13 janvier 2018

Le club n’a pas réglé les factures pour la location des Vernets depuis août. Après trois rappels sans réponses, Sami Kanaan réagit

 

Les nuages sombres continuent de s’amonceler dans le ciel grenat, bouchant un peu plus l’horizon, jour après jour. Bien sûr, tout le monde se démène, des dirigeants en place à ceux qui constituent désormais un groupe local de potentiels repreneurs. Mais dans les faits, les problèmes s’accumulent et la situation de crise met en lumière de graves dysfonctionnements. Le dernier en date n’est pas le moindre. Il symbolise le malaise qui s’installe: Genève-Servette ne paie plus la location de la patinoire des Vernets!

 

Les Aigles jouent à crédit. De quoi froisser un peu plus l’image d’un club exsangue. Et de crisper sans doute le Service des sports de la Ville de Genève, qui loue la patinoire à Genève-Servette. Le montant de cette location, d’août à avril, s’élève à 300 000 francs. Il a été gracieusement ramené à 240 000 francs. Et normalement, le paiement s’étale sur trois tranches: la première en août, la deuxième en décembre, la troisième en fin de saison.

 

En retard depuis août

 

Conseiller administratif de la Ville de Genève en charge de la Culture et du Sport, Sami Kanaan est très inquiet.

 

«Oui, très très inquiet, insiste-t-il. Nous en sommes déjà au troisième rappel pour le versement de la première tranche, celle d’août. Sans réponse. En fait, nous avons zéro retour de la part du club sur sa situation financière actuelle. Nous sommes pourtant partenaires, mais nous ne sommes absolument pas informés. Dans ces conditions, avec cet argent qui est dû, nous allons envoyer une mise en demeure ces prochains jours au club, pour le paiement des sommes en jeu.»

 

Il s’agit d’une manière formelle de rappeler à un débiteur ses obligations. La mise en demeure peut s’accompagner de menaces de poursuites.

 

Le coup de tonnerre est énorme. Il frappe de plein fouet Genève-Servette et fait craindre le pire. D’autant plus que les inquiétudes de Sami Kanaan enflent à mesure des informations indirectes qu’il parvient à obtenir.

 

De grandes inquiétudes

 

«Tout converge pour montrer les problèmes graves qui existent depuis que les nouveaux dirigeants sont arrivés, explique-t-il. Voilà un club de hockey populaire et présent dans la vie des Genevois. J’ai le sentiment que quand on s’installe à la direction d’un tel club, quand on fait ce choix, on doit assumer. Or, dans ce cas, l’implication des nouveaux dirigeants est conditionnée à l’obtention des travaux pour la nouvelle patinoire du Trèfle-Blanc. En réalité, ces dirigeants n’ont pas amené de l’argent à Genève-Servette, ils en ont coûté. Et le club est pris en otage.»

 

Le Trèfle-Blanc en question

 

Le magistrat pointe du doigt le problème. Qui se double de l’encombrante présence de Hugh Quennec, l’homme qui détient les actions mais dont le crédit, sérieusement écorné après le désastre à la tête du Servette FC et par l’actuelle gestion du GSHC, est au plus bas.

 

Le club des Vernets est donc cerné par les problèmes. Les dirigeants en place misent sur un miracle, une solution transitoire par le biais de prêts, ou la libération des fameux trois millions bloqués sur un compte par les investisseurs de la nouvelle patinoire, le tout étant pourtant conditionné à l’obtention des travaux (là aussi…). Sans qu’aucune assurance d’officialisation imminente de la part du Conseil d’État n’existe. En vérité, il y a surtout beaucoup de conditions et toujours rien dans les caisses, même si les dirigeants ont assuré que les salaires des joueurs et les charges sociales seraient versés à la fin du mois.

 

«Beaucoup de choses sont liées, relève Sami Kanaan. Cela vaut aussi pour le projet de la nouvelle patinoire du Trèfle-Blanc. On parle pourtant d’un projet qui a été modifié cet automne. Le seul avantage, c’est qu’il soit 100% privé. Mais ce projet demeure énorme, plus de 300 millions de francs. Forcément, il y a des inquiétudes concernant sa viabilité. Ces investisseurs veulent faire deux événements par semaine dans leur complexe, hors matches de hockey. Une étude de marché a-t-elle été bien faite pour voir si c’était possible? Je m’interroge quand on sait qu’à Malley, par exemple, il y aura une sérieuse concurrence: un partenariat existe avec AEG, un grand groupe de promoteurs de spectacles. Pour Genève, le souci c’est notamment d’être en capacité d’assurer l’entretien et l’amortissement du complexe. Alors oui, je suis inquiet.»

