9 septembre 2015

Rencontre avec le patron de Ge/Servette, avant la reprise vendredi soir contre Ambri. Etat des lieux, ambitions: le point

 

Rompu à l’exercice, Chris McSorley ne se formalise plus avec ces veillées d’armes. Le championnat reprend ses droits vendredi soir, avec la venue d’Ambri-Piotta? Très bien. Le patron des Vernets étend son regard au-delà de cet horizon, un travail de fond qui est son quotidien depuis quatorze ans déjà. Il peut se projeter sur la saison à venir, sur ses espérances, sur ce qui attend Genève-Servette. Il sait aussi prendre du recul pour parler de lui et de sa passion intacte.

 

L’immuable bureau des Vernets est son antre, petit repaire de l’homme fort du club. C’est là, solidement installé sur son siège, derrière son bureau, que Chris McSorley aime parler de son club. Les patins encore aux pieds.

 

Chris, comment évaluez-vous les Aigles à quelques jours de la reprise?

 

Il y a eu quelques changements, nous travaillons aussi sur un nouveau système de jeu. Tout cela demande un petit temps d’adaptation. Mais j’ai une très belle équipe à disposition et surtout, cette saison plus qu’auparavant, une vraie profondeur de banc.

 

Comment cela se concrétise-t-il en termes d’ambitions?

 

Je vise une place dans les quatre meilleures équipes de la saison régulière. Après, comme lors des deux dernières années, je veux au pire une demi-finale de play-off, au mieux le titre, bien sûr. Je crois bien que le championnat n’a jamais été aussi relevé que cette saison. Les joueurs suisses réduisent toujours un peu plus l’écart qui les sépare des étrangers. Et Ge/Servette a toutes les qualités pour faire une grande saison.

 

Comme il n’y aura pas de Coupe Spengler cet hiver et que la Ligue des champions n’est déjà plus d’actualité, vous allez effectivement pouvoir vous concentrer sur le championnat: un avantage?

 

Je ne sais pas. Les deux dernières années, nous étions à la Coupe Spengler et nous avons accroché une demi-finale des play-off. Il faudra voir. Mais les choses sont claires, oui. En Ligue des champions, peut-être un excès de confiance a-t-il contribué à cette élimination. Notamment lors des défaites contre Hamar. J’attends plus des joueurs comme Kast, Wick ou Rod, qui étaient trop «tranquilles» pour ces matches. C’est tout cela que nous devons mettre en place encore.

 

Comme ce nouveau système?

 

Oui. C’est un système qui permet de raccourcir les distances sur la glace, lors du pressing. Avec les deux ailiers qui «fore checkent» très haut, avec les deux défenseurs qui montent aussi d’un cran et avec le centre qui évolue en électron libre. En fait, c’est un peu comme un pressing homme-à-homme au basket. C’est parce que nous avons des centres qui ont un gros niveau de patinage, en vitesse, que nous pouvons appliquer ça. Mais cela suppose encore des automatismes.

 

En défense, vous n’êtes pas en surnombre dans le contingent. Cherchez-vous encore quelqu’un?

 

Non. Ni derrière ni devant, même si Taylor Pyatt (ndlr: parti à la retraite) laisse un grand vide. Nous avons des joueurs de talent. Johan Fransson est désormais là, c’est un joueur de classe internationale. Et puis j’ai plusieurs autres défenseurs qui sont capables d’accumuler les minutes sur la glace.

 

Un mot sur Goran Bezina, après les tensions du début de la saison passée?

 

Tout est à 100% positif avec lui. Quand on est manager, il y a une clause en petit, derrière ta carte de visite, qui dit: «Tu as le droit de changer d’avis.» C’est un sacré joueur, un capitaine exemplaire. Je pense qu’il fera une grosse saison. Et oui, je peux m’imaginer qu’il termine ensuite sa carrière ici.

 

Une question piège, Chris: quelles seront les quatre équipes en play-out, cette saison?

 

(Il hésite longtemps) Voilà: Davos, Zurich, Berne et Lugano. Disons que c’est mon vœu pieux…

 

«J’ai reçu des offres. Mais peu importe»

 

Vous allez entamer votre 15e saison ici et plus que jamais vous incarnez Genève-Servette à vous tout seul, ou presque: comment le vivez-vous?

 

Quand on est en famille, le soir, avant de manger ensemble nous remercions toujours le ciel d’avoir la chance d’être ici, à Genève. Les gens qui me connaissent savent que je suis humble et conscient de cette chance. Incarner le club? Je ne suis que le rayon d’une roue, un rayon peut-être important, mais pas plus au fond que tous ceux qui m’entourent. Sans tout ce monde, de Louis Matte à Christophe Stucki, en passant par Jimmy Omer et tant d’autre, cela ne tournerait pas rond. Alors pour moi, c’est clair, et je le pense vraiment: j’exerce le 31e meilleur métier du monde. Parce qu’il y a 30 équipes de NHL… (ndlr: la ligue nord-américaine, la meilleure du monde).

