collaboré aux deux titres des Novices et des juniors Élite), apprécie toute évolution dans son métier, sa passion. Lors de chaque rencontre ou parfois à l’entraînement, il équipe, chacun leur tour, certains hockeyeurs d’une ceinture afin de suivre leur rythme cardiaque en plein effort. «On travaille sur le seuil qu’ils vont atteindre en match et la durée pendant laquelle ils peuvent le maintenir le plus haut et le plus longtemps possible, explique le coach physique. Il y en a qui montent dans les pulsations très rapidement et qui redescendent très lentement. D’autres, à l’image de Goran Bezina (à 195), récupèrent très vite lorsqu’ils se rasseyent sur le banc. Comme Arnaud Jacquemet, qui a approché, par exemple, 91% de sa moyenne de fréquence maximum (jusqu’à 210!) lors de la partie contre Ambri. Certains restent tout le temps dans les hautes fréquences, même à l’entraînement. Il s’agit alors de vérifier leur variabilité de fréquence cardiaque (degré de fluctuation de la durée des contractions du cœur ou de l’intervalle entre deux contractions) pour voir s’ils sont trop fatigués ou pas. Même s’ils ont envie de toucher la glace, on leur conseille de lever le pied pour éviter d’aller trop dans le rouge. On cherche le meilleur pour leur récupération.» Il n’est pas rare, d’ailleurs, par rapport à ses graphiques, que Michel Molly descende entre les tiers pour avertir les Grenat qui peinent à revenir dans leur zone de confort.

 

Gros rappel de vitesse

 

Après trois jours de pause suite à la coupure des équipes nationales, les joueurs ont baissé d’intensité. Et le «tortionnaire» des Vernets de rappeler: «Pendant le match, avec la pression, la foule, la vitesse, des adversaires sur lui et l’adrénaline en plus, le joueur va monter de dix battements au repos.» Les Servettiens ont eu un gros rappel de vitesse et de cardio vendredi et lundi à l’entraînement. Afin d’être capables de se remettre dedans ce mardi à Berne pour se rapprocher de la pointe de «L’Iceberg»…

 

5,1 kilomètrespar match

 

21’ 56’’: c’est le temps «énorme» qu’a passé sur la glace Henrik Tömmernes contre Ambri. On n’a vu en effet que lui, derrière, devant, dans toutes les situations. Le Suédois, qui est coutumier du fait, a parcouru 5,1 km lors de ce dernier match. «Et il est capable de répéter ces performances deux à trois fois par semaine», admire Michel Molly. Le défenseur a une autre particularité: il est plus rapide quand il est en possession de la rondelle que sans elle. «Il a de très belles données pour un joueur de son gabarit, d’autant plus que ce n’est pas son rôle de mettre de la vitesse comme Eliot Berthon et Noah Rod, qui sont capables de faire la différence sur leur impulsion», ajoute le préparateur physique. Si toutes les données sont gardées précieusement secrètes, c’est Tim Bozon qui est le plus rapide du groupe.

 

Power-play

 

L’affiche Après dix jours de pause, consacrés aux équipes nationales, Ge/Servette se rend ce mardi soir à Berne. Coup d’envoi à 19 h 45.

 

L’effectif Les Servettiens sont encore privés de Lance Bouma, Juraj Simek et Will Petschenig, toujours blessés. Touché à la mâchoire à Bienne lors du premier match de la saison, Tommy Wingels pourrait effectuer son retour au jeu. Pour quel autre étranger? Chris McSorley prendra sa décision au dernier moment. Le gardien sera également nommé ce mardi matin, après le dernier entraînement.

 

La statistique Les Genevois, qui restent sur un succès face aux Bernois (3-1 le 3 octobre), s’étaient aussi imposés à la PostFinance Arena le 5 mars (3-4) aux tirs au but, juste avant d’être remis à leur place lors des play-off. Il s’agit de la dernière victoire en championnat des Grenat à l’extérieur. Faut-il rappeler que les Aigles se sont inclinés lors de leurs six déplacements cette saison?