 

Sami Kanaan dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. A priori, la Ville de Genève n’est pas la seule à avoir des factures en souffrance, depuis longtemps. Plusieurs fournisseurs sont également dans l’attente de paiements. On pense notamment à Interhockey, qui fournit les équipements pour les clubs. Et bien d’autres aussi. Ainsi qu’à cette rumeur qui veut que le club ait demandé à ses partenaires et autres sponsors de verser si possible immédiatement les soutiens financiers prévus plus tard. Rien de rassurant. Mais y a-t-il encore quelque chose de rassurant actuellement au Genève-Servette HC?

 

La Ligue suisse de hockey ne s’y trompe d’ailleurs pas. Dans son rôle, elle suit le dossier grenat de très près. Nous avions relaté la demande formulée au club de fournir les comptes à la ligue, dans l’idée de mesurer plus précisément la gravité du cas. Il semble que les dirigeants de la National League souhaitent les documents les plus récents pour se confronter à l’ampleur du problème dans sa globalité. Des sanctions sont-elles envisagées?

 

Dans tous les cas, l’urgence d’un sauvetage devient une évidence pour Genève-Servette et on voit mal comment Hugh Quennec pourrait ignorer la présence du groupe local. Pour peu que ce groupement d’investisseurs, qui se dit prêt à investir des sommes importantes, sorte de l’ombre, montre patte blanche, rapidement, il faudra rentrer en discussion pour sauver ce qui peut encore l’être.

La course contre la montre a commencé, parce que la situation est grave et qu’il faut très vite trouver une solution viable.

 

Chris McSorley contacté par le groupe local qui veut sauver le club

 

Inutile de feindre l’étonnement: selon nos sources, Chris McSorley devrait faire partie de ceux qui s’activent pour favoriser un plan local de sauvetage. On parle là de ce groupe de personnes proches du Genève-Servette HC, comme nous l’évoquions avant Noël déjà. Ici, pas de coup d’État ou de complot ourdi en secret. Simplement des gens qui, face à la crise financière que traverse le club, ont décidé de proposer une solution.

 

Ils sont actuellement cinq ou six. D’autres pourraient prochainement rejoindre ce groupement. Ils ont des moyens et veulent mettre en commun leurs ressources pour sauver le club.

 

Pas étonnant donc que Chris McSorley, qui a incarné Genève-Servette en qualité d’entraîneur-manager depuis plus de quinze ans, puisse figurer parmi ces personnes-là. Nous aurions souhaité pouvoir parler à l’Ontarien. La réponse du service de presse du club grenat? Il n’y a que le conseil d’administration et la direction qui peuvent s’exprimer, ils le feront plus tard et Chris McSorley n’est pas autorisé à parler.

 

McSorley, c’est l’homme qui a d’ailleurs partagé l’actionnariat grenat avec Hugh Quennec pendant longtemps. C’était avant qu’il ne se sépare de son portefeuille il y a un peu plus d’un an, Quennec lui rachetant ses actions. On sait que les relations entre les deux hommes se sont détériorées et la position actuelle de McSorley, débarqué de la bande en fin de saison passée et intronisé manager général, demeure délicate. Logiquement, les personnes qui se sont constituées pour réagir et proposer une alternative à la crise financière ont donc pensé à Chris McSorley et à son cœur grenat. Ces potentiels investisseurs locaux désirent encore rester anonymes. Mais le plan B qu’ils portent avance. Il s’articule en trois phases principales et importantes.

 

D’abord, il s’agit d’évaluer l’ampleur des dégâts pour pouvoir boucher le trou actuel dans la trésorerie. Selon nos informations, il manquerait au total plus de sept millions pour boucler l’exercice 2017-2018. Il faut aussi prévoir un investissement pour garantir le budget de la saison prochaine, afin que Genève-Servette ne revive pas la même situation. Enfin, et ce n’est pas le moins délicat des problèmes, il faut racheter les actions, toutes détenues par Hugh Quennec.

 

En l’état, il existe bien une convention signée qui pourrait permettre à Mike Gillis de prendre 50% des actions à Quennec, pour devenir le nouveau patron. Mais l’opération est conditionnée à la nomination officielle par le Conseil d’État des investisseurs de la nouvelle patinoire.

 

Or cette officialisation-là manque toujours. En attendant, l’étranglement financier s’intensifie et tous les regards se tournent furieusement vers Hugh Quennec.