 

Avez-vous reçu des offres intéressantes?

 

Oui. J’ai gagné du crédit, petit à petit. Et depuis 2009 ou 2010, chaque été je reçois des offres, deux ou trois. On m’a proposé d’entraîner certaines des meilleures équipes de Suisse, il y a eu aussi une proposition pour la KHL (ndlr: le championnat russe) , ou une place d’assistant en NHL. Financièrement, c’est sans doute intéressant. Mais peu importe, cela ne m’intéresse pas. Genève, c’est ma maison. Cela fait plus de quatorze ans déjà. Tous mes amis sont ici. Quand je retourne en vacances au Canada, les gens trouvent que j’ai changé, que je suis plus calme. C’est un atout pour moi et c’est grâce à la Suisse. J’aime trop ce que je fais ici, j’aime trop Genève pour partir. J’ai un rêve: je veux léguer un titre, bien sûr, mais aussi une nouvelle patinoire à Genève. Je ne me vois pas partir d’ici. Tant mieux: cela me laissera le temps de maîtriser une fois pour toutes le français!

 

Et de prendre un passeport helvétique?

 

Oh oui! J’y songe très sérieusement. Ma femme parle parfaitement français, c’est la langue maternelle de mes enfants, et nous sommes heureux ici. Ce serait une fierté pour moi et pour toute la famille. Je n’ai plus qu’à me bouger le… Mais c’est sur le bon chemin.

 

Bezina confiant

 

Conscient qu’on cherchait à s’en débarrasser, celui qu’on avait placé l’an dernier en attaque pour le dégoûter, ne cache pas que, démoralisé, il avait scruté le marché pour s’en aller. Mais aucun club n’a trouvé les fonds pour l’engager. C’est donc du passé. Et avec le sourire que Goran Bezina entame, à 35 ans, en forme et cette fois-ci en défense, sa 12e saison (et pas forcément la dernière) dans la peau d’un Aigle.

 

C’est tout feu tout flamme avec des jambes de juniors que le capitaine des Grenat aborde ce premier match de vendredi face à Ambri. «On aurait bien voulu aller plus loin en Ligue des champions, mais on n’a malheureusement pas réussi», regrette «Gogo», déçu comme sa bande de copains de cette élimination précoce. Mais c’est déjà du passé. Comme la Spengler remportée à deux reprises. «Il nous reste la Coupe de Suisse et le championnat. Et quelques jours pour peaufiner notre nouveau système», reprend un capitaine ambitieux persuadé que sa formation est aussi bien armée pour se hisser à nouveau dans le dernier carré. «Maintenant le sport n’est pas une science exacte, le niveau de nos adversaires augmente chaque année et chacun pense la même chose que moi: arriver en pleine bourre aux play-off et aller le plus loin possible.» Reste que Goran Bezina a un bon pressentiment. «Notre groupe n’a pratiquement pas changé, se réjouit l’international. Et à chaque fois que notre contingent n’a pas trop été chamboulé nous sommes arrivés en finale (2008 et 2010). J’espère que ce sera encore le cas cette fois-ci.» Daniel Vukovic va encore plus loin: «Avec un groupe aussi soudé, on peut vraiment viser le titre…» Réponse en avril 2016…

 

Un bénéfice qui se serait envolé?

 

Il se murmure une chose avec insistance: le 1,5 million de bénéfices enregistré par Genève-Servette la saison dernière aurait disparu des comptes du GSHC. Parce que le pécule aurait été utilisé pour tenter de maintenir à flots le Servette FC de… Hugh Quennec, avant la relégation administrative. Réponse de Chris McSorley, co-actionnaire du club de hockey avec Quennec?

 

«Je ne suis pas impliqué dans la comptabilité du club, ce n’est pas mon rôle de disséquer les chiffres, élude l’entraîneur. Alors je ne sais pas. Je doute que cela soit possible.»

 

Mais les problèmes rencontrés par Hugh Quennec avec le Servette FC peuvent-ils néanmoins avoir des répercussions sur le club de hockey, qu’il préside toujours?

 

«Non, je ne pense pas, lance McSorley. Le foot, c’est le foot. Ici, nous avons de solides soutiens. Et même si cela a été compliqué pour Hugh, qui a essuyé beaucoup de critiques, il s’est lancé à l’époque pour sauver le SFC. Il ne faut pas l’oublier. Maintenant, après trois ans où il a été très occupé, je vais à nouveau avoir plus de temps à passer avec lui, pour le bien de Genève-Servette. Je ne peux pas espérer de meilleur partenaire que lui, c’est tout ce que je peux dire.»